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Pétitions en ligne : tout le monde derrière !

Avec l’affaire Trayvon Martin, jeune Américain noir tué par un vigile, le site de pétitions en ligne Change.org a montré sa capacité de mobilisation planétaire. Et son influence.

Sans cette foule invisible, le meurtre de Trayvon Martin, ce garçon noir de 17 ans, abattu le 26 février par un vigile de Floride, ne serait que le crève-coeur d’une famille, et non un symbole mondial d’injustice.

A elles seules, les manifestations et les esclandres des élus noirs du Congrès n’auraient pu aboutir à l’inculpation du tueur, le 11 avril, s’ils n’avaient été portés par une vague de fond: près de 2,5 millions de signatures recueillies par les parents de Trayvon sur Change.org, un site de pétitions en ligne devenu, avec 10 millions de membres, l’épicentre des mobilisations citoyennes aux Etats-Unis et dans le monde.

Des victoires légendaires

La page d’accueil toute simple, ornée d’un gros bouton rouge « Start a petition », dessine le nouveau visage civique des réseaux sociaux. Les 15 000 causes hébergées par Change.org incluent, entre autres, un appel à Asma el-Assad, l’épouse du président syrien, lancé le 19 avril par les femmes des ambassadeurs allemands et anglais à l’ONU; la défense d’un Américain emprisonné abusivement au Nicaragua; la protection des abeilles ravagées par les produits d’un conglomérat chimique, de même que les 50 000 soutiens au petit Sean, un enfant autiste d’un patelin de Pennsylvanie demandant à aller en classe avec sa chienne d’assistance, Sophia.

L’écran déroule aussi des victoires légendaires, comme cette pétition adressée par Molly Katchpole, 22 ans, au PDG de la toute puissante Bank of America: la jeune femme, qui protestait contre les frais de 5 dollars imposés sur les achats par carte, a obtenu gain de cause en novembre dernier grâce à ses 300 000 signatures.

Dans la foulée, le géant des télécoms Verizon a renoncé à une surtaxe injustifiée. Ces dizaines de coups de force expliquent, tout autant que Trayvon Martin, l’insertion du patron de Change.org dans la liste des 100 personnes les plus influentes au monde établie par Time Magazine.

500 nouvelles pétitions toutes les 24 heures

A 31 ans, Ben Rattray règne depuis San Francisco sur une équipe de 100 personnes surmenées par un demi-millier de nouvelles pétitions toutes les 24 heures et deux millions de membres supplémentaires par mois.

Malgré ses allures de poète, ce diplômé de Stanford se destinait à Wall Street, lorsqu’un choc – la découverte des brimades dont son petit frère homosexuel a été victime – lui a ouvert l’horizon humanitaire. Change.org est ainsi né en 2007, sous la forme d’une « B Corporation », une nouvelle race d’entreprises à but lucratif financées par les clients et annonceurs du secteur philanthropique.

Elle vivotait encore en 2010, lorsque la révélation lui est venue non d’Amérique, mais d’une internaute sud-africaine en lutte contre les « viols correctifs » infligés aux lesbiennes de Soweto. 171 000 signatures ont soudain donné au site sa raison d’être.

« Toutes les pétitions sont acceptées »

« C’est une plate-forme d’émancipation où les moments individuels se transforment en mouvement », confirme Benjamin Peyrot Des Gachons, chargé du lancement de la nouvelle antenne en France, au début de mai.

Pour n’importe quelle cause? « Toutes les pétitions sont acceptées, mais une motion conservatrice contre l’IVG, par exemple, ne trouverait pas d’écho parmi nos membres, d’autant que nous ne lui apporterions aucune aide », répond ce jeune pro des combats humanitaires.

Aux Etats-Unis, un employé du site avait repéré, début mars, les premières signatures concernant la mort suspecte d’un jeune Noir de Floride. Il avait appelé le pétitionnaire, un étudiant de Washington, pour lui demander de faire passer le flambeau aux parents de la victime sous un nouveau titre: « Engagez des poursuites contre le meurtrier de notre fils Trayvon Martin. » C’était simple et cela en valait la peine.

Philippe Coste, L’Express.fr

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