Yoselyn Ortega © Reuters

Perpétuité ferme pour la nounou tueuse de Manhattan

Le Vif

Perpétuité ferme, sans possibilité de libération: Yoselyn Ortega, la nounou qui a tué en 2012 à Manhattan deux enfants dont elle avait la charge, a écopé lundi de la peine maximale, comme le demandaient les parents.

Cette femme de 56 ans, d’origine dominicaine, dont le geste tragique a inspiré à l’écrivaine Leïla Slimani le roman « Chanson Douce » (Prix Goncourt 2016), avait plaidé en vain la folie pour le double meurtre de Leo et Lucia Krim, âgés de respectivement deux et six ans, le 25 octobre 2012.

Mais après un procès de six semaines, et malgré le témoignage de psychiatres qui ont estimé qu’Ortega souffrait de psychose et se trouvait dans un état « dissociatif » au moment du crime, un jury populaire l’a reconnue, le 18 avril, pleinement coupable des deux meurtres.

Lundi, face à une salle d’audience pleine à craquer, le juge Gregory Carro a rejeté les appels à une peine plus clémente adaptée à la maladie mentale d’Ortega, émanant de l’avocate de la défense.

« Elle ne savait pas ce qu’elle faisait, pas plus qu’un enfant, une brute ou une bête sauvage », a fait valoir Valerie Van Leer-Greenberg.

Remords tardifs

Mme Ortega, restée silencieuse pendant tout le procès, est elle aussi sortie du silence, pour la première fois, sans réussir à infléchir le juge.

« Je suis profondément désolée, j’espère que personne n’aura à vivre ce que j’ai vécu (…) je demande beaucoup de pardon », a-t-elle déclaré en espagnol via une interprète, étouffant des sanglots.

Elle a assuré avoir confié, avant les meurtres, son mal-être à sa famille, et à l’aînée des enfants. « J’ai dit à Lulu que je ne me sentais pas bien », a-t-elle dit en pleurant.

Ces regrets, maladroits, n’ont pas pesé lourd face aux longues déclarations des parents Krim, admirés aux Etats-Unis pour leur résilience face à cette tragédie, scénario-cauchemar de tous les parents qui confient leurs enfants à garder.

Le drame s’est déroulé dans l’appartement cossu des Krim, dans le quartier de l’Upper West Side.

La mère, Marina Krim, partie chercher leur troisième enfant, Ines, à un cours de danse, avait en rentrant découvert Ortega dans la salle de bains, les deux enfants ensanglantés dans la baignoire, massacrés à coups de couteau de cuisine.

Le père, qui rentrait le soir même d’un déplacement à San Francisco, avait été informé du drame par la police, à son arrivée à l’aéroport.

Depuis les assassinats, les parents Marina et Kevin Krim ont créé une fondation, le « fonds Lulu et Leo », et une organisation, « Choisissez la créativité », qui encouragent la créativité artistique comme moyen de surmonter les difficultés de la vie. Ils ont eu deux autres enfants.

« Assurez-vous que l’accusée ne puisse jamais sortir de prison vivante », a enjoint Kevin Krim au juge, estimant que leur autre enfant, Ines, qui a échappé aux meurtres, « ne méritait pas d’avoir ça au-dessus de sa tête ».

Marina Krim, qui avait témoigné avec rage contre Ortega lors du procès, a elle souligné que le souvenir des deux enfants assassinés « continuerait à nous guider ».

« L’accusée pense peut-être avoir détruit Lulu et Leo, mais elle a lamentablement échoué là encore ».

Vers une « Loi Leo et Lulu »

La différence de classes entre la famille Krim, très aisée, déterminée à donner à leurs enfants la meilleure éducation possible, et la nounou, en difficultés personnelles et financières, était clairement ressortie lors du procès.

Lundi, le père a longuement décrit l’univers dans lequel baignait la famille et les enfants disparus, « l’équipe Krim », comme il l’a surnommée: les enfants fréquentaient des écoles bilingues, avaient moult activités extra-scolaires, avaient déjà voyagé dans le monde entier et avaient leurs plats favoris dans les restaurants…

Ortega, elle, travaillait depuis l’âge de sept ans, bien avant d’émigrer aux Etats-Unis, a fait valoir son avocate. Malgré ses faibles revenus « au service de riches new-yorkais », elle donnait à 27 oeuvres caritatives, tout en s’occupant de son fils adolescent.

L’histoire n’est pas terminée: sous la pression des Krim, une « loi Leo et Lulu » est en préparation au Parlement de l’Etat de New York, qui permettra de poursuivre ceux qui fourniraient des recommandations mensongères aux personnes cherchant un travail de garde d’enfants.

Le procès a en effet montré qu’Ortega avait fourni une lettre de recommandation mensongère aux Krim. Si la lettre affirmait qu’Ortega s’était déjà parfaitement occupée d’un autre enfant, il s’est avéré qu’elle avait été rédigée par une parente d’Ortega, sans enfant.

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