Harvey Weinstein © REUTERS/Rick Wilking

Peignoir, massage, alcool et drogue… Les rituels des prédateurs sexuels

Le Vif

De jeunes actrices invitées avec insistance à monter dans la chambre d’un puissant producteur qui les accueille en peignoir, voire nu, leur demande un massage ou de le regarder prendre une douche…

Le producteur déchu Harvey Weinstein est accusé par une dizaine de femmes dont des stars comme Angelina Jolie, Ashley Judd et Gwyneth Paltrow de harcèlement sexuel ou de viol. Leurs récits se ressemblent et évoquent un véritable rituel.

Les prédateurs sexuels ont tendance à avoir « un système (…) qui marche pour eux, qu’ils affinent, perfectionnent et répètent », constate Kristen Houser, porte-parole du Centre national de ressources contre les violences sexuelles. « C’est un piège ritualisé contre une proie sexuelle », insiste la psychologue Judi Bloom.

L’ex-star de télévision Bill Cosby, accusé par une cinquantaine de femmes de harcèlement, agression sexuelle ou viol, avait lui aussi apparemment un modus operandi. Dans des contextes festifs (restaurants, soirées à la Playboy Mansion), il approchait des jeunes femmes à qui il faisait miroiter un coup de pouce professionnel, leur faisait boire de l’alcool et les droguait, selon ses victimes présumées. Bill Cosby fera l’objet d’un nouveau procès l’an prochain, après un premier en juin qui s’est soldé par une annulation.

Gayle Wyatt, psychologue et thérapeute sexuelle rattachée à l’université UCLA, souligne qu’une part de rituel existe dans la plupart des relations intimes: « les gens ont une manière d’approcher des partenaires, d’être sexuellement excités qu’ils répliquent ». Mais les prédateurs sexuels les systématisent et surtout se passent du consentement. Tout devient un rapport de force pour contraindre l’objet de leurs désirs à « ressentir qu’elle n’a plus le choix », poursuit Judi Bloom, psychologue exerçant à Santa Monica.

Quatre femmes, dont Asia Argento et Rose McGowan, accusent Harvey Weinstein de viol mais celui-ci a qualifié ces relations de consensuelles par le biais d’une porte-parole.

Ferrer sa proie

Certaines victimes présumées de Weinstein racontent avoir été suivies dans une chambre comme par un animal attendant de ferrer sa proie, s’être senties pétrifiées, contraintes à un rapport sexuel ou à le regarder se masturber. Dans le cas de Weinstein, ses 136 kilos créaient aussi une coercition physique.

Les rituels aident les agresseurs « à ne pas se sentir coupables et à rationnaliser leur comportement », affirme Judi Bloom. « Je crée juste un environnement, une scène, et cette personne voudra avoir un rapport sexuel avec moi », se disent ces prédateurs, selon la psychologue. Ils font état d’une relation mutuellement bénéficiaire – faveur sexuelle contre carrière – pour se convaincre qu’elle est consensuelle.

Les chambres d’hôtel servent de bulle isolant de la réalité: « ce n’est pas quelque chose que vous faites chez vous, ça arrive dans les hôtels, les salles de classe après les cours, dans les églises… », poursuit-elle.

Des agressions qui surviennent dans tous les secteurs, partout où des gens – la plupart du temps des hommes – sont en position de pouvoir: PDG, prêtres, professeurs, hommes politiques – l’affaire « DSK » par exemple. « C’est un schéma commun chez des gens très puissants, « mâle alpha », très occupés, qui développent d’autres manières de parvenir à une gratification sexuelle ». Ils utilisent souvent des aides, comme les assistants évoqués dans l’affaire Weinstein, chargés de créer une illusion de sécurité en étant présents dans les « réunions » avant de disparaître et de les laisser seuls avec leurs cibles.

Les agresseurs repoussent les limites de l’intime. « Se masturber ou prendre une douche, ce sont des choses qui se font en privé mais qu’ils font en public. Ils testent non seulement la victime mais l’environnement », remarque Kristen Houser. La peur suscitée leur donne du plaisir, en attestant là encore de leur domination face à une personne plus faible.

Leur position de pouvoir les protège car les aides ou les victimes ont peur de ne pas être crues ou de subir des mesures de rétorsion: voir leur carrière, leur réputation ruinées. « Très peu de gens parlent », se désole Gayle Wyatt. Leurs actes restant sans conséquence, les agresseurs sexuels recommencent, se sentant invincibles.

Pour Judi Bloom, ces comportements déviants trouvent souvent leur source dans des traumatismes d’enfance, « quelque chose qui les a faits se sentir moins que rien ». « Ils développent alors une réponse sexualisée à ces sentiments d’inadéquation et quand ils atteignent le pouvoir, ils exploitent les plus faibles « , conclut-elle.

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