Pavel Groudinine en campagne © Reuters

Pavel Groudinine, roi de la fraise millionnaire qui se rêve président de la Russie

Le Vif

Homme d’affaires dont les revenus se comptent en millions de dollars, Pavel Groudinine n’en reste pas moins le candidat du Parti communiste russe à l’élection présidentielle du 18 mars.

Surnommé le « roi de la fraise », M. Groudinine, 57 ans, est directeur du « Sovkhoze Lénine », une ferme de fruits et de produits laitiers située sur un terrain onéreux de la banlieue de Moscou.

Abondante chevelure grise, moustache et permanent sourire aux lèvres, son intronisation par le Parti communiste a créé la surprise. Elle a aussi donné un coup de jeune à une formation représentée depuis la chute de l’URSS par Guennadi Ziouganov, 73 ans, devenue sous Vladimir Poutine de moins en moins critique envers le pouvoir.

Crédité d’environ 7% des voix par les sondages, Pavel Groudinine se situe actuellement en deuxième place sur les huit prétendants à la présidentielle — très loin de l’homme fort du Kremlin (plus de 70%).

Sur le papier, il a toutes les caractéristiques d’un candidat communiste: il dirige une ancienne ferme d’Etat soviétique et fait l’éloge de Staline, avec qui il cultive une vague ressemblance physique.

Pavel Groudinine n’est paradoxalement pas membre du Parti communiste et a par le passé critiqué ses « dogmes ».

La majorité de sa fortune vient de la location et de la vente de terrains coûteux aux alentours de Moscou à des hypermarchés.

L’année dernière, son entreprise a affiché un chiffre d’affaires d’environ 4 milliards de roubles (57 millions d’euros). Il a déclaré des revenus de 157 millions de roubles (2,2 millions d’euros) sur les six dernières années.

« Ce n’est pas si mal », s’est-il félicité lors d’une récente conférence de presse.

Certains observateurs voient dans sa candidature à la présidentielle une manoeuvre du pouvoir pour encourager la participation, incertaine vu le résultat prévisible du scrutin, sans poser de réel danger à M. Poutine.

S’il n’hésite pas à critiquer certaines politiques du gouvernement, il ne s’en prend jamais personnellement au président russe. « Il s’agit d’une bataille d’idéologies, et non une bataille de personnes », justifie-t-il.

Il a par le passé publiquement soutenu Vladimir Poutine et même été membre du principal parti pro-Kremlin, Russie Unie.

Capitaliste

Le dirigeant historique du Parti communiste, Guennadi Ziouganov, a fait l’éloge du nouveau candidat, dont il vante l’application des principes socialistes à son entreprise qui propose un jardin d’enfants pour les employés et des salaires supérieurs à la moyenne.

« Territoire de l’optimisme social » selon M. Ziouganov, le Sovkhoze Lénine représente un quartier à lui tout seul. On y pénètre via un portail orné de motifs en forme de fraise.

Fondé en 1918 comme une vitrine de l’agriculture soviétique, le sovkhoze a été privatisé en 1995 et Pavel Groudinine en a pris la tête.

Aujourd’hui, il revendique d’avoir modernisé l’ancienne ferme d’Etat, avec par exemple la traite mécanisée des vaches, tout en investissant une partie des profits dans des services aux salariés, en bien meilleur état que dans les établissements d’Etat.

A l’école de la ferme, qui a ouvert l’année dernière, les enfants apprennent la modélisation sur ordinateur et l’histoire grecque antique, tandis que le jardin d’enfants, immaculé, est équipé d’une pièce entière avec des Lego.

Pavel Groudinine a beau être un « capitaliste », la manière dont il traite ses employés est bien vue par les électeurs communistes, explique l’analyste politique Konstantin Kalatchev.

Sous pression

Sa candidature surprise a suscité un intérêt renouvelé pour le parti communiste, provoquant des articles hostiles dans la presse populaire pro-Kremlin qui a mis en doute son intégrité en évoquant des comptes bancaires à l’étranger.

La montée en popularité du candidat communiste a « provoqué peur et consternation » dans l’équipe de campagne du président, selon le député communiste Valéri Rachkine. « Ils essayent désormais de le salir ».

Pavel Groudinine s’est de son côté plaint de visites intempestives des inspecteurs des impôts et d’un temps d’antenne très limité, disant être « en permanence sous pression ».

Selon M. Kalatchev, le Kremlin est partagé sur l’attitude à adopter face à M. Groudinine. « D’un côté, ils ont besoin d’une bonne participation. De l’autre, ils devront le saborder s’il grignote l’électorat de Poutine », explique l’analyste. Selon lui, M. Groudinine pourrait s’accommoder d’un poste de gouverneur régional de Moscou, et il devra pour cela rester sous les 15% lors du scrutin du 18 mars.

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