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Pascal Delwit: « Non, les autorités publiques n’ont pas bien géré la crise du coronavirus »

Le Vif

Alors que le virus se propage au mépris des frontières, il semble y avoir autant de réponses que de pays touchés, qu’il s’agisse de gérer la crise sanitaire actuelle ou la crise économique qui se profile. Exemples à suivre ou à fuir ?

Professeur de science politique à l’ULB, Pascal Delwit pose en ces temps de pandémie un jugement sans appel : non, les autorités publiques n’ont pas bien géré la crise du Covid-19.  » Difficile de répondre par la positive quand on observe les discours politiques en début d’épidémie, quand on voit la situation dans les hôpitaux et les homes, celle du personnel soignant, l’abandon des travailleurs de la distribution…  » Même si  » une fois que la crise sanitaire a frappé plus sévèrement, l’approche du confinement a été bien menée « . C’est déjà ça.

Mais quid de l’après et de la crise économique annoncée après des semaines à l’arrêt ? Chacun y va de sa solution, l’ONG Oxfam plaidant notamment pour un plan de sauvetage universel basé sur une  » monnaie hélicoptère « , soit de l’argent directement versé sur le compte des particuliers. C’est ce que Donald Trump a promis aux Américains, dans le cadre du vaste plan de relance de 2 000 milliards de dollars adopté par le Congrès : chaque famille recevra un chèque pouvant aller jusqu’à 1 200 dollars par adulte et 500 par enfant. De quoi creuser profondément le déficit public…

Des économistes européens plaident pour une initiative analogue sur le Vieux Continent, financée non par les Etats mais directement par la Banque centrale européenne (BCE). Objectif : doper le pouvoir d’achat des citoyens pour stimuler la demande dès la sortie du confinement. Une approche envisageable mais pas forcément nécessaire en Belgique pour Pascal Delwit, qui souligne que notre pays n’est pas confronté à un réel problème de liquidités.

Tirer les enseignements du passé

En revanche, ce qu’il faut absolument éviter selon lui, c’est un plan d’austérité semblable à celui mis en place après la crise financière de 2008.  » Cette stratégie a créé un ralentissement économique majeur dans la zone euro et les responsables politiques de l’époque ont récemment reconnu qu’un certain nombre de mesures prises alors ont été inefficaces, voire contreproductives. Si on ne tire pas les enseignements du passé, on aura forcément les mêmes conséquences.  »

Pour les éviter, mieux vaut jeter un regard prudent vers une autre crise économique, celle de 1929 :  » La plupart des pays européens ont déjà suivi à l’époque la voie de l’austérité, qui n’a servi à rien sinon à repousser la relance. Les Etats-Unis, eux, ont adopté une approche keynésienne avec le New Deal, la relance par les travaux publics et une forte augmentation de la fiscalité sur les grandes entreprises.  »

Quant au  » confinement économique  » ou au repli sur soi prôné par certains pays pour faire face à la crise annoncée ?  » Il n’aurait aucun sens pour nous, la Belgique étant très ouverte et une bonne partie de son développement fondée sur l’exportation.  » Ce qui ne veut pas dire qu’une réflexion sur le redéploiement de la consommation intérieure n’a pas de sens pour autant,  » la crise ayant mis en lumière l’incroyable dépendance des Etats à la nouvelle division internationale du travail « .

Vers un développement du régionalisme à l’échelle internationale ? Peut-être, mais en attendant, Pascal Delwit rappelle que  » l’après  » n’est pas seulement une question nationale :  » Ce qui va compter en Belgique, c’est la reprise de la dynamique économique européenne et la façon dont on va pouvoir s’insérer dedans.  » Et pour le moment, c’est encore le flou total.

Par Kathleen Wuyard.

Pascal Delwit.
Pascal Delwit.© RALITZA PHOTOGRAPHY

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