François Fillon avant le Penelopegate : les catholiques pratiquants français en avaient fait leur champion. © FAYEZ NURELDINE/BELGAIMAGE

« Pas fier d’être chrétien » après l’affaire Fillon ?

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

Le Penelopegate a désintégré la virginale figure du catho pratiquant désintéressé François Fillon. Le candidat de la droite à la présidentielle, qui avait mis en avant ses convictions religieuses, a-t-il terni l’étiquette « chrétien » ?

La presse française a abondamment disserté sur le  » réveil catho  » lors de la victoire sans appel du catholique pratiquant François Fillon à la primaire de la droite et du centre. C’était avant que n’éclate le scandale des emplois fictifs présumés de l’épouse et des enfants du candidat ! En novembre dernier, son adversaire au second tour, Alain Juppé, et lui-même avaient fait de leur religion un enjeu politique :  » Moi, je suis plus proche du pape François « , clamait le maire de Bordeaux.  » Je ne suis pas sûr qu’il l’ait bien écouté, rétorquait Fillon. Sur de nombreux sujets, le pape dit la même chose que moi.  » Une passe d’armes inédite sous la Ve République.

Si Fillon a triomphé, c’est, en partie, grâce à l’engouement des catholiques pratiquants, qui en ont fait leur champion. La carte de ses fiefs électoraux correspond à celle des régions où la pratique catholique est la plus forte. Par ailleurs, le candidat a bénéficié du soutien de l’association Sens commun, émanation de la Manif pour tous, collectif opposé au mariage homosexuel.

« Menteur, profiteur, arriviste… »

Le séisme médiatique autour du Penelopegate change évidemment la donne. De révélation en révélation, la virginale figure du catholique désintéressé s’est désintégrée.  » Menteur, profiteur, arriviste, sans soucis pour le sort d’autrui… : il est plutôt gratiné, le profil que l’opinion publique peut associer, en 2017, à l’étiquette « chrétien » ! constate avec dépit Frédéric Antoine, rédacteur en chef de L’Appel, le mensuel chrétien belge. Dans un édito du 6 février titré  » Pas fier d’être chrétien « , il rappelle que celui qui était encore il y a peu le candidat le plus en vue de l’élection présidentielle était fier de faire état de ses convictions religieuses.

 » Christique au point de dire vouloir sacrifier sa vie pour le sauvetage de la France, il s’était aussi fait qualifier de « Monsieur Propre » de la politique, rappelle Frédéric Antoine. Pour mesurer les dégâts sur l’image qu’il génère du catholicisme et des catholiques, il suffit de comparer les valeurs prônées par l’Evangile et les pratiques du candidat dans sa vie quotidienne.  »

Le chanoine liégeois Eric de Beukelaer, ex-porte-parole des évêques, nuance :  » Il ne faudrait pas surévaluer l’impact de l’affaire sur l’image du monde catholique. Elle est ennuyeuse, mais pas tant que cela. Beaucoup de catholiques français, malgré la sympathie qu’ils avaient pour le croyant Fillon, n’auraient de toute façon pas voté pour lui. Entre autres à cause de son programme social « hard ».  »

Plus inquiétant est, aux yeux de certaines voix dans le monde chrétien, le fait que l’adjectif  » catholique  » est de plus en plus souvent associé, en France, à un positionnement politique de droite, voire d’extrême droite. Selon Frédéric Antoine, le nouveau président américain serait lui-même une illustration désastreuse du christianisme de 2017. A voir. Certes, Donald Trump a reçu un soutien décisif des évangéliques, qui ont voté à 81 % pour lui. Toutefois, il n’incarne pas, tant s’en faut, les valeurs évangéliques. Vaguement presbytérien, il ignore à peu près tout du christianisme et s’est trompé plusieurs fois en citant la Bible.  » Surtout, le pape, chef des catholiques, s’est profilé comme l’un des chefs de file de la lutte contre l’ultra-droite populiste et protectionniste, signale Eric de Beukelaer. Avec une mise en garde pas piquée des vers le jour de l’investiture de Trump.  »

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