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Papandréou, ou l’incapacité à faire payer les riches

En difficulté, il n’a pas su convaincre ses concitoyens de sa volonté de réformer. Et notamment de faire partager le poids de l’impôt par tous les grecs. Analyse.

« Il a la réelle volonté de faire des réformes, mais il n’a pas le courage de s’affronter avec les forces stagnantes du pays et de son propre parti ». Le verdict de l’écrivain Petros Markaris sur le Premier ministre grec Georges Papandreou est sans appel. Il explique ainsi les 18 mois de retard pris dans l’application des réformes, notamment fiscales: en Grèce, dit-il en substance, le problème n’est pas d’adopter les lois ou d’en créer de nouvelles, mais de les appliquer. Et c’est là où le bât blesse, car l’administration traîne des pieds ou, selon les cas, fait du zèle.

Les amendes, c’est pour ceux qui n’ont pas le bras long
Sur la question des impôts se greffe un problème supplémentaire, celui de la relation haineuse entre les citoyens et l’État. L’État considère que les contribuables sont tous des fraudeurs et les contribuables, que l’État est un voleur.

Georges Papandreou a voulu casser ce cercle vicieux en proposant une sorte de nouveau contrat social aux Grecs lorsque la crise a éclaté. « Cette crise est une chance pour le pays, nous allons reconstruire une Grèce nouvelle libérée des erreurs du passé », se plaisait-il à marteler dans ses discours. Si les Grecs y ont cru un moment, ce n’est plus le cas aujourd’hui: « On connait tous les gros fraudeurs, rigole grassement Spiro, ancien militaire devenu chauffeur de taxi; les fils et filles de hauts cadres du Pasok ne payent pas d’impôts, ils ne font même pas de déclaration d’impôts. Comment voulez-vous qu’on y croie? Aucun des ministres corrompus ou des hommes d’affaires qui ne paie pas ses impôts n’est derrière les barreaux. Les amendes, c’est pour ceux qui n’ont pas le bras assez long. »

Trop peu de contribuables
Jusqu’à présent, pour des raisons liées à l’incurie des services administratifs et à la corruption ambiante, l’impôt n’était pas collecté. Ou plutôt, il était toujours collecté chez les mêmes contribuables, ceux que l’État pouvait contrôler, puisque c’est lui qui les payait: les retraités et les fonctionnaires. Les professions libérales étaient épargnées, alors que dans leur écrasante majorité elles fraudent de façon notoire. Les médecins qui déclarent 20.000 euros de rentrées par mois sont légion.

Un grand nombre de Grecs fraudent un peu, tandis qu’un petit nombre fraude beaucoup. Et en dernier ressort, l’État est pratiquement dépourvu de recette. Lorsque la crise a éclaté, de très sérieux efforts ont été faits pour coincer les fraudeurs. Le ministre des Finances de l’époque avait même fait une déclaration solennelle, entouré des ministres de la Justice, de l’Intérieur, et des responsables policiers. « La fraude fiscale est un crime contre l’État, avait-il déclaré. Maintenant, c’est fini. On livre une vraie bataille contre les fraudeurs. Il y va de la survie de l’État. »

Le chantage des armateurs
D’autant qu’institutionnellement, certains citoyens ne payent pas d’impôts de façon légale, notamment les agriculteurs et les armateurs. Pour que ces derniers contribuent à l’effort national, il est nécessaire de changer la Constitution. Mais comme ils participent pour plus de 12% au PIB, il faut les ménager. « Si travailler en Grèce n’est plus intéressant pour nous, on prend nos bateaux et on s’en va », déclare sans complexe l’armateur Nikos Vernicos.

Du côté de l’Église – qui n’est toujours pas séparée de l’État – ce n’est pas mieux. L’importance de ses oeuvres de bienfaisance sert de cache-sexe à la faiblesse de l’impôt auquel elle est soumise, bien qu’elle soit le plus gros propriétaire foncier de Grèce. Et elle a été exemptée de la 6e taxe foncière créée cette année pour combler les caisses vides du pays.

Quant aux riches Grecs, ils n’ont pas du tout compris pourquoi certains riches Allemands ou Français ont demandé à l’État d’être davantage taxés et ne songent absolument pas à suivre leur exemple. Alors, à l’autre bout de l’échelle sociale, ceux qui reçoivent le troisième plan d’austérité en pleine figure ne voient pas pourquoi ils devraient continuer à être les seuls à payer. Et les caisses de l’État grec, alors que la récession empêche toute rentrée de TVA, restent vides, désespérément vides.

De notre correspondante Angélique Kourounis

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