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Où le colonel Kadhafi pourrait-il s’exiler?

On le dit à bord du convoi libyen qui traverse actuellement le Niger, avec pour destination finale le Burkina Faso. Mais en réalité personne ne sait où il est. Le dictateur déchu tenterait-il de quitter discrètement le sol libyen? Pour aller où?

Le cas du Burkina Faso
Un convoi venant de Libye traverse actuellement le Niger. « Des rumeurs insistantes évoquent la présence de Kadhafi ou un de ses fils au sein de ce convoi« , a souligné une source militaire nigérienne, ce lundi. Le Niger dément la présence du Guide libyen, pas celle de membres de son entourage…

Destination finale: le Burkina Faso. Un choix curieux. Il mettrait en effet le clan kadhafiste à la merci de la Cour pénale internationale, dont le procureur a lancé un mandat d’arrêt contre le colonel Kadhafi: Ouagadougou est signataire du Traité de Rome qui oblige les pays à livrer quiconque est inculpé par la CPI.

Si la volonté du guide Kadhafi est de trouver refuge au Burkina Faso (…) nous prendrons les dispositions qui s’imposent
« Nous sommes signataires du Traité de Rome sur la CPI mais si la volonté du guide Kadhafi est de trouver refuge au Burkina Faso (…) nous prendrons les dispositions qui s’imposent« , a assuré le ministre burkinabè des Affaires étrangères, Djibril Bassolé. Et d’ajouter: « Si tel est son désir, pourquoi pas ? »
Cette offre, formulée fin août, accompagnait cependant la décision de Ouagadougou de reconnaître le Conseil national de transition (CNT, rébellion) comme « seul et unique représentant légitime du peuple libyen« . De simples « contacts » avaient été établis mi-juin. « Nous établissons donc des relations pour le futur« , ajoutait alors le chef de la diplomatie du Burkina Faso.

Le gouvernement burkinabè se dit aussi « disposer à poursuivre et renforcer » avec les nouvelles autorités libyennes « les relations d’amitié, de fraternité et de coopération » qui lient les deux pays. Ces liens, très étroits depuis trois décennies, se sont distendus en 2008, en raison des divergences sur le projet de « gouvernement africain » voulu par Kadhafi, qui se voulait alors « roi des rois d’Afrique« .

« Nous ne pouvons pas lui accorder l’asile parce que depuis trois ans, nous n’avons pas de très bonnes relations avec lui« , a nuancé le ministre burkinabè de la Communication et porte-parole du gouvernement, Alain Edouard Traoré, ce mardi. « Nous ne voyons pas pourquoi nous allons nous mouiller, et nous créer des problèmes. (…) Le problème de la venue de Kadhafi ne nous est aucunement posé. Et nous ne considérons pas la question« , a-t-il ajouté, contredisant le ministre des Affaires étrangères.

Ailleurs sur le continent africain?
Vers quel autre pays africain le colonel Kadhafi pourrait-il se tourner? La Tunisie et l’Egypte voisine, qui ont déjà renversé Ben Ali et Moubarak, sont exclues. Mais les autres?

L’Algérie a accueilli une partie de son clan, dont sa femme et trois de ses enfants: Alger le reconnaît mais écarte toute offre d’exil au colonel Kadhafi lui-même. Qu’en est-il d’un possible transit par le sol algérien? Une « solution » que la France aurait aidé à dessiner. Une source française citée par Reuters estime que le convoi a pu « passer par l’Algérie avant d’entrer au Niger« : c’est à ce stade de l’avancée des véhicules civils et militaires que le colonel et son fils Seif al Islam, souvent présenté comme son héritier, auraient pu « rejoindre » le convoi. Ce dernier aurait quitté Bani Walid, ville située à 150 km au sud de Tripoli, dès samedi pour se diriger vers le désert et les frontières algérienne et nigérienne plus au sud selon des responsables du CNT.

En bref, la porosité des frontières de la région et les blocages entre les capitales, qui bénéficiaient déjà aux convois d’Al Qaïda au Maghreb islamique, pourraient cette fois faciliter une fuite discrète du colonel Kadhafi. Pourrait-il pousser jusqu’au Mali? Un pays où ses largesses financières passées ont nourri un certain soutien populaire à son égard: le Mali fait partie des pays africains où la Libye a le plus investi, notamment dans les secteurs de l’agriculture, de l’hôtellerie et de la banque. Des Touaregs maliens étaient venus grossir les rangs de ses mercenaires face aux insurgés libyens.

Poussant plus à l’ouest encore, le colonel Kadhafi viserait-il la Mauritanie? Bien que Nouachkott ait reconnu le CNT, un membre influent de l’entourage du guide libyen a discrètement séjourné début août en Mauritanie où il a rencontré le président Mohamed Ould Abdel Aziz. Peut-être n’était-ce qu’une démarche à considérer dans le cadre de la médiation de l’Union africaine pour la Libye, présidée par la Mauritanie et réunissant les président du Congo, du Mali, d’Afrique du sud et d’Ouganda… Ou un coup de sonde pour un potentiel exil.

Revenons aux pays voisins de la Libye. Pourquoi pas le Soudan? Le colonel Kadhafi et le président soudanais ont un point commun: ils font l’objet d’un mandat d’arrêt de la CPI. Ce qui n’empêche pas Omar el Béchir de voyager régulièrement en narguant la justice internationale.

Et le Tchad, qui a aussi fourni des mercenaires au camp pro-Kadhafi? Cette autre piste africaine est évoquée sur le blog Lignes de défense, qui s’interroge sur la suite du voyage: « Kadhafi dispose encore de quelques amis en Afrique qui sont prêts à l’accueillir. » Le convoi de 200 à 250 véhicules ne seraient alors qu’une étape… direction le Zimbabwe ou l’Afrique du Sud.

Le colonel Kadhafi pourrait s’envoler pour rejoindre son ami Robert Mugabe, dont le pays n’a pas signé le Traité de Rome, et a récemment décidé d’expulser l’ambassadeur de Libye, rallié à la rébellion, à Harare. A moins qu’il ne se tourne vers Jacob Zuma qui s’est dit « mécontent » de l’intervention militaire de l’Otan en Libye.

Des options en Amérique latine
Quitte à prendre l’avion, le colonel Kadhafi pourrait s’éloigner du continent africain et répondre aux offres de deux pays situés de l’autre côté de l’Atlantique: le Venezuela et le Nicaragua. Ces deux pays font partie des plus farouches ennemis de la rébellion. Malgré son état de santé qui l’oblige à faire des allers et retours à Cuba, le président vénézuélien, Hugo Chavez, a témoigné son soutien au régime Kadhafi à de maintes reprises face à la « guerre impériale » menée par la coalition internationale.

Moins omniprésent dans les médias, le président nicaraguayen Daniel Ortega entretient cependant de profonds liens d’amitié avec le colonel Kadhafi. Des liens tissés dans les années 80, lorsqu’il dirigeait un gouvernement révolutionnaire (1979-1990) arrivé au pouvoir par les armes après avoir renversé le dictateur Anastasio Somoza. Le Nicaragua est le seul pays à lui avoir ouvertement offert de lui accorder l’asile.

L’Express.fr

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