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Oradour-sur-Glane: « Il n’y a pas encore assez de preuves pour un nouveau procès »

Le Vif

Après la visite d’enquêteurs allemands, mardi à Oradour-sur-Glane, 68 ans après le massacre de 642 civils, le procureur en charge du dossier, Andreas Brendel, estime que la suite de la procédure reste très ouverte.

Pourquoi cette visite d’enquêteurs allemands à Oradour-sur-Glane n’intervient-elle que maintenant? Nous avons rouvert l’enquête fin 2010 sur la base de nouveaux éléments découverts dans les archives de la Stasi, la police secrète est-allemande, et qui ont été utilisés dans un livre consacré au procès de Heinz Barth [criminel de guerre considéré comme l’un des principaux responsable du massacre et jugé en 1983 dans l’ex-RDA, ndlr].

Il y est fait état d’un témoignage. Quelqu’un de la compagnie de la Waffen SS incriminée aurait dit le jour du drame: « Aujourd’hui, le sang devra couler. » J’ai estimé que cela était suffisant pour rouvrir l’enquête, classée dans les années 80. Car juridiquement parlant, ce témoignage fait tomber la défense des soldats qui disaient ne pas avoir su ce qui aller se passer à Oradour-sur-Glane. Nous avons procédé en 2011 à des perquisitions au domicile des suspects encore en vie. Ils sont aujourd’hui au nombre de six.

En quoi, 68 ans après les faits, une visite sur les lieux du massacre peut-elle encore apporter quelque chose?

Il est important d’avoir une vision précise de la disposition des lieux. Car dans un interrogatoire, cela me permettra peut-être d’apporter la contradiction à celui qui me dirait « Je n’ai rien vu de là où j’étais ». Je serai en mesure d’estimer si c’est vraisemblable ou non.

Avez-vous déjà procédé à l’interrogatoire des suspects?

Nous ne les avons pas tous interrogés. L’état physique de trois d’entre eux ne le leur permet pas. Quant aux autres, aucun n’a reconnu avoir participé à un crime à Oradour-sur-Glane. En tant que procureur, je dois prouver qu’ils ont tué ou aidé à tuer, et qu’ils savaient ce qu’ils faisaient.

Y aura-t-il un procès un jour?

Je ne peux donner aucune indication sur la suite de la procédure, mais au vu de l’état de l’enquête, je peux juste dire que, pour ce qui est des preuves, la situation est difficile.

Vous voulez dire qu’il n’y a pas suffisamment de preuves?

Non, pour l’instant il n’y a pas suffisamment de preuves.
Qu’est-ce qui pourrait faire évoluer la situation vers un procès?
Il y a encore des témoins en France, ou des proches des victimes. Et nous devons encore examiner en détail les archives du procès de Bordeaux [en 1953, celui de 21 soldats ayant participé au massacre, ndlr].

L’opinion publique allemande ne semble pas s’intéresser de près au massacre d’Oradour-sur-Glane…

Ce n’est pas du tout mon impression. Il est vrai que ce déplacement en France n’a pas été très couvert par les médias allemands, mais je pense qu’ils seront très présents en cas de mise en accusation. Depuis la réouverture de l’enquête, j’ai bénéficié d’un soutien important, dans l’opinion publique et dans le monde politique.

Propos recueillis par Blandine Milcent

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