Les tirs de missiles nord-coréens du 28 juillet dernier sont à l'origine de la crise actuelle. © KYODO Kyodo/Reuters

On ne badine pas avec le nucléaire

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Au-delà des gesticulations entre Donald Trump et Kim Jong-un, un risque d’escalade incontrôlable.

Derrière l’escalade verbale entre Donald Trump et Kim Jong-un, il n’y a pas que de la stratégie rhétorique. Il y a un réel danger d’embrasement d’une région où se toisent quelques-unes des principales puissances mondiales, Etats-Unis, Chine, Russie, Japon… Aussi, quand les invectives de deux dirigeants, qui ne sont pas les plus subtils de la planète, vont crescendo, il y a lieu de s’inquiéter d’une possible déflagration aux conséquences incalculables, quand bien même celle-ci aurait été déclenchée par accident.

Dans la crise actuelle, le premier fauteur de troubles est le président nord-coréen qui épuise la patience des ténors de la communauté internationale en procédant, le 28 juillet dernier, à de nouveaux tirs de missiles balistiques, vingt-cinq jours seulement après la salve précédente. Fait exceptionnel, le Conseil de sécurité de l’ONU, au sein duquel la Chine, alliée de la Corée du Nord, a un droit de veto, adopte à l’unanimité un… septième train de sanctions contre Pyongyang. A ce stade, un président américain normal estimerait qu’il a déjà engrangé des points dans ce dossier hypersensible en mettant les dirigeants de Pékin devant leurs responsabilités. Mais Donald Trump aime se singulariser en tout, sans toutefois obtenir des résultats probants jusqu’à présent. Et il en rajoute donc dans l’invective lapidaire face à un Kim Jong-un qui n’en espérait pas tant puisque la provocation à l’égard de l’ennemi extérieur est un mode de survie. Le premier promet  » le feu et la colère  » si le satrape nord-coréen persiste dans ses menaces. Et ce dernier enchérit avec l’annonce – suspendue dans un deuxième temps – de tirs de missiles balistiques en direction de l’île américaine de Guam, dans l’océan Pacifique… Sur ce climat délétère, viennent se greffer des informations des renseignements militaires américains établissant que la Corée du Nord a acquis la technique de miniaturisation de têtes nucléaires dont elle pourrait dès lors équiper ses missiles intercontinentaux. Jusqu’il y a peu, ils prédisaient qu’il lui faudrait encore plusieurs années avant d’y parvenir…

La montée des tensions n’implique cependant pas une automaticité de l’affrontement. Kim Jong-un, jeune et intronisé depuis 2012 seulement, a besoin de reconnaissance internationale et n’a aucun intérêt à provoquer un conflit qui conduirait plus que probablement à son éviction et à la chute de son régime. Affaibli sur la scène intérieure, Donald Trump pourrait en revanche vouloir accrocher à son bilan la chute de la dictature potentiellement la plus dangereuse de la planète. Mais le prix de cette médaille risquerait de s’avérer incroyablement élevé.  » Pour neutraliser les capacités nucléaires de la Corée du Nord, il faudrait connaître, avec certitude, la localisation des sites de production et de stockage, et parvenir à les éliminer tous, sans exception », argumentait, en mai dernier au Vif/L’Express, Antoine Bondaz, spécialiste de l’Asie du nord-est à la Fondation pour la recherche stratégique de Paris.  » En 1994, l’administration Clinton avait déjà envisagé un tel scénario. Le Pentagone avait conclu que des frappes préventives provoqueraient une nouvelle guerre de Corée, qui se solderait par plus d’un million de morts « . Beaucoup espèrent donc que ses conseillers, dont de nombreux militaires, et le Congrès réussiront, le cas échéant, à contenir l’impulsivité du locataire de la Maison-Blanche.

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