© Capture d'écran

Obama 2016: le film anti-Obama que les républicains adorent

En tête du box-office des documentaires aux Etats-Unis, le film du conservateur Dinesh D’Souza, « 2016: Obama’s America », s’invite dans la campagne présidentielle en prétendant nous livrer les réelles ambitions de Barack Hussein Obama pour l’Amérique et le monde.

« Vous n’imaginez pas combien de personnes sont venues [voir le film]. Les spectateurs étaient scotchés. Tout le monde était tellement silencieux ! Personne ne voulait en perdre une miette. Et à la fin du film, tout le monde a applaudi ». Ce commentaire d’un lecteur du New York Times au Texas en dit long sur le succès du documentaire de Dinesh D’Souza, « 2016: Obama’s America« . Produit par Gerard Molan, le producteur de Jurassic Park ou de la Liste de Schindler, le long-métrage a généré plus de 20 millions de dollars de recettes en deux mois à peine, malgré la quasi-absence de publicité lors de sa sortie.
L’histoire n’a pourtant rien d’un blockbuster américain : le réalisateur retrace les facteurs qui, selon lui, expliquent que la politique du président des Etats-Unis soit en réalité dirigée contre les intérêts de l’Amérique. Dinesh D’Souza est convaincu que Barack Hussein Obama est animé par la mentalité anti-colonialiste de son père et qu’il désire venger les victimes passées de l’impérialisme en diminuant l’influence et le pouvoir de Washington dans le monde. Une thèse qu’il a déjà largement exposée dans son livre paru en 2010, « Les origines de la rage d’Obama », et qui fait de son film un des instruments de la campagne anti-démocrate menée par les conservateurs, le Tea Party en tête.

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L’intrigue est bien menée. Images de symboles de la puissance américaine alternant avec des scènes de conflit au Moyen-Orient, vidéos d’archives historiques sur fond musical, la narration emprunte la voix du réalisateur ainsi que… de Barack Obama lui-même, lisant des extraits de son livre « Les rêves de mon père ». Mais Dinesh D’Souza va au-delà de la performance cinématographique et met en scène sa rencontre avec un des demi-frères de Barack Obama, George. Ce dernier vit dans un bidonville à Nairobi. Une aubaine pour l’universitaire conservateur qui lui demande comment il perçoit l’  » abandon  » de son frère. Mais ce dernier ne tombe pas dans le piège et répond: « Il prend soin de moi ; je fais partie de ce monde ».
On l’aura compris, ce qui s’annonce comme un documentaire s’avère n’être qu’une énième tribune contre le président des Etats-Unis, exploitant grossièrement la branche kenyane de sa famille. Car Obama n’a jamais rencontré qu’une seule fois son père, à peine trois fois son frère George. Quant aux accusations politiques, elles relèvent de l’habituelle rhétorique des conservateurs américains, à savoir le manque de fermeté face à l’Iran -Dinesh D’Souza parle de l’Amérique d’Obama comme des « Etats-Unis de l’Islam »-, l’expansion du rôle des Etats fédéraux, l’explosion de la dette publique, une certaine inflexion dans l’influence de l’Amérique dans le monde… Autant de défauts dans la politique du démocrate que le réalisateur met en lien avec la mentalité anti-colonialiste d’Obama.

Le choix est alors en apparence très facile, manichéen: « Obama a un rêve. Un rêve qui lui vient de son père qui veut que les pêchés du colonialisme soient lavés et l’Amérique rabaissée. L’Amérique a un rêve. Un rêve hérité de nos pères fondateurs et qui est qu’ensemble, nous devons propager la liberté et que pour que la liberté croisse, il faut que l’Amérique croisse, elle aussi. Quel rêve allons-nous porter jusqu’en 2016 ? » Alors qu’auparavant c’était l’apanage de la gauche américaine de produire des films documentaires où l’objectivité s’effaçait au profit de l’engagement politique, il se pourrait bien que les conservateurs aient trouvé avec Dinesh D’Souza leur Michael Moore.

Par Clothilde Mraffko, l’Express

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