Charles Michel et Xi Jinping © Belga

« Nous préférons danser en costume ridicule devant les diplomates chinois plutôt que préserver notre liberté »

Jonathan Holslag
Jonathan Holslag Jonathan Holslag est professeur en relations internationales à la VUB.

Jonathan Holslag, professeur de relations internationales à la VUB, critique les relations que de nombreux pays établissent avec les communistes qui font la pluie et le beau temps à Pékin : « Nous préférons danser en costume ridicule devant les diplomates chinois plutôt que préserver notre liberté ».

On estime qu’il y a trente ans, 10.000 citoyens chinois sont morts lors de manifestations contre le régime communiste. La plus grande manifestation a eu lieu sur la place Tiananmen dans la capitale, Pékin. Cette violence a incité l’Occident à réfléchir. Il a infligé des sanctions à l’Empire du Milieu et la coopération économique a été liée au respect des droits de l’homme. « C’est ce qu’on a appelé la ‘coopération conditionnelle’. Très vite, on a laissé tomber la plupart de ces sanctions et conditions. La justification officielle était que le Parti communiste garantissait la stabilité et que les droits de l’homme seraient garantis dès que nous ferions du commerce. La véritable raison était l’opportunisme. L’accès à des centaines de millions d’ouvriers bon marché : voilà de quoi il s’agissait.

Tandis que les politiciens occidentaux se contorsionnaient dans tous les sens pour justifier cette politique, Deng Xiaoping, ancien numéro un de la République populaire de Chine, qui a continué à exercer une influence après sa retraite, était clair. « Les impérialistes », a-t-il déclaré en faisant référence à l’Occident, « essaient de nous inciter à plus d’ouverture en investissant. Ils espèrent que les futures générations de dirigeants seront plus accommodantes. » Il ne voulait pas que cela se produise : « Nous devons éduquer l’armée, les gens qui travaillent dans les organes de notre dictature, les membres du Parti, les jeunes « . Pour le monde extérieur, Deng semblait être un réformateur, l’homme qui a ouvert l’économie chinoise. En réalité, il reste convaincu que la tâche la plus importante est de préserver le pouvoir du Parti communiste et d’accroître celui de la Chine. La propagande devait faire en sorte que les nouveaux dirigeants ne l’oublient jamais.

Les dirigeants chinois d’aujourd’hui sont le produit de cette éducation. Avec un zèle sans précédent, ils poursuivent la propagande : chez eux et à l’étranger. Ce faisant, ils vont très loin. L’application la plus téléchargée du géant technologique Huawei n’est pas WeChat ou l’un ou l’autre jeu, mais le programme de propagande Étude pour rendre la Chine forte. On y rappelle aux citoyens à temps qu’ils doivent étudier la théorie du parti. S’ils le font correctement, ils engrangent des points bonus. Récemment, on a réinstallé des haut-parleurs dans les villages ruraux pour diffuser le message du Parti. Les choses vont de mal en pis, écrit Jeanne Boden dans un nouveau livre sur la propagande chinoise. Je connaissais la sinologue surtout comme quelqu’un qui me réprimandait de temps en temps, quand elle trouvait que j’étais trop suspicieux à propos de la Chine. Le fait qu’aujourd’hui, elle en arrive à une telle conclusion, avec sa connaissance approfondie de la société chinoise, rend son livre particulièrement intéressant.

Dans Chinese Propaganda Seducing the World, Boden dit clairement que nous, en Occident, nous nous laissons séduire par les spindoctors du Parti. Que nous préférons danser en costumes ridicules pour les diplomates chinois plutôt que de préserver notre liberté. Si nous avons d’abord négligé nos valeurs pour pouvoir faire du commerce avec les Chinois, nous semblons maintenant sensibles aux valeurs que leur machine de propagande essaie de nous apporter – la nouvelle Route de la soie est le moyen par excellence. Sans l’opposition de nos faiseurs d’opinion, de nos décideurs politiques et de nos universités, ils rendent la dictature du Parti acceptable pour nous. Boden fait référence à la Grèce, qui bloque déjà une position européenne critique en matière de droits de l’homme. Ou l’impact des instituts Confucius pour l’éducation culturelle et linguistique chinoise : ils doivent, qu’on le veuille ou non, faire passer le régime chinois pour normal à l’étranger.

Pour l’instant, cette propagande semble être un rouleau compresseur. En fin de compte, ça ne marche pas, écrit Boden dans sa conclusion. L’auteure souligne l’importance des contacts libres et individuels entre étudiants, de la coopération entre petits entrepreneurs privés ou universitaires. Mais c’est plus facile à dire qu’à faire, avec les gouvernements occidentaux qui continuent à travailler avec les méga-compagnies à la tête du Parti. Ou encore les universités occidentales qui font preuve de complaisance en gardant un Institut Confucius ouvert au lieu de permettre une véritable interaction critique avec les étudiants et les scientifiques chinois. Nous avons un énorme fossé entre la parole et l’action. Et pendant ce temps, le grand leader actuel va de plus en plus loin. Boden cite Xi Jinping comme suit : « Où que soient les lecteurs, où que soient les téléspectateurs, c’est là que notre propagande doit étendre ses tentacules. »

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