Gérald Papy

« Nos rêves sont plus forts que nos échecs »

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Groggy. Forcément groggy. On a beau avoir l’optimisme chevillé au smartphone, on sort forcément un peu anéanti par cette année noire. C’est que nombre de nos certitudes ont été ébranlées.

L’Etat protecteur, d’abord. Quand le 22 mars, les derniers membres du commando des attentats de Paris assassinent 32 citoyens du melting-pot bruxellois, c’est aussi la foi en la force rassurante des institutions démocratiques qui est écornée. Les conséquences s’avèrent aussitôt considérables : fragilisation du vivre-ensemble, dépression économique, et puis, remise en cause de notre modèle de société et des moyens mis en oeuvre pour nous protéger… Les vertus de l’échec, rappelle opportunément dans son livre éponyme le philosophe Charles Pépin, reposent sur trois conditions : bannir le déni, éviter l’identification personnelle (savoir faire la distinction entre  » avoir raté  » et  » être un raté « ) et, surtout, analyser les causes en profondeur. 2016 se termine sans la véritable conviction que les autorités politiques, policières et judiciaires belges aient pris la mesure des manquements que l’enquête sur les attaques parisiennes avait déjà mis en évidence.

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L’idéal européen, ensuite. Naguère, ceux qui se désespéraient des bisbilles belgo-belges pouvaient se consoler auprès de l’enthousiasmant projet européen. L’échappatoire n’est même plus permise. Après l’âpre bataille de la réduction de la dette publique de la Grèce et le fiasco de la gestion des migrants en 2015, le retrait du Royaume-Uni de l’Union par voie référendaire a consacré le désamour entre populations et institutions. Qu’ont contribué à amplifier un peu plus les révélations des Panama Papers, l’embauche de José Manuel Barroso par Goldman Sachs ou le trouble jeu d’hommes politiques belges dans le dossier du Kazakhgate. A travers le Brexit et l’élection à la présidence des Etats-Unis du magnat de l’immobilier et adepte du discours post-vérité, Donald Trump, 2016 signe la fin de l’hégémonie des élites. Evolution salutaire si, déconnectées de la réalité, celles-ci ignorent l’intérêt général. Mutation dangereuse si elles sont disqualifiées par principe au nom d’un populisme masqué.

La mondialisation heureuse, aussi. Dans l’univers merveilleux du libéralisme économique, elle devait être source de plus de liberté et de progrès. Elle a permis à des millions de Chinois, d’Indiens et de Brésiliens de sortir de la pauvreté, un gage de préservation de la paix mondiale. Mais, en Occident, elle laisse aussi sur le bas-côté beaucoup de perdants, victimes des délocalisations et autres restructurations, comme à Caterpillar, ou de  » l’innovation destructrice « , notamment dans le secteur des banques. 2016 restera comme l’année où ces populations rejetées à la périphérie de la modernité ont fait entendre leur voix.

La foi en l’homme, enfin. Répression, tortures, exécutions, bombardements, décapitations, famine, indifférence… : chaque année depuis 2011, les belligérants du conflit syrien ont reculé les limites de l’horreur quand bien même on les pensait indépassables. Dans cette jungle abandonnée à son sort par les Américains et les Européens, la loi du plus fort était vouée à triompher. Elle s’est exprimée dans toute sa cruauté à Alep, sous le prétexte somme toute confortable de l’activisme renouvelé de la Russie.

2016, basta ! Mais pas en s’avouant vaincu. Des lueurs dans la noirceur nous y autorisent. La joie au bout de l’effort de l’heptathlonienne Nafissatou Thiam aux Jeux olympiques de Rio. La tolérance à toute épreuve du pape François en faveur des migrants. La possibilité d’une paix en Colombie dans le couronnement par le Comité Nobel de son promoteur Juan Manuel Santos. Enfin et surtout, le  » Vous n’aurez pas ma haine  » du journaliste Michel Visart quelques jours après la mort de sa fille Lauriane dans l’attentat à la station de métro Maelbeek :  » Si on veut un monde différent, il faut du respect, de la tolérance et de l’amour.  » 2017 ne pourra qu’être plus belle.

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