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Norvège : Breivik demande son acquittement, verdict le 24 août

Anders Behring Breivik, jugé pour la mort de 77 personnes l’an dernier, sera fixé sur son sort fin août, sa défense insistant au dernier jour du procès pour que le tueur soit reconnu sain d’esprit et donc pénalement responsable afin de lui éviter un internement psychiatrique, tout en demandant la peine « la plus clémente possible ».

A l’issue d’une plaidoirie de deux heures et demie au dernier jour du procès, 11 mois tout juste après le carnage du 22 juillet 2011, l’avocat Geir Lippestad a demandé à la Cour de ne pas suivre le réquisitoire du Parquet qui a préconisé jeudi l’internement psychiatrique.

Par pure formalité, Me Lippestad a aussi demandé l’acquittement de l’extrémiste de droite, une demande irréaliste mais incontournable dans la mesure où l’accusé plaide non-coupable, ou, à défaut, la peine de prison « la plus clémente possible ».

Ce passage de la plaidoirie a donné lieu à un épisode déconcertant puisque l’avocat a omis de demander formellement l’acquittement, provoquant une vive réaction de Breivik, et ce n’est qu’en réponse à une question de la juge Wenche Elizabeth Arntzen, qu’il a finalement confirmé cette demande.

Après la plaidoirie, cinq témoins se sont succédé à la barre. Dans des récits déchirants ils ont raconté comment ils avaient tous perdu un proche dans les attaques du 22 juillet.

« Le jour où elle est morte, je suis morte aussi »


L’un d’eux, une jeune fille originaire d’Irak Lara Rashid, qui était sur l’île d’Utoeya avec sa grande soeur morte dans la fusillade a raconté : « on partageait tout, nos vêtements, nos secrets…Le jour où elle est morte, je suis morte aussi ».

A son tour l’accusé à pris la parole pour ses remarques finales provoquant le départ du prétoire de plusieurs dizaines de membres du public, familles des victimes et rescapés du massacre.

« On peut tous être d’accord que le 22/7, c’est une action barbare », a reconnu Breivik qui s’est ensuite lancé dans une tirade idéologique, déplorant la perte de valeurs depuis la Seconde Guerre mondiale, la révolution sexuelle aux dépens de la famille traditionnelle. « Le modèle démocratique européen ne fonctionne pas. Il faut un changement fondamental de direction », dit-il.

La cour a ensuite mis son jugement en délibéré au 24 août.

Dans la matinée, Me Lippestad avait, comme attendu, consacré l’essentiel de sa plaidoirie à tenter de prouver que l’extrémiste de 33 ans est suffisamment sain d’esprit pour être tenu pénalement responsable des attaques du 22 juillet.

Ce jour-là, Breivik avait ouvert le feu sur des jeunes travaillistes réunis en camp d’été sur l’île d’Utoeya, faisant 69 morts, des adolescents pour la plupart. Juste avant, il avait fait exploser une bombe près du siège du gouvernement à Oslo, tuant huit autres personnes.

Jugeant ces attaques « atroces mais nécessaires » pour protéger la Norvège contre le multiculturalisme et « l’invasion musulmane », Breivik reconnaît les faits mais refuse de plaider coupable. « Je ne peux pas reconnaître ma culpabilité. J’invoque le principe de nécessité (qui permet de tuer dans des circonstances exceptionnelles) car j’ai lutté pour mon peuple, ma culture et mon pays », a-t-il affirmé dans son intervention finale.

Dans son discours idéologique d’environ trois-quarts d’heure, Breivik a notamment évoqué « Sex and the City » et les artistes norvégiens issus de l’immigration participant à l’Eurovision pour déplorer la libération sexuelle qui menace la famille traditionnelle et la montée du multiculturalisme.

S’adressant aux cinq magistrats, l’accusé a souligné que « l’Histoire montrera s’ils jugent un homme qui tentait d’arrêter le Mal », qui « a perpétré une petite barbarie pour arrêter une plus grande barbarie ».

L’asile ou la prison ?

Déclaré psychotique par une première expertise officielle ensuite contredite par une contre-expertise, il tient par-dessus tout à être déclaré pénalement responsable pour ne pas voir son idéologie invalidée par une pathologie mentale.

Vendredi, au terme de dix semaines de procédure riches en témoignages poignants, la défense a donc essayé de démonter point par point la première évaluation psychiatrique qui avait conclu à une « schizophrénie paranoïde ».

En substance, Me Lippestad a souligné que les vues extrêmes de son client n’étaient pas les « idées délirantes » symptomatiques d’une maladie, comme le jugeaient les auteurs de cette expertise, mais bien l’expression d’une idéologie partagée par d’autres.

Estimant qu’il y avait suffisamment de doutes sur la santé mentale de l’accusé pour retenir l’irresponsabilité pénale, l’accusation a requis l’internement psychiatrique. Elle a assorti le réquisitoire d’une demande subsidiaire de 21 ans de rétention de sûreté au cas où la Cour devait finalement conclure que Breivik est responsable.

L’asile ou la prison ? En dernier ressort, il reviendra aux juges de trancher cette délicate question dans leur verdict.

Le Vif.be, avec Belga

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