Netanyahu, « magicien » de la politique inculpé pour corruption

Le Vif

Passé maître dans l’art de la survie politique, Benjamin Netanyahu est à la fois le plus pérenne des Premiers ministres de l’histoire d’Israël et désormais le seul à être inculpé dans l’exercice de ses fonctions, ce qui pourrait singulièrement compliquer son maintien au pouvoir.

Le procureur général d’Israël a décidé jeudi de l’inculper pour « corruption, fraude et abus de confiance » dans différentes affaires, après de longs mois d’enquêtes.

Voix rauque de ténor, cheveux argentés inamovibles, souvent vêtu d’un complet-cravate bleu sur chemise blanche, Benjamin Netanyahu s’est imposé au coeur du système politique israélien comme s’il en avait toujours fait partie.

Ce fin stratège, habitué au louvoiement, est pourtant le seul Premier ministre d’Israël à être né après la création de l’Etat hébreu en mai 1948.

Né le 21 octobre 1949 à Tel Aviv, Benjamin Netanyahu a longtemps défendu l’idée d’un « Grand Israël », idéologie héritée de son histoire personnelle.

Son père, Benzion Netanyahu, a en effet été l’assistant personnel de Zeev Jabotinsky, leader de la tendance sioniste dite « révisionniste », qui souhaitait non seulement un Etat juif en Palestine mais aussi un « Grand Israël » intégrant la Jordanie.

Plus jeune Premier ministre

Benjamin Netanyahu effectue son service militaire dans un commando prestigieux à la fin des années 60. Le Proche-Orient est alors dans l’après-guerre des Six Jours, qui a vu en 1967 Israël s’emparer des territoires palestiniens de Cisjordanie, Jérusalem-Est et de la bande de Gaza, ainsi que du Golan syrien et du Sinaï égyptien.

Côté arabe, la défaite est amère. Hors du champ des armées classiques, de nouveaux acteurs s’imposent comme l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), qui regroupe des groupes armés palestiniens.

En 1976, le frère de Benjamin, Yoni, commandant de l’unité chargée de libérer les otages d’un vol Tel Aviv-Paris détourné en Ouganda, est tué pendant l’assaut israélien.

La mort de son frère aîné ébranle profondément Benjamin Netanyahu, qui fera de la « lutte contre le terrorisme », qu’il associe souvent aux Palestiniens, l’un des fils conducteurs de sa carrière politique.

Orateur né, pugnace, il devient diplomate à Washington, puis ambassadeur à l’ONU dans les années 1980. De retour en Israël, il est élu député en 1988 sous la bannière du Likoud, grand parti de droite dont il devient, avec son style à l’américaine, l’étoile montante.

Pendant la guerre du Golfe de 1991, qui expose Israël à une pluie de missiles « Scud » irakiens, le député Netanyahu défend le point de vue israélien sur CNN. A l’aise devant la caméra, il connaît les codes des médias et maîtrise l’anglais, pour avoir étudié au Massachusetts Institute of Technology (MIT).

Il continue son ascension jusqu’à une première consécration en 1996. A 47 ans, Benjamin Netanyahu triomphe du doyen Shimon Peres et devient le plus jeune Premier ministre de l’histoire d’Israël.

Mais son règne est de courte durée. Trois ans. Après une brève retraite, il retourne toutefois à sa passion, reprend la tête du Likoud et redevient Premier ministre en 2009.

« Guerre personnelle »

Depuis, Israël n’a connu que « Bibi », passé maître dans l’art de former des coalitions, de coopter des petits partis et des formations ultra-orthodoxes, pour asseoir son pouvoir.

S’il se présente comme le grand défenseur de l’Etat hébreu face à l’Iran, nouvel « Amalek », l’ennemi mortel des Hébreux dans la Bible, ses adversaires le décrivent plutôt comme un autocrate prêt à tout pour rester à son poste.

Idéologue ou pragmatique? « Bien que Benjamin Netanyahu sympathise avec la politique de son père (…), ses actions comme Premier ministre sont avant tout motivées par des considérations pragmatiques », souligne l’universitaire Neill Lochery dans une récente biographie .

Pour Gideon Rahat, professeur de Sciences politiques à l’Université hébraïque de Jérusalem, M. Netanyahu oscille entre « faucon extrémiste » et « modéré ». « Il se bat pour sa survie, pour éviter les tribunaux, c’est une guerre personnelle », dit-il.

Maintenant que le procureur général a décidé de l’inculper, ses adversaires rêvent de la chute du « roi Bibi ».

A moins que ce « magicien » de la politique ne sorte encore un lapin de son chapeau.

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