Dhammakaya Cetyia, Bangkok, Thaïlande

Mouvement Dhammakaya : quand l’argent pervertit le bouddhisme

Stagiaire Le Vif

Créé en 1970, le mouvement Dhammakaya, dérivé du Bouddhisme, a réussi à saisir les maux de la société thaïlandaise. Il est depuis plus de deux ans en confrontation ouverte avec la junte militaire thaïe. Reportage sur ce mouvement perçu par certains comme une secte, par d’autres comme un mouvement religieux modernisé et qui compte des adeptes de Bangkok jusqu’à Sydney.

À l’issue du coup d’État de 2006 contre le Premier ministre Thaksin Shinawatra, le mouvement Dhammakaya s’est lié au mouvement politique contestataire des chemises rouges (Red Shirts).

Actuellement, le mouvement Dhammakaya compte plus de 2000 branches au sein de la Thaïlande et est présent dans plus de 33 pays à travers le monde. Il est rapidement apparu comme le seul mouvement crédible pouvant concurrencer la junte militaire.

Pas moins de 3000 moines et 600 nones résident au sein du complexe au nord de Bangkok. Le sanctuaire peut-être facilement confondu avec un parc d’attractions, tel le ‘Dream World’ situé à seulement quelques kilomètres. De fait, les constructions Dhammakaya prêtent inévitablement à confusion par leur immensité et leur caractère fantaisiste. La plus grande de toutes étant le Dhammakaya Cetiya, un stupa géant décoré d’un million de bouddhas, lui-même entouré d’un parc de méditation pouvant accueillir jusqu’à un million de croyants. C’est là qu’ont lieu les célébrations annuelles majeures.

Les donations sont une norme en Thaïlande, cependant au sein du Wat Phra Dhammakaya, cet usage prend une autre dimension. À travers des techniques de marketing, les adeptes sont activement encouragés à faire un don avec la promesse d’un plus grand mérite personnel et d’enrichissement. Philosophie méritocratique sur laquelle le mouvement base ses enseignements. « Le mouvement Dhammakaya – en intégrant le capitalisme dans sa structure – est devenu populaire grâce à la population thaïe résidant en ville, pour qui efficacité, ordre, propreté, élégance, grandeur, spectacle, compétition et succès matériel sont équivalents au bien », observe Apinya Feungfusakul, auteur de « Logique urbaine et méditation de masse pour la Thaïlande contemporaine ». La croissance notable du nombre d’adhésions illustre le succès du mouvement à se moderniser à travers le développement de divers supports technologiques.

En 2005, le développement de l’audience a permis la création d’une plateforme en ligne nommée 24h DMC : « Dhammakaya Media Channel », qui transmettait les cérémonies annuelles ainsi que les prières hebdomadaires à la télévision, à la radio et sur internet. Le mouvement a par la suite créé sa propre université Bouddhiste privée nommée « Dhammakaya Open University California ». Celle-ci dit offrir des enseignements mélangeant ‘éducation et mode de vie’.

Alors que leur site internet affirme que « Wat Phra Dhammakaya n’a absolument aucun engagement dans les affaires politiques » et que son but serait « d’enseigner la méditation, la morale et les valeurs éthiques basées sur la philosophie bouddhiste », la montée en popularité du mouvement a rapidement été accompagnée par une série de scandales. En 2014, la seule tentative du gouvernement thaï pour fermer le temple se résumait à la suspension de la chaîne durant trente jours, puis à sa dissolution permanente. En 2017, la chaîne est réapparue, cette fois-ci renommée GBN : « Global Buddhist Network » (Réseau bouddhiste mondial).

En novembre 2018, le département d’enquête spécial a exigé que les procureurs publics dissolvent la fondation Khun Yay Maha Ratana Upasika Chandra Khonnokyoong, cette dernière étant sous le patronage d’une figure du temple Dhammakaya ; le Phra Dammachayo, qui fait actuellement face à des accusations de corruption. À la suite d’un mandat d’arrêt, 4000 policiers accompagnés de centaines de soldats ont traqué en vain le présumé leader du mouvement.

Jean Castorini

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