Nord Stream 2 © AFP

Moscou promet d’achever le gazoduc Nord Stream malgré les sanctions américaines

Le Vif

Contre vents et marées, Moscou a réaffirmé mercredi vouloir achever le gazoduc Nord Stream 2 vers l’Europe, au coeur d’une bataille économique et géopolitique, malgré les mesures de rétorsion adoptées par Washington.

« Nous partons du principe que le projet sera achevé », a déclaré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, au lendemain de l’adoption de sanctions par le Congrès américain contre ce pipeline qui doit livrer du gaz russe à l’UE via la Baltique.

Déjà dénoncées la semaine dernière par l’Union européenne, ces sanctions visent les entreprises collaborant au projet.

Quasi-terminé, le gazoduc sous-marin reliant la Russie à la côte allemande est censé ouvrir dans les semaines à venir et doubler les livraisons directes de gaz naturel russe vers l’Europe occidentale via l’Allemagne, principale bénéficiaire du projet. Il est d’une capacité de 55 milliards de m3 par an, autant que son frère aîné, Nord Stream 1.

Mais pour Washington et certains pays européens — la Pologne, les pays baltes et l’Ukraine — ce tube va accroître la dépendance des Européens au gaz russe, que Moscou pourrait utiliser pour exercer des pressions politiques.

Par ailleurs, pour ses détracteurs, Nord Stream 2 sacrifie les intérêts de l’allié ukrainien, qui tire des revenus importants du transit du gaz russe vers l’Europe. L’Ukraine est en outre le théâtre d’un conflit meurtrier avec des séparatistes pro-russes.

« Désapprobation »

Ces sanctions « ne plaisent » pas non plus aux capitales européennes, a rappelé Dmitri Peskov, dénonçant « une violation évidente du droit international » et « un exemple idéal de concurrence déloyale ».

Comme l’UE la semaine dernière, Angela Merkel a de nouveau affirmé mercredi être « contre les sanctions extraterritoriales » et a exprimé sa « désapprobation face à cette pratique ».

Le groupe Nord Stream 2 n’a pas voulu commenter les éventuelles conséquences pour le projet.

Aux yeux de ses défenseurs, la mise en service du pipeline se justifie plus que jamais car il permet de contourner le territoire ukrainien, les approvisionnements européens ayant été à plusieurs reprises perturbés dans les années 2000 par des conflits entre Moscou et Kiev.

Le 31 décembre prochain, expire d’ailleurs le contrat gazier liant la Russie et l’Ukraine, et organisant notamment le transit vers l’Europe.

En cas d’échec des négociations en cours, les livraisons vers l’UE pourraient en pâtir. En prévision d’un tel scénario, les Européens ont rempli leurs réservoirs, même si des négociations sont toujours en cours.

La chancelière allemande a affirmé que ces discussions se déroulaient dans une atmosphère « relativement optimiste ». Le prochain round est prévu ce jeudi à Berlin.

« Obstacles »

Pour certains observateurs, au-delà du conflit géopolitique avec la Russie, l’opposition américaine au Nord Stream 2 fait partie d’une offensive commerciale des Etats-Unis: Washington, grand producteur de gaz, veut accroître ses exportations de gaz naturel liquéfié (GNL) vers l’Europe.

Les sanctions comprennent le gel des avoirs et la révocation des visas américains pour les entrepreneurs liés au gazoduc.

Le département d’État américain doit communiquer dans les 60 jours suivant leur promulgation les noms des entreprises et des personnes qui ont participé à la pose de conduites pour Nord Stream 2.

L’une des principales cibles est Allseas, entreprise suisse propriétaire du plus grand navire de pose de pipelines du monde, le Pioneering Spirit, engagé par le russe Gazprom pour construire la section offshore.

Le gazoduc représente un investissement d’une dizaine de milliards d’euros, financé pour moitié par Gazprom et pour l’autre moitié par cinq sociétés européennes, l’autrichien OMV, les allemands Wintershall et Uniper, le français Engie et l’anglo-néerlandais Shell.

Depuis ses débuts, de nombreux obstacles se sont dressés sur le chemin de ce projet. Nord Stream 2 n’a ainsi obtenu que fin octobre le feu vert du Danemark pour traverser ses eaux, ce qui risque fort de retarder sa mise en service, initialement prévue fin 2019.

Les nouvelles règles de l’UE sur le transport du gaz, qui demandent notamment le « découplage » des activités de production et de distribution, sont également une épine dans le pied du projet.

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