Fidèles réunis devant le Christ en croix érigé à Kakoge, dans le nord de l'Ouganda, le 18 octobre 2015. © REUTERS/James Akena

Montée de l’islamisme radical, succès des évangélistes, corruption… les nombreux défis de l’Eglise catholique africaine

Le Vif

Le pape François trouvera pour son premier voyage en Afrique une Eglise en pleine croissance, véritable pouvoir politique et social mais qui affronte des défis redoutables, de l’islamisme radical à la prolifération des sectes évangélistes.

C’est la première fois que Jorge Bergoglio se rend en Afrique, continent où la croissance des catholiques est la plus rapide. Pour certains, comme le cardinal guinéen Robert Sarah, la jeune Eglise africaine incarne l’espoir d’une régénérescence de l’Eglise dans le monde. D’autres sont plus circonspects, relevant que le christianisme apporté par les missionnaires est jeune – un siècle et demi – et que la culture chrétienne est fragile.

Pour le père Angelo Romano, expert de la communauté Sant’Egidio, lumières et ombres coexistent: « l’Eglise africaine est missionnaire, plaide pour la paix, défend la cohabitation avec les autres religions et est toujours favorable à la démocratie ». Mais, analyse-t-il, son personnel laïc est « encore trop fragile, » et son clergé « souffre de difficultés à comprendre les changements que la société africaine est en train de vivre ».

Deux réalités présentent pour elle des défis particuliers: l’apparition de mouvements jihadistes et de mosquées radicales financées notamment par les monarchies du Golfe et la création d’Eglises évangélistes ou pentecôtistes, vers lesquelles affluent les catholiques.

En Kenya, Ouganda et Centrafrique, François trouvera des communautés chrétiennes sur la défensive face au jihadisme. La menace des shebab somaliens (notamment après le massacre au Kenya de 150 étudiants à l’université de Garissa en avril 2014), la peur de Boko Haram et d’autres groupes, mettent les chrétiens sur la défensive.

Maintenir la relation de tolérance

Le pape devait lancer des appels forts à maintenir la coexistence pacifique et l’esprit de tolérance traditionnel entre chrétiens et musulmans. De multiples églises pentecôtistes et évangélistes, -plus festives, plus conservatrices, et promettant aussi des miracles aux gens en difficulté-, apparaissent dans les quartiers. Des centaines de milliers de catholiques les rejoignent.

« Elles sont le fruit de l’échec de l’inculturation des Eglises établies, qu’elles soient catholiques, protestantes, anglicanes », explique à l’AFP le père Giulio Albanese, expert de l’Afrique à Radio Vatican. Les liturgies catholiques sont restées trop romaines, les célébrations trop solennelles, déconnectées de la culture africaine.

Pasteurs des périphéries

A son crédit, l’Eglise catholique joue dans de nombreux pays un rôle politique de contre-pouvoir, face à des pouvoirs forts comme en RDCongo.

De nombreux évêques et cardinaux, comme l’archevêque de Bangui, Dieudonné Nzapalainga, oeuvrent courageusement à la paix civile, au risque de leur vie. François devrait encourager ces « pasteurs » proches des gens. Il a en créé plusieurs cardinaux depuis son élection en 2013.

A Nairobi dans le bidonville de Kangemi, à Kampala au centre caritatif de Nalukolongo ou à Bangui auprès des déplacés réfugiés dans une paroisse, le pape devrait encourager l’engagement des catholiques dans les « périphéries » contre la pauvreté, l’exclusion et les trafics.

L’Eglise administre par ailleurs des milliers d’écoles, et, du sida à Ebola, les dispensaires catholiques sont en première ligne, parfois gérés par des missionnaires et soeurs européens.

Conservatisme contre l’Occident ‘décadent’

L’Eglise catholique africaine campe sur des positions très intransigeantes en matière de moeurs. Ainsi en octobre, au dernier synode sur la famille au Vatican, les évêques africains ont fustigé l’Occident « décadent » et « le colonialisme » idéologique, dénonçant le conditionnement par les pays occidentaux de leurs aides à l’adoption de législations favorables à la contraception, l’avortement, l’homosexualité.

Les Africains se sont présentés comme grands défenseurs de la morale sexuelle et familiale catholique, alors même qu’une partie des prêtres et certains évêques ont des liaisons avec des femmes, selon des sources au Vatican. « Ils sont plus romains que le pape, mais leur clergé est le plus prolifique. Ils ont de nombreux enfants de plusieurs femmes », a ainsi fustigé une source du Vatican sous le couvert de l’anonymat.

D’autres fléaux devraient être dénoncés par François. La « mondanité » et la « corruption » touchent une partie du haut clergé: limousines, vie de luxe, népotisme, affaire de moeurs, collusion avec une classe politique corrompue dans des pays comme le Kenya où l’élite accapare les richesses.

François devrait aussi demander aux catholiques africains de surmonter les haines ethniques, alors que celles-ci renaissent au Burundi de manière menaçante. L’échec à empêcher le génocide du Rwanda en 1994 reste le grand échec du catholicisme africain.

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