© BELGAIMAGE

Migrants: l’Australie essuie les critiques cinglantes de l’ONU et de médecins

Le Vif

Le gouvernement australien a essuyé lundi des critiques cinglantes de la part de l’ONU et de médecins pour le traitement réservé aux réfugiés qu’il relègue dans des camps sur des îles du Pacifique.

Aux termes d’une politique étrillée à l’étranger comme sur l’immense île-continent, Canberra refoule en mer depuis 2013 tous les bateaux de clandestins. Les autorités envoient ceux qui passent entre les mailles du filet dans des camps, sur l’île de Nauru ou sur celle de Manus, en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Ils sont interdits de s’installer de manière permanente en Australie.

Catherine Stubberfield, la porte-parole du Haut commissariat aux réfugiés (HCR), a accusé dans un communiqué « les bureaucrates et les politiques » australiens de ne pas tenir compte de l’avis des médecins, et ainsi de mettre en danger la vie des migrants dans les camps de Nauru et Manus.

Cette stratégie a « toujours été vendue de manière trop simpliste, en des termes politiques et cyniques », a-t-elle déclaré. En changer relèverait « de la décence et du traitement élémentaires des êtres humains ».

Le Royal Australasian College of Physicians (RACP), qui réunit des milliers de médecins d’Australie et Nouvelle-Zélande, a également mis tout son poids dans la balance.

L’accès aux soins doit « être déterminé par un médecin, pas un politicien », a déclaré le pédiatre David Isaacs, qui a soigné des enfants sur Nauru en 2015. « Il y a une crise médicale dans les camps offshore. C’est une crise qui est entièrement évitable. Le gouvernement peut agir pour y mettre fin ».

Environ 160 personnes sont toujours sur cette île, dont des femmes et des enfants, selon le ministère de l’Intérieur. D’après les estimations des ONG, environ 600 hommes habitent dans des « centres de transition » sur Manus après la fermeture en 2017 du camp qui y était géré par l’Australie.

« Syndrome de résignation »

Face au tollé et aux inquiétudes pour l’état de santé de gens vivant dans des camps depuis parfois cinq ans, le gouvernement minoritaire de Scott Morrison s’est mis à discrètement évacuer les enfants de Nauru.

Mais des voix s’élèvent de toutes parts pour réclamer la fermeture définitive de ces camps. Si selon les défenseurs des droits les enfants transférés le sont avec leur famille, le gouvernement se refuse à le dire explicitement.

Kerryn Phelps, médecin et parlementaire sans étiquette, a présenté une proposition de loi pour réclamer l’évacuation temporaire de Manus et Nauru de toute personne nécessitant des soins médicaux, de même que le transfert provisoire de Nauru de tous les enfants et de leur famille.

Des témoins, y compris un journaliste de l’AFP, ont constaté le désespoir qui règne dans les camps, avec de nombreux problèmes psychologiques, de dépression et des tentatives de suicide, y compris d’enfants.

L’ONG Médecins sans Frontières a expliqué lundi que les tentatives de suicide concernaient près d’un tiers des personnes qu’elle avait traitées sur Nauru avant d’en être expulsée en octobre par les autorités de ce micro-État.

Une dizaine de patients avaient été diagnostiqués comme souffrant « du syndrome de résignation », lequel voit les gens se refermer sur eux-mêmes dans un état d’apathie quasi totale, a ajouté MSF.

Les sondages montrent qu’un grand nombre d’Australiens aimeraient que les enfants toujours confinés à Nauru soient évacués. Mais ils sont partagés sur l’idée que les réfugiés dans leur ensemble soit amenés en Australie.

« Responsable »

Le gouvernement australien argue qu’il sauve des vies avec cette politique, en dissuadant les migrants d’entreprendre un périlleux voyage et en contrecarrant les projets des passeurs. Les arrivées de bateaux de clandestins, originaires pour beaucoup d’Afghanistan, du Sri Lanka et du Moyen-Orient, quasi quotidiennes à une époque, sont aujourd’hui rarissimes.

Cette politique plaît à l’électorat conservateur de M. Morrison. Cependant, celui-ci doit élargir sa base s’il veut remporter les législatives prévues avant le mois de mai.

Le mois dernier, le Premier ministre avait assuré qu’il y avait « plus de professionnels de santé à Nauru que d’enfants ».

La nouvelle salve de l’ONU devrait cependant ajouter aux pressions sur Canberra.

« L’Australie reste responsable de ceux qu’elles a relocalisés aux termes de sa soit-disant ‘gestion offshore' », a prévenu Mme Stubberfield.

Elle a laissé entendre que le gouvernement était en partie responsable du décès en septembre 2014 d’un détenu iranien des suites d’une infection contractée sur Manus. « S’il avait été évacué en Australie dans les 24 heures après avoir développé un sepsis sévère », Hamid Khazaei « aurait survécu ».

AFP

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire