Michele Santoro, le poil à gratter de Berlusconi

Sur la télé publique, Michele Santoro n’épargne rien au chef du gouvernement. A l’approche de régionales qui s’annoncent mal, le Cavaliere en fait son ennemi.

« Santoro fasciste! », « Santoro dehors! » Sur la place San Giovanni à Rome, où se déroulait, à huit jours des élections régionales des 28 et 29 mars, une grande manifestation du Peuple de la liberté (PDL) de Silvio Berlusconi, les slogans contre Michele Santoro figuraient en bonne place entre ceux qui attaquaient les « communistes » de l’opposition et les « méchants » magistrats.

Agé de 58 ans et philosophe de formation, Santoro est l’animateur d’un talk-show au ton souvent provocateur, Annozero, diffusé sur la chaîne publique RAI 2 et qui donne de l’urticaire à Berlusconi. Au point que le parquet de Trani, dans les Pouilles, a mis en examen ce mois-ci le chef du gouvernement pour des menaces présumées à l’encontre d’un membre de l’Autorité des communications, l’organisme de contrôle de l’audiovisuel. Il lui aurait demandé l’arrêt immédiat de l’émission de Santoro, lors d’une conversation téléphonique enregistrée à son insu.

« Berlusconi n’a pas d’adversaires, si ce n’est des émissions comme Annozero », avance Santoro. « Chaque semaine, nous posons les questions qui dérangent. Le problème des poubelles est-il vraiment résolu à Naples? L’Aquila sera-t-elle reconstruite? L’Italie est-elle sortie de la crise, ainsi que l’affirme le gouvernement? »

Le journaliste se défend d’être, comme certains le prétendent, « une caution de Berlusconi », la preuve de l’existence de la liberté de l’information en Italie. « L’enregistrement de sa récente conversation téléphonique le prouve », souligne Santoro. « Il veut se débarrasser de moi et m’éloigner de la télé. Ce ne serait pas la première fois, d’ailleurs. »

Un « usage criminel du service public »?

En 2002, en effet, au cours d’un voyage officiel en Bulgarie, Berlusconi avait dénoncé « pour usage criminel du service public » deux journalistes et un présentateur satirique de la RAI: Enzo Biagi, Michele Santoro et Daniele Luttazzi. Biagi est décédé. Luttazzi est toujours en disgrâce. Quant à Santoro, il a porté plainte et la RAI, qui l’avait tenu à distance, a été obligée de le reprendre. Le journaliste souligne avec amertume que tous les membres du conseil d’administration, de gauche comme de droite, avaient approuvé sa mise à l’écart.

Santoro en veut aussi au Parti démocrate (PD), le grand parti de l’opposition: « La gauche a préféré laisser Berlusconi dans ses contradictions et ne s’est jamais vraiment attaquée au conflit d’intérêts entre le pouvoir et ses télés. Sous le premier gouvernement de Romano Prodi, en 1996, beaucoup croyaient que Berlusconi ne reviendrait plus sur la scène politique. » Erreur!

Pour autant, Santoro se dit plus réaliste que pessimiste. « C’est un moment difficile mais très intéressant. Aujourd’hui, en Italie, on est au Moyen Age, une époque très sombre en apparence, mais qui, en réalité, porte en elle tous les germes de la Renaissance. »

La revanche du poil à gratter

Et des signes de Renaissance, il y en a. Pour preuve, ce marathon télévisé anti-berlusconi organisé dans la nuit de jeudi à vendredi par Michele Santoro lui-même. L’émission, intitulée Raiperunanotte (Rai pour une nuit) et dédiée à la liberté d’expression, a rassemblé 200.000 spectateurs sur le web. Elle a obtenu en outre 13% d’audimat en télévision, selon des chiffres communiqués par les organisateurs. Et on ne compte pas les personnes regroupées devant les 200 écrans géants disséminés aux quatre coins du pays.

C’est évidemment un exploit dans le genre. Car la Rai, qui regroupe les chaînes publiques, avait décidé de suspendre avant les élections toutes ses émissions politiques sous prétexte de ne pas favoriser un des partis en lice. Une décision qui avait provoqué un tollé mais aussi un vide dans le débat électoral. Face à ce diktat, Michele Santoro a monté l’opération de toutes pièces.

L’émission a démarré très fort avec la diffusion d’un film montrant Mussolini haranguant la foule, suivi immédiatement d’une vidéo d’un discours de Silvio Berlusconi: un raccourci saisissant.

Parmi les invités de l’émission, de nombreux journalistes politiques tels que Giovanni Floris ou Marco Travaglio, ainsi que des chanteurs et l’acteur Roberto Benigni.

Vanja Luksic, avec Belga

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire