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Michel Temer: comment fait-il pour rester au pouvoir ?

Le Vif

Dans n’importe quel pays, un président à la cote de popularité au ras du sol (7%) et accusé formellement de corruption aurait toutes les peines du monde à se maintenir au pouvoir. Mais au Brésil, Michel Temer est en train de réussir cette gageure, du moins pour le moment. Pourquoi ?

Un réseau de solidarité

M. Temer est le premier président en exercice de l’Histoire du Brésil à être mis en accusation par le procureur-général. Pour qu’il soit inculpé et jugé par la Cour Suprême, l’accusation formelle du procureur Rodrigo Janot doit être approuvée par les deux tiers des députés. Le chef de l’État dispose d’une ample majorité parlementaire depuis qu’il a pris le pouvoir il y a un peu plus d’un, après la destitution de Dilma Rousseff (gauche). Un autre facteur peut faire la différence: 185 des 513 députés sont la cible d’enquêtes, la plupart dans le cadre de l’opération « Lavage-Express », qui a révélé le méga-scandale de corruption Petrobras. « Cela créée une sorte de réseau de solidarité », explique à l’AFP Sylvio Costa, analyste politique du site Congresso em Foco. La chute de Temer pourrait provoquer un effet domino et nombre de parlementaires craignent de perdre leur immunité, qui leur permet d’échapper à justice commune pour être jugés uniquement par la Cour Suprême.

Pas de successeur naturel

Quand Dilma Rousseff a été destituée pour maquillage des comptes publics, son successeur naturel était connu: son vice-président, le conservateur Michel Temer, avec lequel elle avait formé une alliance contre nature pour obtenir plus de soutien au Parlement. Mais depuis que M. Temer a été propulsé à la fonction suprême, il n’y a plus de vice-président. La Constitution stipule que s’il est écarté du pouvoir, son successeur doit être désigné par le Congrès sous 30 jours pour prendre la suite du mandat, mais aucun candidat ne se semble vraiment trouver grâce aux yeux des parlementaires.

En attendant cette élection indirecte, il serait remplacé temporairement par le président de la Chambre des députés, Rodrigo Maia, du parti DEM (droite). Lui-aussi est visé par l’opération « Lavage-Express », il est loin de faire l’unanimité.

Soutien du milieu des affaires

Le président Temer s’est donné pour mission de sortir le Brésil de sa pire récession depuis les années 30 en misant sur des mesures d’austérité impopulaires pour regagner la confiance des investisseurs. Il est déjà parvenu à faire approuver le gel des dépenses publiques pour vingt ans, mais ses mesures phares sont toujours en cours d’examen par le Parlement: la réforme des retraites et la libéralisation du marché du travail.

« Il y a des divergences dans le milieu des affaires, mais certains voient en M. Temer plus de garanties que les réformes vont aboutir », estime Ricardo Ribeiro, du cabinet de consultants MCM.

Principal allié politique du gouvernement, le PSDB (centre droit), qui dispose de quatre ministres, s’est pour le moment refusé à abandonner le navire au nom des réformes, mais pourrait changer d’avis. De plus en plus de voix au sein du parti commencent à contester cette alliance, y compris l’ex-président Fernando Henrique Cardoso (1995-2002), qui a réclamé lundi la démission de M. Temer.

Le silence de la rue

L’an dernier, la pression populaire a précipité la chute de Dilma Rousseff: des millions de personnes dans les rues réclamaient sa destitution. Mais les cris de « Dehors Temer » sont beaucoup plus timides, même si 65% des Brésiliens souhaiteraient qu’il quitte le pouvoir, selon un sondage publié samedi dernier par Datafolha. Une manifestation organisée par des mouvements syndicaux fin mai a rassemblé 100.000 personnes à Brasilia, mais a dégénéré quand quelques individus ont commencé à s’en prendre aux immeubles des ministères et à jeter des pierres sur les forces de l’ordre.

La gauche est aussi minée par ses propres problèmes de corruption, avec l’ex-président Luiz Inacio Lula da Silva visé par plusieurs volets de l’opération « Lavage-Express ».

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