Michel Cardon (à droite) et son complice dans la presse locale au moment des faits. © Archive Le Courrier Picard

Michel Cardon, un détenu « oublié » depuis 40 ans en prison

Marie Gathon
Marie Gathon Journaliste Levif.be

Aujourd’hui âgé de 67 ans, Michel Cardon est incarcéré depuis plus de 40 ans dans une prison française, pratiquement oublié de tous. C’est grâce à un de ses ex-codétenus que son cas a pu être médiatisé.

En été 2016, cet ex-codétenu a été le premier à rendre visite à Michel Cardon au parloir en… 38 ans de détention. Cette visite a alors jeté la lumière sur un prisonnier sans attache et sans lien avec le monde extérieur.

« On dirait qu’il a été ‘oublié’ en détention », s’est étonnée la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté de Lille (nord de la France). D’après son avocat, Me Morain, l’homme est l’un des plus anciens prisonniers de France.

Condamnation pour meurtre

Michel Cardon est né à Amiens en 1951. Placé en famille d’accueil à l’âge 8 ans, il survit grâce à des petits boulots. En 1977, tout bascule lorsqu’il décide avec l’aide d’un comparse de cambrioler un voisin retraité et handicapé. La victime mourra sous les coups et ils quitteront la maison avec un maigre butin (200 francs, soit environ 30 euros) et quelques objets de peu de valeur.

Rapidement retrouvés, Michel Cardon et son complice sont condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité. La peine de mort avait été requise.

En 1978, les experts décrivaient « un homme jeune très carencé, inculte, sans image paternelle ou maternelle, de sorte qu’il n’a jamais réussi à aimer vraiment quelqu’un… Sa seule compagne, comme il le dit, a été la boisson », rapporte le Journal du Dimanche.

Fin 2002, alors qu’il a déjà purgé 25 ans, on apprend qu’il « paraît très en difficulté avec la nouvelle monnaie » pour gérer ses 400 euros d’allocation adulte handicapé. En 2005, un autre expert évoque un homme « assez bienveillant », mais privé de « manifestation émotionnelle » et surtout « très dépendant de l’institution, sans perspective de sortie ni relation avec l’extérieur ». Le risque de récidive est qualifié de « probable » par un médecin en 2007 en raison de l’absence de « compassion pour sa victime ».

Son ex-codétenu décrit aujourd’hui un homme éteint : « Sa vie, c’est son lit et fumer. La télé, il la regarde à peine. Sans moi, il ne sortait jamais en promenade. Il tient à peine debout. Il a 67 ans, il en paraît au moins dix de plus. Il ne croit plus à rien, il en a marre de tout. C’est quelqu’un qui est perdu. Personne ne s’occupe de lui. Je ne connais pas tout de sa vie, mais je crois qu’il avait un fils qui l’appelait de temps en temps au début, et puis plus rien. Je suis un peu sa famille… »

Un avocat s’empare du dossier

Son avocat, Me Morain, a confié le choc de sa première rencontre avec Michel Cardon, son impression de voir « Robinson Crusoé »: « Il avait une barbe qui lui mangeait le visage, la bouche tordue après un AVC, des difficultés d’élocution du fait de problèmes cardiaques, il est sourd d’une oreille, a une cécité partielle… mais il a aussi l’un des plus beaux sourires que j’ai vus de ma vie ».

Dans son courrier à Emmanuel Macron, Eric Morain souligne l’absence de « dangerosité » de Cardon « éteint par cette trop longue détention ». « Je vous demande solennellement (…) d’user de votre droit de grâce au bénéfice de M. Michel Cardon, détenu au centre de détention de Bapaume », dans le nord de la France, « sous le numéro d’écrou 7147 depuis 40 ans, 3 mois et 14 jours », écrit l’avocat, Me Eric Morain, dans un courrier daté du 12 février et révélé par le quotidien le Journal du Dimanche.

L’avocat a également déposé une demande de libération conditionnelle qui sera examinée le 15 mars. Selon son avocat, Michel Cardon aurait pu réclamer depuis vingt ans le bénéfice d’une liberté conditionnelle, mais il a purgé sa peine, isolé, sans contact avec l’extérieur.

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