Monument en l'honneur de Joseph Trumpeldor et sept autres colons juifs originaires de Russie qui, le 1er mars 1920, ont été victimes de rebelles arabes dans leur colonie de Tel Haï.

Meurtres en Terre sainte

Le Vif

A l’issue de la Première Guerre mondiale, les promesses faites par les Britanniques aux Juifs et aux Arabes de Palestine étaient inconciliables. Inévitablement, les violences éclatèrent entre les deux communautés dès les années 1920. Près d’un siècle plus tard, la paix semble toujours bien improbable en Terre sainte.

TROUBLES DANS L’ENTRE-DEUX-GUERRES

En 1897 fut fondée, à Bâle, l’Organisation sioniste mondiale, dont l’unique objectif consistait en l’établissement d’une patrie pour les Juifs en Palestine, alors une province de l’empire ottoman. Les premiers immigrants juifs en Terre promise venaient de Russie, où de cruels pogroms menés contre eux vers le tournant du siècle leur rendaient la vie impossible. Vers le début de la Première Guerre mondiale, 90 000 Juifs vivaient déjà en Palestine, soit un peu plus de 15 % de la population totale.

Au lendemain de la guerre, la Palestine fut placée sous mandat britannique. La Grande-Bretagne fut aussitôt confrontée aux conséquences de sa politique fauteuse de dissensions. Les premières réactions arabes à la déclaration Balfour furent modérées mais le ton changea durant les deux premières années après la guerre, période où quelque dix mille immigrants juifs supplémentaires débarquèrent de Russie en Palestine. Au cours des années suivantes, les Juifs sionistes s’attelèrent aussi à racheter massivement leurs terres à des propriétaires arabes, ce qui fit craindre aux Palestiniens arabes de devenir à terme minoritaires dans leur propre pays. Une crainte relativement justifiée puisqu’à la fin des années 1920, le nombre de Juifs établis en Palestine avait déjà atteint 150 000 personnes, soit 20 % de la population.

Les premiers immigrants juifs en Terre promise sont arrivés de Russie où de violents pogroms leur rendaient la vie impossible. Ici, dans cette planche de l'hebdo satirique Punch, le président américain Roosevelt exige des explications au tsar.
Les premiers immigrants juifs en Terre promise sont arrivés de Russie où de violents pogroms leur rendaient la vie impossible. Ici, dans cette planche de l’hebdo satirique Punch, le président américain Roosevelt exige des explications au tsar.© LA BIBLIOTHÈQUE DU CONGRÈS, WASHINGTON DC

Le 1er mars 1920, une des premières attaques arabes frappa la petite colonie juive de Tel Haï, au nord du lac de Tibériade (en haute Galilée). Huit colons juifs y furent tués, parmi lesquels Joseph Trumpeldor, le chef charismatique d’un groupe de colons russes qui reste célébré de nos jours comme un héros en Israël. Initialement, les actions contre ces implantations juives étaient plutôt limitées, mais dès le mois d’août 1929, les Arabes se livrèrent à des violences délibérément coordonnées à différents endroits. Les plus sévèrement touchés furent les antiques quartiers juifs de Safed et Hébron, à Jérusalem. Les émeutes se poursuivirent durant quatre jours. Dans la soirée du 26 août, 133 Juifs furent massacrés. De leur côté, 116 Arabes y perdirent également la vie, dont la plupart sous les coups de soldats britanniques qui s’efforçaient de protéger la population juive. Tant à Hébron qu’à Safed, nombre de Juifs furent torturés à mort, y compris des femmes et des enfants.

Avec une fierté réelle, les Juifs rescapés des camps d'extermination en Pologne arrivent dans leur nouvelle patrie. 1948.
Avec une fierté réelle, les Juifs rescapés des camps d’extermination en Pologne arrivent dans leur nouvelle patrie. 1948.

Suite à l’arrivée des nazis au pouvoir, en 1933, des milliers de Juifs allemands émigrèrent en Palestine, portant le nombre de Juifs vivant surplace à 400 000, un tiers de la population totale. En réaction, les Arabes déclenchèrent le 15 avril 1936 une grève générale, et de multiples positions juives furent attaquées sur tout le territoire. Un message clair à l’intention des autorités britanniques : toute immigration juive doit être stoppée séance tenante. Les Britanniques furent tout aussi catégoriques, prévenant que tout désordre serait sévèrement réprimé, qu’il soit le fait de l’un ou l’autre camp. En conséquence, la lutte fit rage entre Britanniques, Juifs et Arabes au cours de tout l’été 1936. Du côté juif, ces troubles coûtèrent la vie à quelque quatre-vingts colons.

L'hôtel King David à Jérusalem-Ouest après l'attaque à la bombe le 22 juillet 1946. Une action de quelques milices radicales juives en représailles aux arrestations préventives de 3 000 sionistes par les autorités britanniques lors de l'opération
L’hôtel King David à Jérusalem-Ouest après l’attaque à la bombe le 22 juillet 1946. Une action de quelques milices radicales juives en représailles aux arrestations préventives de 3 000 sionistes par les autorités britanniques lors de l’opération  » Shabbat noir « . 91 personnes y périrent.© GOVERNMENT PRESS OFFICE, ISRAEL

Quand les Arabes interrompirent leur grève, le 12 octobre suivant, la recherche d’une solution urgente à la  » question palestinienne  » était clairement devenue inéluctable pour la communauté internationale. La Seconde Guerre mondiale freina pourtant la mise au point de plusieurs plans de répartition du territoire. Après la guerre, les Nations unies (ONU) fraîchement fondées acceptèrent que la Palestine soit divisée en huit secteurs, dont quatre seraient placés sous administration arabe et trois sous administration juive, la capitale Jérusalem et ses environs directs prenant le statut de zone internationale. Cette résolution fut votée par l’Assemblée générale du 29 novembre 1947, avec 56 voix contre 36 et 10 abstentions.

En mai 1948, juste avant la création de l'Etat d'Israël, les confrontations entre Juifs et Arabes se sont soudain multipliées. Après le massacre de 150 civils palestiniens à Deir Yassin, bien des familles arabes ont pris la route de l'exil vers les pays voisins.
En mai 1948, juste avant la création de l’Etat d’Israël, les confrontations entre Juifs et Arabes se sont soudain multipliées. Après le massacre de 150 civils palestiniens à Deir Yassin, bien des familles arabes ont pris la route de l’exil vers les pays voisins.© UNRWA

TROIS JOURNÉES MORTELLES

Entre le vote à l’ONU en novembre 1947 et la création de l’Etat d’Israël, en mai 1948, Juifs et Arabes usèrent de tous les stratagèmes pour élargir leurs propres frontières par rapport au plan de partage proposé. Au printemps 1946, on se doutait déjà que les deux camps allaient se disputer âprement le contrôle des installations militaires dont devaient se retirer les Britanniques à la fin de leur mandat. Bien organisés, les Juifs surent mieux tirer leur épingle du jeu.

Les milices paramilitaires juives ayant multiplié les coups de force, les autorités britanniques déclenchent le samedi 29 juin 1946 une vaste opération menant à l’arrestation de trois mille membres d’organisations sionistes. Pour beaucoup de Juifs, cette opération  » Shabbat noire  » ne peut rester impunie et la réaction juive doit marquer l’esprit du monde entier. L’Irgoun de Menahem Begin et le Lehi sont tout prêts à matérialiser leur soif de vengeance. Ils prendront pour cible le majestueux hôtel King David à Jérusalem-Ouest, dont toute une aile sert de quartier général aux Britanniques. La Haganah se range derrière les plans de Begin, tandis que l’Agence juive dirigée par David Ben Gourion, qui chapeaute la résistance sioniste, choisit de rester neutre par crainte de représailles britanniques encore bien plus meurtrières.

Folke Bernadotte, un petit-fils du roi de Suède Oscar II, s'était illustré dans les ultimes semaines de la Seconde Guerre mondiale, en obtenant la libération de près de 15 000 rescapés des camps de concentration nazis, qu'il a fait rapatrier triomphalement en Suède à bord de bus de la Croix-Rouge (avril 1947).
Folke Bernadotte, un petit-fils du roi de Suède Oscar II, s’était illustré dans les ultimes semaines de la Seconde Guerre mondiale, en obtenant la libération de près de 15 000 rescapés des camps de concentration nazis, qu’il a fait rapatrier triomphalement en Suède à bord de bus de la Croix-Rouge (avril 1947).

Des membres de l’Irgoun alertent anonymement l’hôtel par téléphone de l’imminence d’un attentat à la bombe, de même que le proche consulat de France et l’influent journal anglophone The Jerusalem Post. Mais ces appels sont arrivés trop tard ou ont été négligés parce qu’ils étaient inintelligibles. Le 22 juillet, l’Irgoun et le Lehi parviennent à s’infiltrer dans les sous-sols de l’hôtel à bord d’une camionnette de laitier pleine d’explosifs. Pour accomplir leur dessein, les terroristes se font passer pour des ouvriers arabes et des membres du personnel hôtelier accoutrés en Nubiens.

Vers midi trente, les charges explosent dans un fracas assourdissant qui se répercute dans toute la ville. Une partie de l’aile sud s’effondre immédiatement et des dizaines de victimes sont ensevelies sous les décombres. Cet attentat a fait 91 morts, parmi lesquels 41 Arabes palestiniens, 28 Britanniques et 17 Juifs palestiniens. Accusant Begin d’avoir terni la respectabilité des Juifs en commettant cet acte terroriste, Ben Gourion rompt tout dialogue avec l’Irgoun. L’issue en sera néanmoins positive pour les Juifs, les Britanniques en ayant plus qu’assez de cette Palestine ingouvernable et s’efforçant d’accélérer leur retrait. Les Juifs et les Arabes n’ont dès lors plus qu’à déterminer ensemble le sort de leur futur Etat. Les troupes britanniques évacueront finalement les lieux à la mi-mai 1948 mais d’autres massacres seront perpétrés dans les mois précédant leur départ, notamment à Deir Yassin et au mont Scopus.

Paris, 18 septembre 1948. Les membres du Conseil de sécurité des Nations unies observent une minute de silence en l'honneur du diplomate Folke Bernadotte, exécuté par un commando, en pleine mission de médiation dans le conflit arabo-juif.
Paris, 18 septembre 1948. Les membres du Conseil de sécurité des Nations unies observent une minute de silence en l’honneur du diplomate Folke Bernadotte, exécuté par un commando, en pleine mission de médiation dans le conflit arabo-juif.

Les Juifs se retrouvent confrontés à un énorme problème. La route de Tel Aviv à Jérusalem traverse par les collines une zone de près de cinquante kilomètres contrôlée par les Arabes, qui tirent parti de cette situation pour empêcher le ravitaillement des quartiers juifs de Jérusalem. Fin mars 1948, un mois et demi avant la Déclaration d’indépendance d’Israël, Ben Gourion lance donc une offensive pour libérer le passage.

Alors que la Haganah combat avec acharnement les forces arabes à une dizaine de kilomètres à l’ouest de Jérusalem, aux abords du village du Castel, un commando de la milice Lehi/Stern marche sur le village arabe de Deir Yassin, qui s’était tenu jusque-là en dehors de tout conflit. Le 9 avril 1948, le paisible village est attaqué par cent vingt militants juifs. Ceux-ci ont reçu l’ordre d’épargner les femmes, enfants et prisonniers. Pendant l’assaut, quatre combattants juifs sont tués et quelques dizaines d’autres blessés. En réaction, les assaillants décident de nettoyer la moindre habitation à coups de grenades, liquidant hommes, femmes et enfants sans faire de distinction. Le bilan exact reste incertain mais on estime que plus de cent cinquante victimes arabes y ont perdu la vie. Le massacre de Deir Yassin eut un effet dévastateur sur le moral des Palestiniens arabes. Beaucoup d’entre eux prirent la fuite et ne remirent plus les pieds dans le pays.

Le président égyptien Sadate a été le premier homme d'Etat arabe à serrer la main du Premier ministre israélien, Menahem Begin. Mais la reconnaissance par l'Egypte du droit à l'existence d'Israël lui a attiré de nombreuses critiques virulentes.
Le président égyptien Sadate a été le premier homme d’Etat arabe à serrer la main du Premier ministre israélien, Menahem Begin. Mais la reconnaissance par l’Egypte du droit à l’existence d’Israël lui a attiré de nombreuses critiques virulentes.© DAILY MIRROR

Mais les martyrs de Deir Yassin furent cruellement vengés quatre jours plus tard. Le 13 avril 1948, un convoi d’ambulances israélien fait route vers l’hôpital Hadassah du mont Scopus, une enclave juive en territoire arabe, à la frange nord de Jérusalem.

La colonne forme une cible immanquable pour les forces arabes embusquées. Septantesept Juifs, pour la plupart médecins et infirmières, mourront dans l’attaque et vingt seront blessés avant que des soldats britanniques ne viennent au secours des survivants. Les corps des victimes furent horriblement mutilés par les Arabes, certains n’hésitant pas à se faire photographier dans des poses macabres à leur côté.

A l’heure actuelle, l’ombre laissée par les sinistres attaques du King David, de Deir Yassin et du convoi pour Hadassah pèse toujours sur les relations entre les deux communautés.

C’EST LA PAIX QU’ON ASSASSINE

Folke Bernadotte, un petit-fils du roi de Suède Oscar II, s’était illustré par une intervention remarquable dans les ultimes semaines de la Seconde Guerre mondiale, en obtenant la libération de près de 15 000 rescapés des camps de concentration nazis. Il semblait donc légitime que le Conseil de sécurité des Nations unies désigne, le 20 mai 1948, ce diplomate de la Suède, un Etat neutre, comme médiateur entre les Juifs et les Arabes.

Mais Bernadotte ne parvint pas à rapprocher les points de vue entre les deux parties. Il sut seulement à deux reprises amener les belligérants à conclure un cessez-le-feu. Mais les deux camps ne mirent pas ces trêves à profit pour rechercher un accord décisif. Elles ne servirent qu’à leur permettre de récupérer un peu, le temps de renforcer leurs positions mutuelles et se ravitailler en armement avant de reprendre les combats.

Vers la fin de la deuxième accalmie, les efforts de Bernadotte commencèrent à être sévèrement critiqués, surtout par les partisans d’organisations juives extrémistes. On l’accusait de négliger les violations du processus de paix par les Arabes. Ces critiques visaient notamment à envoyer un signal clair au Premier ministre israélien, Ben Gourion : les propositions de compromis du médiateur étaient absolument irrecevables.

Le 17 septembre 1948, des hommes du groupe paramilitaire Lehi se placèrent en embuscade à Jérusalem-Ouest, dans le quartier de Katamon, quasi exclusivement peuplé de Juifs. A l’approche de la voiture de Bernadotte, en tête du convoi, le Lehi lui barra la route avec une jeep israélienne. Vêtus d’uniformes de l’armée israélienne, les occupants firent stopper le véhicule du médiateur. Par la fenêtre ouverte, ils canardèrent l’intérieur, tuant sur le coup Bernadotte et l’officier français assis à ses côtés sans leur laisser la moindre chance.

Le gouvernement israélien condamna l’attaque, tout en en faisant le moins possible pour arrêter et faire juger les responsables. Une tournure des choses qui déplut fortement aux Suédois. Des années après l’assassinat, les relations diplomatiques entre les deux pays restaient glaciales.

Le remplaçant de Bernadotte, l’Américain Ralph Bunche, connut les mêmes difficultés incontournables. Mais il parvint tout de même à obtenir la signature d’un armistice, début 1949.

Anouar el-Sadate fut le premier dirigeant arabe à engranger quelques succès limités dans la guerre de son pays, l’Egypte, contre Israël. Bien que l’Egypte ait finalement perdu la guerre de Kippour en 1973, les soldats égyptiens avaient réussi à franchir le canal de Suez aux premiers jours de la guerre. Suite à cette prestation et au prestige qu’il en avait recueilli, Sadate posa un acte que nul n’aurait cru imaginable. Il fut le premier chef d’Etat arabe à se rendre à Jérusalem, et ce à l’invitation de Menahem Begin, l’ancien terroriste dont la réputation de faucon ne s’était jamais démentie. Cette visite historique eut lieu les 19 et 20 novembre 1977. Sadate rencontra Begin et pris la parole devant la Knesset, le parlement israélien.

Oslo, 13 septembre 1993. En présence de Bill Clinton, président américain, le Premier ministre israélien, Yitzhak Rabin (à gauche) et le leader palestinien, Yasser Arafat se serrent la main. Ils viennent de signer un accord de paix historique.
Oslo, 13 septembre 1993. En présence de Bill Clinton, président américain, le Premier ministre israélien, Yitzhak Rabin (à gauche) et le leader palestinien, Yasser Arafat se serrent la main. Ils viennent de signer un accord de paix historique.© VINCE MUS/THE WHITE HOUSE

Cet épisode ouvre la voie à des négociations de paix entre les deux pays. Moins d’une année plus tard, en septembre 1978, l’Egypte et Israël signent les accords de paix de Camp David, à l’instigation du président américain Jimmy Carter. Begin et Sadate recevront le prix Nobel de la paix pour leur initiative. Mais la reconnaissance par l’Egypte du droit à l’existence d’Israël déclenche l’hostilité des autres Etats arabes. Sadate se retrouve isolé et l’Egypte est même temporairement exclue de la Ligue arabe. Dans son pays aussi, sa cote de popularité est au plus bas. Surtout en septembre 1981, lorsque 1600 dissidents sont arrêtés en réaction aux mouvements de protestation de l’opposition.

L'attentat contre Rabin, plus de deux ans après Oslo, a donné un coup de frein brutal au processus de paix au Moyen-Orient. Une semaine après cet événement dramatique, quelque 300 000 personnes, dont une majorité de jeunes, se sont réunis pour lui rendre hommage.
L’attentat contre Rabin, plus de deux ans après Oslo, a donné un coup de frein brutal au processus de paix au Moyen-Orient. Une semaine après cet événement dramatique, quelque 300 000 personnes, dont une majorité de jeunes, se sont réunis pour lui rendre hommage.

Un groupe fondamentaliste, le Jihad islamique, décide de supprimer le président au cours de la parade militaire annuelle qui aura lieu le 6 octobre 1981. Les services de sécurité savaient depuis un bon moment que la vie du président était menacée et Sadate est donc entouré sur la tribune d’agents de sécurité et de soldats lourdement armés. Malgré cette protection, l’arrêt de l’un des véhicules blindés de la parade juste devant la tribune ne provoque pas de réaction. Quatre individus en sortent et se dirigent vers Sadate. Le président et tous ceux qui l’entourent croient que ces hommes s’apprêtent à venir saluer le président de près. Grande est leur consternation lorsque le chef du commando, Khalid Islambouli, sort brusquement deux grenades qu’il lance en direction de Sadate. Seule l’une des deux explose, sans faire de victimes. Dans la confusion qui s’ensuit, les acolytes d’Islambouli ouvrent le feu avec des fusils d’assaut. Cet attentat coûta la vie à Sadate et dix autres spectateurs, dont plusieurs diplomates et un évêque copte. Un des attaquants fut abattu et les trois autres maîtrisés. Ils furent condamnés à mort et exécutés peu de temps après.

Parade militaire au Caire, le 6 octobre 1981 : quatre hommes sortis d'un véhicule blindé qui défilait se ruent sur la tribune présidentielle, armés de grenades et de mitraillettes. Sadate et dix autres occupants de la tribune n'en réchapperont pas.
Parade militaire au Caire, le 6 octobre 1981 : quatre hommes sortis d’un véhicule blindé qui défilait se ruent sur la tribune présidentielle, armés de grenades et de mitraillettes. Sadate et dix autres occupants de la tribune n’en réchapperont pas.

Quinze ans plus tard, une nouvelle chance se présente pour la paix. A l’issue de négociations secrètement menées à Oslo, le leader palestinien Yasser Arafat, le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin et son ministre des Affaires étrangères Shimon Peres signent sur la pelouse de la Maison-Blanche à Washington des accords préfigurant la création de deux Etats sur le territoire compris entre la mer Méditerranée et le fleuve Jourdain : Israël et la Palestine. La précarité de l’accord peut se lire sur les traits de Rabin lorsque Peres l’invite à serrer la main d’Arafat.

Comme Sadate et Begin avant eux, les trois protagonistes reçurent le prix Nobel de la paix. Et tout comme quinze ans auparavant, un accord solennellement signé et trois prix Nobel ne constituaient pas une garantie de succès. Rien de décisif n’avait été conclu à Oslo concernant l’avenir de Jérusalem, les implantations juives sur la rive ouest du Jourdain et le retour éventuel des réfugiés arabes qui se trouvaient au Liban et en Syrie. En outre, la concrétisation des accords dépendrait dans une large mesure de la bonne volonté du gouvernement en place en Israël.

Avec un Premier ministre comme Rabin, d’autres percées auraient sans doute été envisageables, mais fin 1995, le processus de paix a pris un coup dont il ne s’est pas encore relevé depuis lors. Le 4 novembre, des dizaines de milliers de manifestants se rassemblèrent sur la place des Rois d’Israël, devant la mairie de Tel Aviv pour soutenir les accords d’Oslo. Rabin et Peres furent ovationnés et Israël paraissait prêt à accepter l’idée qu’un Etat palestinien puisse voir le jour. Mais lorsque Rabin descendit du perron et se dirigea vers sa voiture, un jeune homme de 25 ans s’approcha de lui. Yigal Amin brandit soudain un revolver et tira sur Rabin. Le Premier ministre fut emmené à l’hôpital et succomba une heure et demie plus tard à ses blessures. Amin fut condamné à la réclusion à perpétuité.

Le deuil de la famille Rabin et d’Israël fut partagé le dans monde entier. Les réactions de nombreux chefs d’Etat et de gouvernement témoignaient de l’immense respect porté à celui qui fut le chef d’état-major durant la guerre des Six Jours de 1967. Le monde arabe fut représenté aux funérailles par le roi Hussein de Jordanie et le président égyptien Moubarak, Yasser Arafat faisant figure de grand absent. Il aurait pourtant dû assister à la cérémonie, mais le haut risque pour la sécurité l’incita à y renoncer. Au lieu de quoi il se rendit quelques jours plus tard chez la veuve de Rabin, dans un faubourg de Tel Aviv, pour lui présenter ses condoléances.

Une semaine après l’assassinat de Rabin, quelque 300 000 personnes, dont une majorité de jeunes, se réunirent pour rendre hommage à sa mémoire. Les posters qui arboraient des slogans haineux envers l’homme de paix furent remplacés par des affiches où figuraient les derniers mots du président américain Clinton aux funérailles :  » Shalom, Haver  » ( » Adieu, l’ami « ).

Marc Gevaert

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