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Meurtre de Boris Nemtsov: les différentes thèses avancées

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

L’opposant russe, et ancien vice-premier ministre, Boris Nemtsov a été tué par balle dans la nuit de vendredi à samedi devant le Kremlin. Poutine a lancé une enquête suite à cet assassinat. Voici les différentes hypothèses avancées à l’heure actuelle, selon De Morgen.

La piste du crime politique

Boris Nemtsov, 55 ans, avait été premier vice-Premier ministre du président Boris Eltsine à la fin des années ’90 pendant un an et demi. Après l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine en 2000, il était devenu l’un des principaux opposants du Kremlin. Lors d’une interview donnée au début du mois de février au site Sobessedniki.ru, Nemtsov a avoué « craindre un peu pour sa vie » en se présentant comme opposant de Poutine. En 2012, Nemtsov aurait demandé l’asile politique en Lituanie, des informations confirmées par Andrius Kubilius, qui était Premier ministre du pays à l’époque.

La thèse de la provocation

Dans les premières heures qui ont suivi le meurtre, le Kremlin l’a qualifié de « provocation ayant comme objectif de déstabiliser le pays« . « Poutine a déclaré que cette attaque brutale avait toutes les caractéristiques d’un meurtre commandité et d’une provocation » , selon son porte-parole Dmitri Peskov. « Il est clair que du sang doit couler, car il y a une insurrection en plein milieu de Moscou« , a réagi le président du parti communiste Guennadi Ziouganov. Un autre membre du parti communiste, Ivan Melnikov, a avancé qu’il s’agissait d’une « provocation qui devait stimuler l’hystérie anti-russe à l’étranger ». Le journal Pravda, l’organe officiel du parti communiste, a accusé la CIA d’avoir commandité le meurtre et cite plusieurs exécuteurs possibles: « MI6, le Mossad, la dictature saoudienne, les nazis ukrainiens, des islamistes d’Al-Qaida et l’Etat islamique« .

La piste islamiste

Nemtsov aurait reçu des menaces de mort suite à sa solidarité avec le journal satirique Charlie Hebdo après les attaques de Paris.

Une attaque dans le contexte du conflit avec l’Ukraine ?

Cette thèse est avancée par le président ukrainien Porosjenko. Nemtsov, quelques heures avant sa mort, avait appelé les Russes à manifester « contre l’agression de Poutine en Ukraine« . Porosjenko déclare: « Il y avait un pont entre l’Ukraine et la Russie et celui-ci a explosé suite à ce meurtre. Je ne pense pas que cela soit dû au hasard« . Cela signifie que Nemtsov était sur le point de divulguer des preuves de la participation des troupes russes dans le conflit en Ukraine. «  Tout le monde le craignait« , a ajouté Porosjenko à la presse.

La piste des ultra-nationalistes d’extrême-droite

Des sources policières anonymes pointent du doigt dans les médias russes les ultranationalistes de l’extrême droite russe. Quel que soit le commanditaire du meurtre, la chance est toutefois minime que les responsables soient jugés. Poutine a avancé qu’il fera tout pour retrouver les meurtriers de Nemtsov, mais les vrais commanditaires d’attaques contre des leaders de l’opposition sont rarement punis en Russie. L’ex-président Gorbatsjev a déjà émis toutes ses inquiétudes à ce sujet. « Nous devons trouver les coupables, mais vu la nature du crime, c’est souvent difficile » a-t-il déclaré.

Hélène Blanc, politologue, criminologue et coauteure de Goodbye Poutine (Editions Ginkgo, 2015), avance que le président russe porte une responsabilité majeure dans ce meurtre. Elle s’interroge dans un entretien au journal suisse Le Temps: « Moins de vingt-quatre heures après le meurtre, les autorités ont déclaré qu’il s’agissait d’un assassinat « soigneusement planifié ». Comment le savent-elles?? Je pense que si l’on trouve un jour qui sont les exécutants, on ne découvrira jamais le commanditaire. Comme pour Alexandre Litvinenko, empoisonné au polonium à Londres. Pour Anna Politkov¬skaïa, assassinée à Moscou, et même le juriste Sergueï Magnitski, tué dans sa prison. On n’a pas retrouvé non plus les assassins de la militante des droits de l’homme en Tchétchénie Natalia Estemirova, ni ceux des six autres journalistes de Novaïa Gazeta tués avant et après Politkovskaïa. »

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La politologue va plus loin dans son analyse : « La Russie est une dictature. La période la plus libre a été la fin de l’ère Gorbatchev et le début de l’ère Eltsine. Le pire et le meilleur de l’Occident sont alors arrivés en Russie. A la fin de l’ère Eltsine, c’est un pays en piteux état qu’a récupéré Poutine. Il a restauré une certaine stabilité. Mais il est allé trop loin. Poutine est un dictateur qui ne dit pas son nom. Il a laminé l’opposition. (…) Le parlement est devenu une chambre d’enregistrement, les médias sous contrôle (à l’exception de Novaïa Gazeta et de L’Echo de Moscou) font de la propagande. Poutine a resoviétisé la Russie. »

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