Aymeric old de Lamotte

Mettons fin aux pratiques politiques qui minent la confiance du citoyen !

Aymeric old de Lamotte Conseiller communal MR à Woluwe-Saint-Pierre et avocat

Les scandales où transpire le rapport délétère qu’entretiennent quelques politiques à l’argent ont éclatés ces dernières semaines.

Certains se limiteront à souligner que cette indécence financière participe à un discrédit général de la classe politique et plombe davantage des finances publiques déjà mises sous pression. Certes, une probité à tous égards est attendue de la part de nos hommes et femmes politiques. Cependant, bien que ces comportements soient condamnables, les sommes citées ne sont que des bagatelles par rapport à nos dépenses publiques qui culminaient à plus de 218 milliards en 2014.[1] Pour ma part, j’invite à prendre du recul et à se focaliser sur l’essentiel : ces excès mettent surtout en lumière les conflits d’intérêts et les trafics d’influence qui gangrènent notre vie politique aujourd’hui. Considérons ce spectacle attristant comme une chance de remettre en cause des pratiques d’un autre âge, et d’adopter un nouveau cadre réglementaire afin de revigorer notre système politique. Cet article se concentre uniquement sur des personnalités belges, car il est capital de balayer d’abord devant sa porte.

Conflits d’intérêts : le cas Verhofstadt

Monsieur Verhofstadt, notre ancien premier ministre et actuel député européen est un exemple emblématique en matière de conflits d’intérêts. En parallèle à son mandat public pour lequel il est rémunéré plus de 12 000 euros mensuel[2]s, il a décidé d’offrir ses services à une multinationale du transport (Exmar)[3] et à un fonds d’investissement spéculatif (Sofina) en tant qu’administrateur non-exécutif. Etant cotées en bourse, ces sociétés ont l’obligation de publier des rapports annuels. A la lecture de ceux-ci, nous apprenons que ces mandats lui ont rapporté 202.824,89€ supplémentaires en 2015.[4] Nous apprenons également que, quand bien même ces conseils d’administration peuvent se tenir par téléphone, Monsieur Verhofstadt ne s’est pas toujours montré très assidu.[5] Une interrogation émerge : l’homme a-t-il été choisi pour son expertise en technologie maritime et comptabilité financière ou parce qu’il offre à ces deux sociétés un large carnet d’adresses et une entrée de choix dans l’antre où se vote l’avenir de l’Europe ? Quand Guy Verhofstadt fait un discours en tant que représentant d’Exmar à la soirée de Gala organisée par l’industrie du transport maritime[6], ou qu’il s’implique avec véhémence dans les questions relatives aux conflits ukrainiens alors que Sofina[7] a des intérêts dans ce pays, il est naturel que cela pose des questions. L’article 3 du code de conduite des députés européens en matière de conflit d’intérêts se décline ainsi : « un conflit d’intérêts existe lorsqu’un député au Parlement européen a un intérêt personnel qui pourrait influencer indûment l’exercice de ses fonctions en tant que député « . Je ne me prononcerai pas pour savoir si notre ancien premier ministre satisfait le prescrit du code de conduite européen.

Trafics d’influence : le cas De Gucht

Certes comme d’autres avant lui[8], Monsieur De Gucht a rapidement su valorisé son réseau construit pendant ses années à exercer la fonction de commissaire européen au commerce pour exercer celle de conseiller (pour de pas dire de lobbyiste) de grandes entreprises privées : le fond d’investissement luxembourgeois CVC Capital Partners, Proximus ou encore ArcelorMittal. Actuellement, l’Union européenne impose une période de « cooling off  » de 18 mois pendant laquelle les commissaires ne peuvent se recycler dans le privé sans consulter un comité d’éthique. Cependant, celui-ci rend un avis indicatif et est composé de fonctionnaires européens, c’est-à-dire de pairs. Après ces 18 mois, ils peuvent vaquer à leurs occupations professionnelles comme bon leur semble. A nouveau, l’homme a-t-il été choisi pour son expertise pointue en téléphonie et en métallurgie ou pour son influence, sa connaissance de l’agenda européen et les contacts privilégiés qu’il a tissés durant son séjour à la Commission ? Le mandat politique devient dès lors un moyen pour accéder à des postes juteux et prestigieux qui n’auraient pu être ravis sur la seule base de la compétence. L’homme politique incarne une influence précieuse qu’on s’arrache. Il devient un relais de certains interlocuteurs privilégiés qui ont les moyens de se payer sa présence. Philippe Lamberts (Verts) avait jeté cette phrase poignante lorsque le débat faisait rage au Parlement européen : « Qui fait aujourd’hui le plus de tort aux Européens : les eurosceptiques ou les eurocyniques comme M. Barroso et Mme Kroes ? « .

Stop aux combines, réformons le système

Afin d’en finir avec ces situations ambiguës qui ternissent leur image, j’appelle Guy Verhofstadt et Karel De Gucht – pour qui, sur le plan politique, j’ai la plus grande admiration et qui font partie de ma famille politique – à donner l’exemple en renoncant à tous leurs mandats privés. Je les invite à être à la hauteur de leur envergure politique et de leur contribution aux idées libérales. Plus globalement, Moreau, Fillon, Verhofstadt, De Gucht sont certes des cas emblématiques, mais malheureusement pas isolés. Il s’agit, dès lors, de proposer une réponse législative ferme et efficace tant au niveau européen qu’au niveau fédéral et régional belge. En premier lieu, je propose que nous étendions l’interdiction pour les commissaires de ne pouvoir exercer un mandat d’administrateur non-exécutif dans des sociétés privées à but lucratif aux députés européens, ainsi qu’aux ministres et aux députés fédéraux et régionaux belges. Toute dérogation à ce principe devra faire l’objet d’une demande spéciale au sein d’un comité d’éthique indépendant. En second lieu, pour prévenir tout trafic d’influence, la période de « cooling off  » pour les commissaires européens devrait être étendue à 5 ans, et une période de 2 ans devrait être instaurée pour les députés européens et nos députés fédéraux et régionaux. Enfin, il faudrait évidemment transformer l’actuel comité éthique européen, à l’indépendance perméable, en véritable comité indépendant qui rendrait une décision publique contraignante, et non un simple avis confidentiel. Espérons que beaucoup s’inspireront des excuses du fier candidat Fillon, et s’arrêteront un instant sur cette formule livrée comme un sursaut de sagesse : « le premier courage en politique, c’est de reconnaître ses erreurs« .

[1] Eurostat, « Dépenses des administrations publiques dans l’UE », Communiqué de presse, 7 juillet 2015.

[2] Journal du Net, « Député européen : au moins 12.341€ brut par mois », 20 mars 2015.

[3] Son mandat d’administrateur n’a cependant pas été reconduit pour 3 ans lors de l’assemblée générale de 2016.

[4] Exmar, « Innovation : our source of energy », annual rapport 2015, p. 73 ; Sofina, « Purpose and patience », Rapport annuel 2015, p. 67.

[5] Exmar, « Innovation : our source of energy », annual rapport 2015, p. 66.

[6] Le Soir, « Guy Verhofstadt pointé du doigt pour de potentiels conflits d’intérêts », 19 juin 2015.

[7] Sofina, « Purpose and patience », Rapport annuel 2015, p. 29.

[8] Loin d’être exhaustifs, citons Viviane Reding, Neelie Kroes ou encore Manuel Barroso.

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