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Merkel durcit le ton sur les réfugiés, manifestation d’extrême droite à Cologne

Le Vif

La chancelière allemande Angela Merkel et son parti ont plaidé samedi pour un très net durcissement des règles d’expulsion des réfugiés condamnés par la justice à la suite des violences à Cologne, où extrême droite et contre-manifestants sont descendus dans la rue.

« Si les réfugiés ont commis un délit », cela doit « avoir des conséquences, (…) cela veut dire que le droit (de séjour) doit s’arrêter s’il y a une peine de réclusion ou même avec sursis », a déclaré Mme Merkel à Mayence (sud-ouest), tirant les leçons des agressions sexuelles intervenues le soir de la Saint-Sylvestre à Cologne (ouest), qui impliqueraient des demandeurs d’asile et ont suscité l’indignation.

Au cours d’une réunion, les dirigeants du parti conservateur de la chancelière (CDU) se sont mis d’accord pour demander que la perte du droit d’asile en Allemagne soit plus systématique en cas de délit.

Cette prise de position doit désormais être discutée avec l’autre grand parti présent dans la coalition gouvernementale à Berlin, les sociaux-démocrates (SPD).

« Il est important que là où la loi n’est pas suffisante, elle soit modifiée », a affirmé, pendant une conférence de presse, Angela Merkel, y voyant là aussi « l’intérêt de la grande majorité des réfugiés ». Mme Merkel s’était déjà dite la veille favorable à un durcissement de la loi sur les expulsions mais sans se montrer aussi précise.

Pour l’heure, en vertu de la loi allemande, l’expulsion d’un demandeur d’asile n’a lieu qu’après une condamnation à au moins trois ans de prison, mais à la condition que sa vie ou sa santé ne soient pas menacées dans son pays d’origine.

« Cologne a tout changé »

Les événements de Cologne mettent Mme Merkel sous une pression redoublée en vue de lui faire revoir sa politique généreuse à l’égard des demandeurs d’asile depuis septembre. Au sein de ses propres troupes, la révolte gronde à nouveau après s’être un peu apaisée en fin d’année dernière.

« Cologne a tout changé, les gens doutent », a lancé Volker Bouffier, vice-président de la CDU.

Le ton de Mme Merkel elle-même, jusqu’à présent surtout connue pour sa formule d’accueil « Wir schaffen das ! » (« Nous y arriverons ! »), s’est durci de jour en jour cette semaine. Vendredi, elle a jugé qu’il y avait « encore beaucoup trop » de réfugiés qui continuaient à arriver dans son pays.

L’Allemagne a vu affluer 1,1 million de demandeurs d’asile en 2015 et les violences du Nouvel An à Cologne y ont créé un choc, faisant croître les critiques à l’égard de la politique actuelle.

Canons à eau et gaz lacrymogène

Le mouvement islamophobe Pegida cherche à récupérer ce mécontentement en manifestant samedi après-midi dans le centre de cette cité rhénane aux côtés d’autres groupuscules d’extrême droite comme Pro-NRW.

. »Merkel dehors ! »: au milieu d’une marée de drapeaux allemands. « L’Allemagne a survécu à la guerre, à la peste et au choléra, mais survivra-t-elle à (Angela) Merkel ? », clame une autre pancarte au milieu de la foule de partisans du mouvement Pegida des « Patriotes européens contre l’islamisation de l’Occident », rassemblée sur la place principale de Cologne, non loin de la gare et de la cathédrale.

Elle finira par être dispersée par la police peu avant 16H00 GMT à grands coups de canons à eau et de gaz lacrymogène.

C’est à Cologne que la nuit de la Saint-Sylvestre des vols et des agressions sexuelles d’une ampleur jamais vue dans l’Allemagne contemporaine ont été perpétrés par des hommes en bandes. Ces violences auraient entre autres impliqué des réfugiés, à un moment où l’Allemagne, sous l’impulsion de la politique d’accueil de la chancelière allemande, a connu en 2015 l’afflux de plus d’un million de demandeurs d’asile.

« Merkel est devenue un danger pour notre pays, Merkel doit partir », lance un représentant de Pegida au mégaphone.

Pour une femme se présentant comme Christiane, mère de quatre enfants, « les femmes qui ont été victimes (des agressions) vont devoir vivre avec cela pendant longtemps ». « Je me sens dépouillée de ma liberté. (…) Madame Merkel, madame (Henriette) Reker (la maire de Cologne, ndlr), vous êtes des femmes ! Où est votre solidarité ? », a-t-elle ajouté.

La branche régionale de Pegida, mouvement xénophobe né à l’automne 2014 à Dresde, dans l’est de l’Allemagne, a revendiqué sur sa page Facebook 3.000 participants, tandis que la police a dénombré 1.700 manifestants dont la moitié de hooligans prêts à en découdre.

Au bout de trois heures de rassemblement, les forces de l’ordre, cibles de jets de bouteilles et de pétards, ont finalement fait usage de canons à eau et de gaz lacrymogène pour forcer tout le monde à partir, après quelques affrontements sporadiques.

Selon la police et des témoins, quelques personnes ont été légèrement blessées dans ces brefs heurts.

« Nazis dehors »

Séparés par quelque 2.000 policiers et sous la ronde d’un hélicoptère, environ 1.300 contre-manifestants étaient venus s’opposer aux idées de Pegida au cri de « Nazis dehors ! » et avec des pancartes sur lesquelles il était écrit que « le fascisme n’est pas une opinion, c’est un crime ».

« Nous sommes ici pour les faire taire. Il est inacceptable que Pegida exploite l’horrible violence sexuelle perpétrée ici le Jour de l’An et répande ses conneries racistes », a déclaré Emily Michels, 28 ans, armée d’un mégaphone.

Quelques réfugiés irakiens et syriens étaient aussi venus gonfler les rangs de cette contre-manifestation, avec la gérante de leur foyer, Dana Khamis.

« Je leur ai raconté que la manifestation était à propos des droits des femmes, contre le sexisme et contre le fascisme et ils m’ont dit qu’ils voulaient absolument participer », a expliqué cette femme de 27 ans née en Jordanie.

Avant cela, des centaines de personnes décidées à défendre les droits des femmes s’étaient rassemblées sur les marches de la célèbre cathédrale de Cologne, à grands coups de sifflets et de concert de casseroles.

« Nous voulons de nouveau nous sentir en sécurité. (…) Je suis ici pour toutes les mères, les filles, les petites-filles, les grands-mères, qui veulent se déplacer en toute sécurité », a expliqué à l’AFP Martina Schumeckers, une musicienne de 57 ans, organisatrice du rassemblement.

« Non à la violence contre les femmes, que ce soit à Cologne, à la fête de la bière ou dans la chambre à coucher », pouvait-on lire sur une pancarte.

« Non veut dire non »

Peu auparavant, à la mi-journée, plusieurs centaines de femmes s’étaient réunies sur les marches de la cathédrale pour protester contre les violences.

Brandissant des pancartes affirmant « Non veut dire non. C’est notre loi. Restez loin de nous ! », ces femmes ont attiré l’attention avec des sifflets et en tapant sur des casseroles.

Le manque d’informations claires sur l’enquête et l’inaction des forces de l’ordre le soir du Nouvel An ont contribué vendredi au limogeage du chef de la police de Cologne Wolfgang Albers.

La police fédérale a identifié 32 suspects, dont 22 demandeurs d’asile, et a relevé 76 infractions dont 12 à caractère sexuel, parmi lesquelles sept agressions physiques, a annoncé vendredi soir le ministère de l’Intérieur. Ce groupe de personnes comprend notamment neuf Algériens, huit Marocains, quatre Syriens, cinq Iraniens, un Irakien et un Serbe.

Par ailleurs, le nombre des plaintes liées aux violences de Cologne a grimpé à 379 et les suspects sont principalement des « demandeurs d’asile » ou des « immigrés en situation illégale », a annoncé samedi la police locale.

Environ 40% de ces plaintes portent sur des agressions sexuelles, a également dit la police. Jusqu’à présent, il était question d’environ 170 plaintes déposées.

« Les personnes sur lesquelles enquête la police criminelle sont originaires en grande partie de pays d’Afrique du Nord. En grande partie, il s’agit de demandeurs d’asile et de personnes qui se trouvent en Allemagne illégalement », explique la police de Cologne.

Elle précise néanmoins que « les enquêtes pour savoir si et dans quelle mesure ces personnes ont un lien avec les délits commis dans la nuit du Jour de l’An se poursuivent ».

Plus de cent policiers sont désormais affectés à l’enquête concernant les violences perpétrées par des bandes d’hommes sur le parvis séparant la gare centrale de la cathédrale.

La communication très limitée de la police et les critiques sur l’incapacité des forces de l’ordre à protéger les femmes ayant été victimes d’agressions sexuelles avaient entraîné l’éviction vendredi du chef de la police locale, Wolfgang Albers.

La confusion a été accrue par des communications distinctes de la police fédérale et de celle de Cologne.

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