Angela Merkel © AFP/Odd Andersen

Merkel accrochée sur sa politique migratoire

Le Vif

La chancelière allemande Angela Merkel est confrontée mardi à une nouvelle dispute gouvernementale sur l’accueil des migrants, qui risque de fragiliser encore son projet de système d’asile européen, contesté par bien des membres de l’UE.

Le sujet, sensible en Allemagne depuis que Mme Merkel a ouvert en 2015 et en 2016 les frontières à plus d’un million de migrants, revient régulièrement agiter sa coalition, beaucoup dans son propre camp conservateur lui reprochant sa trop grande générosité.

Lundi, le gouvernement a connu une poussée de fièvre, sous la forme d’un profond désaccord entre la chancelière et son ministre de l’Intérieur, le conservateur bavarois Horst Seehofer du parti CSU, qui voulait présenter une réforme très restrictive concernant l’accueil des migrants.

Faute d’un accord avec Angela Merkel, celui-ci a reporté sine die son plan qui incluait le refoulement à la frontière de tout demandeur d’asile ne disposant pas de papiers, une infraction au droit et aux principes européens, selon la chancelière.

M. Seehofer a alors lâché ses coups contre sa cheffe, annulant sa participation à une réunion sur l’intégration présidé mercredi par Mme Merkel.

– Harmonie –

Surtout, il s’est entretenu au téléphone avec le ministre italien de l’Intérieur italien, Matteo Salvini, le dirigeant de La Ligue (extrême droite), qu’il a invité à Berlin, selon un communiqué du ministère italien de l’Intérieur.

L’entretien a mis en évidence « une pleine harmonie de vues » entre les deux hommes sur la politique de sécurité et d’immigration, selon la même source.

Et M. Seehofer va recevoir mercredi le chancelier autrichien Sebastian Kurz, un conservateur allié à l’extrême droite dont il partage les idées sur l’immigration. Mme Merkel doit voir elle son homologue mardi soir, et leurs divergences sur le sujet migratoire sont bien connues.

Cette dispute publique intervient alors que la chancelière tente de négocier en vue du sommet européen du 29 juin une politique d’asile commune à toute l’Union européenne et un partage du fardeau migratoire.

Mais elle fait face à des vents de plus en plus contraires venus de Pologne, de Hongrie ou de République tchèque. Et désormais aussi d’Italie, où un gouvernement réunissant populistes et extrême droite est depuis peu aux affaires.

Consciente de la menace que fait encourir la question migratoire à la cohésion européenne, elle a promis dimanche de « jeter toutes (ses) forces » dans la bataille.

L’idée d’un refoulement à la frontière des migrants proposée par M. Seehofer est très exactement le type de mesure qu’elle veut éviter de voir se répandre à travers l’Union européenne. Car la crainte de la chancelière est que chaque pays fasse porter au voisin la charge de l’accueil des demandeurs d’asile.

« On ne doit pas agir de manière unilatérale », a-t-elle souligné dimanche.

– « Obstacle » –

Horst Seehofer, lui, est resté droit dans ses bottes, expliquant devant des proches que son projet devait rester « tel qu’il est » et qu’il refuserait tout « mauvais compromis », selon les médias allemands.

De fait, la chancelière ne peut compter sur le soutien unanime de sa famille politique, échaudée par l’essor de l’extrême droite qui a obtenu un score historique aux législatives de septembre en capitalisant sur les inquiétudes générées par sa politique migratoire.

Membre de la CDU de Mme Merkel, le patron de l’Etat régional de Saxe, Michael Kretschmer, a jugé que les mesures préconisées par le ministre de l’Intérieur devaient « arriver vite ».

« Bien sûr qu’ils doivent être repoussés à la frontière, c’est pour cela qu’on a une police aux frontières », a-t-il ajouté.

Le chef de l’exécutif de la puissante Bavière, Markus Söder, a quant à lui demandé que « Berlin soutienne (M. Seehofer) au lieu de se comporter en obstacle », dans le contexte de la préparation des conservateurs bavarois à des élections régionales difficiles à l’automne, le mouvement d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD) ayant le vent en poupe.

En définitive, ce sont les sociaux-démocrates, alliés à contrecoeur à la chancelière au gouvernement, qui lui ont signifié un soutien.

dsa/alf/lpt

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