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Massacre de Beslan: la Russie condamnée pour défaillances

Le Vif

La Russie aurait pu prévenir l’attaque meurtrière de Beslan en 2004 et a fait preuve de graves défaillances dans la gestion de la prise d’otages, a jugé jeudi la Cour européenne des droits de l’Homme, une décision qualifiée d' »inadmissible » par Moscou.

« Ces formulations sont absolument inadmissibles », a déclaré aux journalistes le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, qualifiant les conclusions de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme de « purement hypothétiques ».

Selon l’instance du Conseil de l’Europe basée à Strasbourg, les autorités russes disposaient, « au moins quelques jours avant les faits », de suffisamment « d’informations précises sur un projet d’attaque terroriste dans la région, lié à la rentrée scolaire ».

Or, « de manière générale, les mesures de prévention qu’elles ont prises » étaient insuffisantes, note la Cour, qui a condamné Moscou à verser 3 millions d’euros aux requérants.

« Ni l’administration de l’école, ni le public assistant à la cérémonie (de rentrée scolaire) n’ont été avertis de la menace », déplorent les juges, et « les autorités n’ont pas su prendre des mesures propres à prévenir ou réduire le risque connu ».

Des rebelles armés protchétchènes, une trentaine, avaient fait irruption dans cette école d’Ossétie du nord le 1er septembre 2004 et y avait pris en otages 1.200 personnes, en exécutant certaines. Après de vaines négociations, les autorités russes avaient décidé le 3 septembre de mener l’assaut.

Mais elles n’ont pas planifié cette opération en en minimisant les risques, selon la CEDH. La Cour pointe notamment les défaillances de la structure de commandement et le manque de coordination qui ont, « dans une certaine mesure », contribué à « l’issue tragique ».

Quant à l’assaut lui-même, si l’utilisation d’une force létale était « justifiée », « un usage aussi massif d’explosifs et d’armes frappant sans discernement ne peut être considéré comme absolument nécessaire », a estimé la Cour.

« Incompréhension flagrante des juges »

Les requérants – 409 citoyens russes, certains ayant été pris en otages et blessés, d’autres faisant partie de familles de victimes – s’étaient en partie appuyés dans leur plainte sur des témoignages soutenant que les soldats avaient usé aveuglément de la force sur le bâtiment dans lequel rebelles et otages étaient mêlés.

Le 3 septembre à 13 heures, après deux explosions dans le gymnase où ils étaient rassemblés, certains otages avaient essayé de s’enfuir, mais les rebelles leur avaient tiré dessus.

Peu après, le centre de commandement installé à proximité avait ordonné un assaut du bâtiment. Au même moment, des rebelles avaient rassemblé environ 300 otages survivants dans le gymnase pour les emmener ailleurs. Les morts, les blessés et les traumatisés restèrent dans le gymnase, dont le toit s’était effondré aux environs de 15h30, écrit la Cour.

A la fin de l’assaut, plus de 330 civils avaient été tuées, plus de 700 blessées, et 12 soldats avaient perdu la vie.

La justice russe avait établi qu’il n’y avait aucun lien entre les actions des forces de l’ordre et les « issues négatives » de l’assaut. Les policiers de Beslan furent amnistiés, ceux de la police ingouche acquittés des accusations de négligences.

Or l’enquête russe n’a pas permis de prouver que l’usage de la force était « justifié », a tranché la Cour, qui souligne que les victimes n’ont eu droit qu’à un accès limité aux investigations.

« Les conclusions de la Cour (…) montrent une incompréhension flagrante de la part des juges européens de toute la gravité de la situation », a accusé le ministère russe, ajoutant qu’il entendait contester cet arrêt.

Moscou a trois mois pour demander un renvoi devant la Grande chambre de la CEDH, demande qui serait alors examinée par un panel de juges qui décideront de l’accepter ou non.

En 2011, la CEDH avait déjà condamné la Russie à payer 1,254 million d’euros à 64 ex-otages ou proches de victimes de la Doubrovka, théâtre moscovite dans lequel 912 otages avaient été retenus pendant trois jours par des rebelles réclamant le retrait des troupes russes de Tchétchénie.

La prise d’otages s’était achevée par un assaut des forces spéciales, qui avaient utilisé un gaz neutralisant à la composition inconnue. Cinq otages avaient été tués par les ravisseurs et 125 personnes avaient trouvé la mort après avoir inhalé le gaz.

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