Carte blanche

Marocaines : sommes-nous considérées comme vraies citoyennes ?

Les faits divers et les anniversaires de faits déplorables se suivent et ne se ressemblent pas au Maroc. Ils ont pourtant quelques dénominateurs communs : des lois et leurs applications de plus en plus répressives envers les femmes, et des textes misogynes par essence et par interprétation, et qui dénigrent le droit élémentaire à l’égalité H/F inscrit pourtant dans la constitution marocaine.

Citoyennes marocaines, et alors qu’elles obéissent à tous les devoirs et obligations que ce terme leur confère, elles sont cependant clairement victimes de discrimination au niveau de certains droits.

L’évolution des droits de la femme, inscrits dans la révision de la Moudawana en 2011, n’était que chimère. Et à chaque fois que nous avons cru avoir avancé sur un sujet, des faits sont venus infirmer cette progression. Comme sur le sujet du mariage des mineures, qui se sont multipliées ces dernières années. Et au lieu d’être l’exception, comme la loi le stipule, certains juges de l’arrière-garde distribuent cette licence à tour de bras, faisant fi de leur devoir de protection, et sans aucun égard pour la jeunesse des jeunes filles, ni leur vulnérabilité. Sur le sujet de la garde des enfants comme autre exemple. Cette garde qui est refusée à la femme divorcée si elle se remarie, alors que le père peut être marié jusqu’à 4 femmes, les enfants reviendront sous sa garde et sa tutelle. Comme autre exemple, citons le droit de l’homme sur le corps de sa femme… ainsi que bien d’autres champs et dispositions discriminatoires, et qui dénient à la femme marocaine ses droits les plus élémentaires.

Tant et tant donc de sujets de reculs avérés, représentant l’envers du décor de ce que la propagande officielle nous a vendu comme preuve d’égalité et de démocratisation de la société.

Les femmes marocaines ont été de tous les combats. De la libération de notre pays aux luttes quotidiennes qu’elles mènent pour nourrir et protéger leurs familles. Elles sont données en exemple pour leur abnégation, leur bonté et leurs sacrifices. Qu’elles aient fait des études ou pas, elles se sont toujours engagées pour construire une vie meilleure à leurs enfants, leurs familles, leurs communautés, leur pays. Elles ont également employé tout ce qui pouvait être à leur disposition pour combler les déficiences et les manquements des hommes qui ont partagé leur vie. Et c’est la raison pour laquelle elles sont en plein droit de demander l’égalité.

Elles se dressent aujourd’hui en corps solidaire, et réclament d’être respectées, traitées et considérées comme leurs concitoyens hommes. Au Maroc, le fossé entre l’arsenal juridique et politique et la réalité est important. Et alors que nous disposons d’un plan gouvernemental pour l’égalité, celle-ci n’a jamais vu le jour et est parfois en net recul. C’est cela qu’elles veulent redresser vers plus d’équité. Il n’y a qu’à voir le nombre de postes de responsabilité des femmes, aussi bien dans le public que dans le privé, pour s’en faire une idée claire. Au sein même du gouvernement, leur nombre ne cesse de baisser, et leurs prérogatives également.

Toutes les Marocaines, quel que soit leur niveau social ou d’instruction, ont ressenti cette grande discrimination. Leur dignité a souvent été mise à rude épreuve. Tout cela, parce qu’elles sont nées femmes, dans un pays qu’elles aiment de tout leur coeur et aident à construire, mais qui semble se détourner d’elles, de leurs valeurs et de leurs préoccupations. Ces mêmes préoccupations qui construisent pourtant des générations d’hommes et de femmes. Ces mêmes qui se sentent humiliées de devoir quémander des autorisations sur leurs propres corps et sur l’éducation de leurs enfants.

Nous, femmes marocaines de confession musulmane, demandons à être libérées de ces entraves. Et à l’instar de celles et ceux qui ont été graciés, nous demandons la grâce sous forme d’égalité des lois et des droits. Nous ne croyons plus aux discours politiques et aux promesses. Les misères sociales et culturelles sont notoires, et aucun gouvernement n’a pu combler ni même corriger ces défaillances. Au même titre que les hommes, nous sommes les artisans de ce Maroc et avons soif de paix, d’égalité et de réconciliation avec la société et les hommes qui nous gouvernent.

Nous sommes profondément patriotes, et venons demander humblement à la plus haute autorité de notre pays, à Sa Majesté le roi Mohamed VI, que Dieu le glorifie, de se pencher sur notre cas, de nous rendre justice et ainsi de rétablir nos droits.

Vive le Maroc

Auteures du manifeste : Aicha Bacha, Doctorante à l’ULB en Sciences Sociales et Politiques, Meriam Hadj Hamou, Pharmacienne et Poétesse. Signataires : Zohra Darras, Touria Ben Said, militantes politiques et sociales. Touria Eloemri, Consultante, Naima Kharich, Samira Hamadia, juristes, Fatima Zahra Alharrak, Hannae Najjar, Fatima Zahra Farati, Naoual Arraji, Fatiha Louzgani et Aicha Bakkali, militantes associatives, Imane Alwantidi Poétesse et activiste, Maroua alomari Al Alaoui, Khadija Alkhaoui, Hafida Al Aissaoui, activistes.

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