Carte blanche

Manifeste rifain : « Le Maroc doit sortir de son anachronisme politique »

Soucieux de promouvoir les droits humains de même qu’un Etat de droit dans tout le Maroc et dans la région du Rif en particulier, nous constatons l’existence de certaines entraves à y accéder.

Parmi celles-ci, figurent deux phénomènes récurrents : l’un sur le plan culturel car le Rif est une région berbère qui souffre encore et toujours de la marginalisation culturelle et l’autre socioéconomique qui affecte directement la population et nécessite une résolution qui ne peut émaner que d’une véritable volonté politique. En effet, bien que des réformes soient urgentes, le régime marocain semble ne procéder qu’à une timide opération de mauvais maquillage dans le but de convaincre la communauté internationale de sa volonté de changement alors qu’il n’en est rien.

Le Maroc a besoin, aujourd’hui, de mieux examiner son passé, de questionner son présent et dessiner son avenir. En effet, la présence diasporique rifaine en Belgique, non négligeable par son poids démographique, est elle-même la résultante d’une politique marocaine délétère régulièrement prise en défaut de respect des droits humains. Toutefois, on ne peut que constater l’absence d’une véritable pression à l’égard de ce pays au double visage, presque schizophrène. Il y a le côté sombre du pays. Des arrestations abusives, un manque de liberté de la presse, une répression violente et une intrusion omniprésente du religieux dans les textes législatifs souvent liberticides. Et une image promue à l’étranger, bien plus policée, qu’il est impératif d’accorder avec celle de la réalité des citoyens au quotidien.

Prenant acte de la réalité de ces phénomènes et de son caractère négatif en termes de développement, de justice, de paix sociale et de progrès, nous exhortons la société civile à faire pression sur le Maroc afin que son régime soit poussé à respecter urgemment les principes universels. Pour se faire, nous articulons nos revendications comme suit :

  • Nous ne nous reconnaissons pas dans le fatalisme. Notre postulation est construite sur la conviction que le changement est possible et réalisable. Loin de la posture utopiste, l’idée est de défendre des convictions tout en les inscrivant dans le réel. Il est possible d’instiller un renouveau politique au Maroc avec des mesures sociales essentielles au bien-être de la société en général et pour la région rifaine en particulier.
  • Nous plaidons pour l’abolition, pacifique et démocratique, du Makhzen, qui n’est rien d’autre qu’une autorité de superposition et un instrument du pouvoir suprême. Nous réclamons l’avènement d’un Etat de droit. Une démocratie constitutionnelle et parlementaire, fondée sur les principes de la liberté, des droits du citoyen et une répartition équitable des richesses.
  • Nous ne considérons pas l’Etat comme étant le gardien d’une morale et comme le protecteur d’une confession au-dessus des autres. Nous lui préférons une laïcité politique qui garantisse une équidistance avec les convictions et proscrit toute instrumentalisation du religieux à des fins politiques. Cela passe aussi par le rejet de des terminologies religieuses liberticides – tel que le terme ‘fitna’ utilisé contre l’expression rifaine – qui appuient le postulat selon lequel la politique et religieux devraient être étroitement imbriqués.
  • Nous appelons au respect strict des droits humains comme indivisibles, interdépendants et universels. Et cela, dans un cadre global de défense des libertés collectives et individuelles ainsi que des droits des minorités. Dans ce sens, le Maroc doit urgemment instaurer une plus grande tolérance envers tous, quelles que soient les orientations philosophiques, les appartenances politiques ou les moeurs. Chaque individu doit être entièrement libre, de sa conscience, de sa raison, ses orientations diverses, ses choix, ses idées et de pouvoir les exprimer publiquement.
  • Nous accordons une importance à la lutte pour l’émancipation de l’individu et plus particulièrement à son autoémancipation loin de tout contrôle social. Dans cet esprit, nous réclamons l’émancipation de la femme au Maroc et donc une égalité dans tous les domaines entre la femme et l’homme. Nous faisons ce pari osé car nous restons convaincus que l’évolution du pays passe par une égalité complète entre les sexes.
  • Nous sommes opposés à toute politique assimilationniste et contre toute marginalisation linguistique et culturelle. Nous militons afin que les citoyens soient égaux et non identiques. Il convient donc que le Maroc ne se limite pas à la reconnaissance d’une spécificité régionale au Rif. Cela implique de sa part de cesser les censures mémorielles portant notamment sur la période de la République du Rif ou encore de laisser à l’abandon un patrimoine archéologique amazigh (berbère). Que cette histoire riche et spécifique ne soit plus en partie cachée mais plutôt enseignée.
  • Nous opposons un refus à toute ingérence externe dont les machinations serviraient d’autres intérêts que ceux des citoyens. Nous affirmons n’avoir aucun agenda caché. Nous ne souhaitons que servir l’intérêt général et travailler dans un esprit conforme aux exigences de loyauté à l’égard des revendications populaires.
  • Nous sommes dans l’optique qu’il devient impératif de proposer aux citoyens une alternative pour un changement nécessaire ainsi que responsable et à la hauteur de leurs convictions, aspirations et ambitions légitimes. Le Maroc ne peut y parvenir qu’avec la participation et une critique honnête de sa diaspora que lui-même avait poussé jadis sur les routes de l’exil.
  • Nous ne désirons pas nourrir ou promouvoir des discours ou postures de rupture partant du principe que cela ne peut que s’avérer contreproductif. En plus de nous faire des relais de la situation actuelle dans le Rif pour informer de ce que le Maroc semble vouloir cacher à l’Europe, nous exhortons le Maroc à sortir de sa spirale de violence ainsi que de son mutisme et d’entrer en dialogue opportun avec la société civile.

Face à une Europe, qui s’est construite sur des valeurs laïques et des principes libéraux, le Maroc s’érige en bastion d’un certain archaïsme. Et cela, dans la mesure où le legs autoritaire constitue un problème majeur pour cette démocratie limitée qui conserve la nature des régimes précédents. La probité intellectuelle nous impose de dire, d’emblée, que des pas importants ont été pris par le Maroc depuis l’adoption de la nouvelle Constitution de 2011 et qu’une certaine volonté de protéger et promouvoir les droits de l’homme existe. Cependant, ces avancées restent parfois au stade de la théorie car dans la pratique, les organisations des droits humains s’accordent le plus souvent à dire qu’il y a pléthore de violations. De plus, un immobilisme politique chronique existe bel et bien, ce qui a d’ailleurs conduit aux manifestations actuelles dans le Rif qui revendiquent une justice sociale, des droits et une liberté entre autres.

Que le Maroc sorte de son anachronisme politique et qu’il se mette à l’heure de la transition démocratique. L’exemple du voisin espagnol peut servir de modèle d’inspiration et de légitimation car sa transition démocratique reste une référence en ce qui concernent le changement de régime. Si le Maroc affirme la nécessité de s’ériger en société libre et moderne, il est impératif qu’il cesse cette réticence à procéder à son introspection. Une société où chaque citoyen peut vivre dignement, s’affirmer, s’exprimer, réaliser ses aspirations et sortir de l’intimidation pour entrer dans une logique du dialogue : voilà les conditions indispensables d’une transition réussie vers une démocratie en diapason avec l’évolution de sa population.

Signataires :

Bachir El Hamdaoui (Militant de la cause rifaine)

Mohamed Aadel (Association Marocaine des Droits Humains)

Mohamed Achahbar (Association Marocaine des Droits Humains)

Labib Fahmi (Journaliste engagé)

Mustapha Ouarghi (Militant de la cause rifaine)

Hayat Abarkan (Journaliste engagé)

Hamid Bouserhir (Association Marocaine des Droits Humains)

Mina El Haij (Association Marocaine des Droits Humains)

Nour eddin Lamrabti (Militant associatif)

Rachida Aziza (Militante des Droits Humains)

Dmam Aissa (Militant de la cause rifaine)

Badr Aiyash (Militant de la cause rifaine)

Faysal Hamdi (Militant de la cause rifaine)

Gandouzi Hamid (Militant de la cause rifaine)

Radi Amri (Militant de la cause rifaine)

Jaouad Saidi (De stem vzw)

Aissa Ouchawi (Union Amazigh de Belgique)

Said Amrani (Coordinateur européen adjoint du forum des Droits de l’Homme au Nord du Maroc)

Mohamed Akouh (Président de l’Association Marocaine des Droits Humains, section belge)

Musa Fathi (Président association Yuba 2)

Mhammed Driouach (Militant associatif)

Fouad Benyekhlef (Les Progressistes Musulmans)

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