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Manifestations en Iran : le point sur la situation

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

Depuis une semaine, l’Iran est secoué par une vague de manifestations. Le point en cinq questions pour mieux comprendre l’origine de ces troubles qui ont tué 21 personnes.

Comment les protestations ont-elles commencé ?

Le 28 décembre, des centaines de personnes ont manifesté à Machhad, la deuxième ville du pays, contre les difficultés économiques, la corruption et le pouvoir. Selon des images vidéo, les protestataires ont scandé « mort à Rohani », attaquant ainsi le président. Cette première manifestation a déclenché une vague de protestations à travers le pays. Le lendemain, c’est à Qom, dans le nord, que des centaines de personnes manifestent, scandant notamment « Mort au dictateur », en référence cette fois au Guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei.

Les manifestations sont le plus grand défi lancé aux dirigeants iraniens depuis 2009, lorsque des foules de manifestants étaient descendues dans les rues pour protester contre la réélection du président ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad. Ce mouvement avait provoqué des mois de troubles et une répression sanglante. Cette fois, les protestations sont plus importantes dans les provinces, et plus faibles à Téhéran, la capitale iranienne.

Qui proteste et pourquoi ?

Selon The Guardian, les protestations semblent dominées par des membres de la classe ouvrière, âgés de moins de 25 ans et qui souffrent de la morosité de l’économie iranienne. D’après Le Monde, il s’agirait d’un mouvement sans chef de file.

Selon les observateurs, la levée partielle des sanctions après l’accord nucléaire de 2015 avec l’Occident a eu des conséquences économiques inégales dans le pays, vulnérabilisant davantage la classe populaire. Des motivations économiques sont donc à l’origine de la colère : réduction des aides sociales aux retraités, augmentation du prix des oeufs et de l’essence. D’où le nom de « révolution des oeufs ». Mais la contestation a rapidement pris une dimension plus politique. Ici, c’est le système qui est dans le viseur, ainsi que la politique régionale menée par l’Iran.

Au total, 21 personnes, en majorité des manifestants, ont été tuées dans les violences liées à ces manifestations. Au moins 450 personnes ont été arrêtées.

Manifestations en Iran : le point sur la situation
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Comment ont réagi les autorités iraniennes ?

Les autorités iraniennes accusent des « fauteurs de troubles armés » de se glisser parmi les manifestants. Brisant le silence, l’ayatollah Khamenei a accusé « les ennemis (de l’Iran), qui se sont unis en utilisant leurs moyens, leur argent, leurs armes (…) et leurs services de sécurité pour créer des problèmes au régime islamique ».

Des dizaines de milliers de manifestants pro-régime se sont rassemblés ce mercredi dans plusieurs villes d’Iran pour condamner ces « troubles ». Les manifestants ont repris des slogans en faveur du guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, mais aussi « mort à l’Amérique » ou « mort à Israël ». « Nous offrons à notre guide le sang qui coule dans nos veines », scandaient encore ces manifestants, dont certains brandissaient des drapeaux iraniens. Ces manifestations interviennent après une nuit calme dans la capitale Téhéran.

Le chef des Gardiens de la révolution, le général Mohammad Ali Jafari, a pour sa part assuré mercredi être en mesure d’annoncer « la fin de la sédition ». « Dans ce mouvement de sédition, il y a eu au maximum des rassemblements de 1.500 personnes, et le nombre des fauteurs de trouble n’a pas dépassé 15.000 personnes sur l’ensemble du pays », a-t-il ajouté.

Quelle est la marge de manoeuvre d’Hassan Rohani?

Le président Hassan Rohani est arrivé au pouvoir en promettant d’améliorer l’économie et les libertés civiles, mais les manifestations actuelles illustrent la profonde frustration de la population face à l’absence de progrès. Pourtant, il pourrait tirer profit des troubles actuels. « S’il réussit à ramener le calme dans quelques semaines, il pourrait sortir de cette situation en donnant l’image d’un bon gestionnaire de crise », estime Adnane Tabatabai, directeur du groupe de réflexion allemand CARPO, qui suit de près les questions iraniennes. « Mais il doit prendre au sérieux les exigences en matière économique et sociale ».

Le président iranien Hassan Rohani
Le président iranien Hassan Rohani © REUTERS

Des réformes majeures sont nécessaires, ajoute Mohammad Ali Chabani, rédacteur en chef de la section Iran du site Al-Monitor, comme l’autorisation de rassemblements pacifiques, qui sont -en théorie- garanties par la Constitution. « Et il doit convaincre le guide suprême de la nécessité de s’attaquer à certains centres de pouvoir », affirme-t-il.

Qu’en pense la communauté internationale ?

Le président américain Donald Trump a affirmé son « respect pour les Iraniens au moment où ils essayent de reprendre le contrôle de leur gouvernement corrompu », promettant un soutien des Etats-Unis « le moment venu ». L’ambassadrice américaine à l’ONU, Nikki Haley, a demandé des « réunions d’urgence du Conseil de sécurité à New York et du Conseil des droits de l’Homme à Genève » pour discuter de « la liberté » réclamée par le peuple iranien.

Lors d’un entretien téléphonique Recep Tayyip Erdogan, Hassan Rohani a dit espérer une fin des troubles « dans quelques jours ». Selon le communiqué, ils ont partagé l’idée selon laquelle le droit de manifester ne doit pas conduire à des « violations de la loi ».

Le président français Emmanuel Macron a dit mardi à Hassan Rohani « sa préoccupation face au nombre de victimes liées aux manifestations » et a « encouragé son homologue à la retenue et l’apaisement. Les libertés fondamentales, notamment les libertés d’expression et de manifestation, doivent être respectées ».

Les Nations unies ont d’ailleurs par la voix de leur secrétaire général Antonio Guterres « regretté les pertes de vie » lors des manifestations en Iran. La cheffe de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, a également déploré « la perte inacceptable de vies humaines », appelant « toutes les parties concernées » à s’abstenir « de toute violence ».

De son côté, notre ministre des Affaires étrangères Didier Reynders a déclaré mardi via un tweet que « l’UE s’attend à ce que le droit à une manifestation pacifique et à la liberté d’expression soit garanti ».

https://twitter.com/dreynders/status/948105473252786176didier reyndershttps://twitter.com/dreynders

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(avec AFP)

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