Avec l'archevêque de Rouen, lors de la commémoration de l'assassinat du père Hamel, le 26 juillet 2017. " Nos vies sont enrichies par la quête d'un absolu qui nous dépasse ", confesse le président. © D. meyer/afp

Macron : les mystères de sa foi

Le Vif

Dans l’attente d’un discours sur la laïcité, difficile de sonder le président français. Il émaille ses prises de parole de vocabulaire religieux mais reste secret sur sa propre spiritualité.

Est-il celui qui croyait au ciel ou celui qui n’y croyait pas ? C’est un mystère qu’il entretient. Le mystère de sa foi… Si Emmanuel Macron invoque régulièrement une  » quête de transcendance « , qu’il assume volontiers, il s’est toujours gardé d’évoquer son rapport à Dieu. Soucieux de préserver cette part du domaine de l’intime, et attentif à rester un président qui parle aux athées aussi bien qu’à toutes les religions. A l’aise devant les protestants pour le 500e anniversaire de la Réforme, le 22 septembre dernier, comme il l’avait été avec les musulmans lors du dîner de rupture du jeûne du Ramadan, le 20 juin, et avec les juifs pendant les fêtes de Yom Kippour.

A tous, il a notamment rappelé que la loi de séparation des Eglises et de l’Etat (de 1905) protégeait leur  » dialogue intense avec Dieu « . Chaque fois, le chef de l’Etat français a trouvé les mots pour saluer les capacités à  » conjuguer la croyance la plus profonde avec la critique « , et pour redéfinir une vision  » entièrement culturelle  » de la religion à travers  » des rites, des traditions, des références et des usages sociaux « . Chaque fois, le président a su mêler la dimension spirituelle à une réflexion politique rationnelle, dans le langage et dans l’analyse. Sans jamais donner d’indications trop précises sur ses propres convictions.

Tout juste sait-on ce qu’Emmanuel Macron a consenti à raconter (mais il l’a fait à plusieurs reprises, inscrivant délibérément l’anecdote comme l’un des événements fondateurs du mythe) : il a choisi le baptême à 12 ans, contre l’avis de son père, extrêmement hostile à cet engagement.  » Je suis allé tout seul à l’église « , explique-t-il à Jérôme Garcin, en février 2017, dans L’Obs.  » Ce fut le début d’une période mystique qui a duré plusieurs années. Après quoi, je me suis éloigné de la religion.  » Pendant la campagne pour l’élection présidentielle, il est interrogé sur la présence de Dieu dans sa vie par un journaliste de Famille chrétienne, Samuel Pruvot, qui écrit Les Candidats à confesse (éd. du Rocher) :  » Je suis revenu à un certain agnosticisme « , lui répond Macron.  » Pour autant, je reste réceptif à la présence de la transcendance. […] Il est certain que nos vies sont enrichies par la quête d’un absolu qui nous dépasse, que nous trouvons une plus grande satisfaction dans la quête de sens que dans le relativisme complet.  »

Aussi à l'aise avec les musulmans, lors du dîner de rupture du jeûne du Ramadan, le 20 juin 2017, que parmi les protestants, à l'hôtel de ville de Paris, le 22 septembre, lors de la célébration du 500e anniversaire de la Réforme.
Aussi à l’aise avec les musulmans, lors du dîner de rupture du jeûne du Ramadan, le 20 juin 2017, que parmi les protestants, à l’hôtel de ville de Paris, le 22 septembre, lors de la célébration du 500e anniversaire de la Réforme.© B. Cremel/AFP

Réceptif à la présence de la transcendance, et aussi très attentif à ses symboles : le lendemain de sa déclaration de candidature, il se recueille au pied de la basilique de Saint-Denis, nécropole des rois de France, avant de se comparer à Jeanne d’Arc, figure de proue d’un catholicisme exalté, quelques jours plus tard à Orléans. De l’art, déjà, d’être  » en même temps  » le pur produit de l’école de la République et celui de l’enseignement des pères jésuites du collège de la Providence d’Amiens, où le jeune homme passe son adolescence.

Il émaille d’ailleurs ses discours de références plus souvent philosophiques que christiques, fidèle à une théologie humaniste qu’il a renforcée au contact du philosophe Paul Ricoeur et qu’il applique à la politique :  » L’idéologie est une lecture du monde qu’on construit. Elle supporte un rapport à une forme de transcendance : on croit à des principes, à des choses qui dépassent le quotidien et le simple perceptible « , souligne-t-il dans La Vie, en décembre 2016. Quelques jours plus tôt, la  » nouvelle étoile « , comme l’appelle l’hebdomadaire chrétien, terminait un meeting en Christ ressuscité, bras en croix, visage extatique tourné vers le ciel. Habité. Divinisé.

Ses discours prennent souvent des allures de prêches, où il est question de valeurs chrétiennes aussi traditionnelles que l’amour et la bienveillance. Le 12 février 2017, il se confie au Journal du dimanche sur la dimension  » mystique  » de la politique :  » Je ne sépare pas Dieu du reste. Je fais le lien entre la transcendance et l’immanence.  » Il fait les questions et les réponses, à la limite du jargon :  » Comment se construit le pouvoir charismatique ? […] J’ai toujours assumé la dimension de verticalité, mais, en même temps, elle doit s’ancrer dans de l’immanence complète de la matérialité. Je ne crois pas à la transcendance éthérée.  » A la journaliste, qui demande au candidat si Dieu lui parle, il dit :  » Je ne suis pas sûr que Dieu ait jamais parlé. A la fin, ce sont les voix qu’on crée soi-même.  » Version plus troublante de ce qu’il confiait déjà à La Vie, quelques semaines plus tôt :  » J’ai une réflexion permanente sur la nature de ma propre foi, mais j’ai suffisamment d’humilité pour ne pas prétendre parler à Dieu.  »

Aussi à l'aise avec les musulmans, lors du dîner de rupture du jeûne du Ramadan, le 20 juin 2017, que parmi les protestants, à l'hôtel de ville de Paris, le 22 septembre, lors de la célébration du 500e anniversaire de la Réforme.
Aussi à l’aise avec les musulmans, lors du dîner de rupture du jeûne du Ramadan, le 20 juin 2017, que parmi les protestants, à l’hôtel de ville de Paris, le 22 septembre, lors de la célébration du 500e anniversaire de la Réforme.© R. Gaillard/Pool/Maxppp

Brigitte Macron, qui vient d’un milieu et d’une famille beaucoup plus conservateurs et pratiquants que ceux de son époux, n’a pas hésité, à l’issue de la cérémonie d’investiture d’Emmanuel Macron à l’Elysée, le 14 mai 2017, à s’adresser aux représentants des cultes présents ce jour-là :  » Priez pour mon mari, priez beaucoup.  » Consciente des réticences d’une partie des Français, quelques jours plus tôt, le dimanche de Pâques, elle plaisantait avec Philippe Besson, l’écrivain qui a accompagné toute la campagne du candidat Macron ( Un personnage de roman, Julliard) :  » Tu seras content : on n’est pas allé à la messe !  »  » Je ne crois ni à la République érigée en croyance religieuse, ni à l’éradication des religions « , précisait de son côté le futur président à La Vie, en reconnaissant :  » Mon rapport à la spiritualité continue de nourrir ma pensée, mais je n’en fais pas un élément de revendication.  » De revendication non, de référence récurrente, oui.

Par Élise Karlin.

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