Macron, ce Président qui n’aime pas le travail

Revenons un instant sur les propos de cet ancien combattant au Président de la République à l’occasion de la commémoration du 8 mai, chez nos voisins français. « Soyez très ferme avec tous ces gauchos de la politique qui ne veulent que foutre la merde ! ». Manifester pour des conditions de travail décentes, c’est ça « foutre la merde » ? Pourquoi Macron n’a pas été plus ferme ?

Le 8 mai symbolise l’Armistice de la seconde guerre mondiale entre la France et l’Allemagne. Il y est question de commémorer la paix. En France, comme en Belgique, un militaire a un devoir de réserve et n’a donc en aucun cas le droit de formuler une opinion politique. Encore moins publiquement. Encore moins sous l’oeil des caméras. Encore moins au chef des armées : le Président de la République. Passons cette entorse déontologique, et voyons ce qu’il se serait passé si les gauchos n’avaient pas foutu la merde dans les années 40.

Quand la gauche « fout la merde »

On peut se demander comment un combattant de la Seconde Guerre mondiale manque à ce point de perspective historique ? Aurait-il oublié que le 22 juin 1940, la France capitule. Puis se scinde. Son objectif ? Se lover une place confortable dans l’Europe nazie qui se profile. D’un côté, le gouvernement collaborateur de Vichy, aux idées très conservatrices et nationalistes. De l’autre, des résistants, très jeunes, inconséquents, tempétueux, gorgés d’idéologie – des « fouteurs de merde » – appuyés par des communistes et socialistes moteurs de la lutte contre l’envahisseur. Il est vrai que ces gauchos n’agissaient pas par bonté de coeur. L’opération Barbossa en 41 d’Hitler les fait voir rouge, il ne fallait pas toucher à leur Union soviétique chérie. Le gaucho, il est comme ça. Quand ça ne lui plaît pas, il défile, il s’organise, il lutte. Aujourd’hui, 50 ans après une autre bataille, celle de mai 68, la France grogne. Ses travailleurs « foutent la merde », selon cet ancien combattant. Mais ce que ne comprend pas ce monsieur, c’est que la gauche, la vraie, pas celle du Hollandisme qui se pulvérise en Macronisme, se bat d’abord pour le travail, contrairement à son Président et tous ses copains.

u003cstrongu003eLa politique de Macron s’adresse aux gros jouisseurs du capital, qui ne sont pas des travailleurs acharnés, mais des rentiers, des placiers, des analystes, des calculateursu003c/strongu003e

Les start-upers et les gros jouisseurs

Macron, Président sans couleur, sans partie, sans odeur, aurait pu saisir là une opportunité inégalée pour regagner la sympathie de ses sujets. Et objecter qu’un débat autour du travail, c’est un signe de vitalité démocratique. Seul problème, il n’est pas que le président des « très riches » comme le qualifiait il y a peu, son prédécesseur François Hollande à Yann Barthès. Il est surtout un jeune quadra qui ne comprend pas le travail. Ou qui du moins ne l’aime pas. Après sa sortie de l’Ena, quand il intègre la banque Rotschild, il s’oriente vers la voie royale des fusions-acquisitions. Objectif, se façonner rapidement un petit matelas confortable et passer à sa vraie ambition : le circus politicus. Comme à la banque, il ne gravit pas, il avale les échelons. Par sa force de travail ? Avant tout par stratégie. Sa politique ne concerne pas une seule fois la valeur travail. Elle s’adresse aux gros jouisseurs du capital, qui ne sont pas des travailleurs acharnés, mais des rentiers, des placiers, des analystes, des calculateurs. Le candidat Macron a aussi séduit des électeurs à la sensibilité de gauche qui souhaitaient d’abord une France plus moderne, de start-uper, d’Uberistes. Une « France flex' », où il est possible de faire des coups rapides, sans éthiques, mais qui permettent d’amasser du capital, sans vergogne. Les défenseurs du néo-libéralisme ne sont pas des bourreaux de travail. Ils haïssent sa valeur. Voilà pourquoi le monde plonge dans un consumérisme sans morale. Parce qu’il faut palper rapidos et sans effort.

Je suis un gaucho et j’adore travailler

Cet ancien combattant s’est donc fourré le drapeau tricolore dans l’oeil. Gageons que cet homme, que l’on devine de sensibilité de droite sauce républicaine, équivalent MR, plus que En Marche, – droite qui ne s’avoue pas -, est comme ses ennemis gauchos : une force de travail. Ce que ce monsieur n’a pas compris, c’est que toutes ces personnes qui bloquent l’Hexagone, cheminots, syndicats, ouvriers et étudiants se battent pour des valeurs qui sont plus proches des siennes que celles des « consulting leader asset manager junior ». Ces derniers ânonnent, comme leurs slogans marketing qu’il faut « libérer le travail » coûte que coûte. Ce qui veut dire ? Se libérer des contraintes de droit du travail durement acquis par les gauchos justement. Droits que ce militaire a adoré goûter tout au long de sa carrière, jusqu’à sa retraite, certainement très confortable. Pour ma part, je cumule toutes les tares. Je suis journaliste. Je suis gaucho. Et j’adore travailler. Mais pas à n’importe quel prix. Je me bats pour une dimension éthique à tous les degrés, à tous les postes. Je ne veux pas libérer le travail. Je veux travailler librement. Sans autre contrainte que celle d’avoir satisfait ma conscience de travailleur exigent. Et tout cela dans les conditions les plus correctes qui soient. C’est pour cela aujourd’hui que mes homologues gauchos se battent. Pour cela qu’ils « foutent la merde ». De l’autre côté de la frontière, je tiens à leur témoigner tout mon soutien et mon respect. Et je renvoie donc le Président Macron à sa vision aléatoire du travail. Celle qui impose au travailleur d’être brimé. Celle où il faut dévorer vite pour se forger une place de choix sous les dorures. Une preuve s’il nous lit ? Le documentaire qu’il a imposé cette semaine sur France 3 à mes confrères. Quel journaliste peut-il encore endossé ce titre après avoir pondu un tel produit promotionnel ? Quel Chef d’État soi-disant respectueux du travail ose-t-il imposer à des professionnels un tel boulot ? Un qui veut remettre en marche… ou mettre au pas ?

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