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Lula touché mais pas coulé

Le Vif

Le tribunal d’appel qui a confirmé la condamnation de Lula pour corruption a grandement compromis les chances de l’ex-chef d’Etat brésilien de se représenter à la présidentielle d’octobre, mais sans couler définitivement sa candidature. De quoi plonger le pays dans l’incertitude.

Le jugement de Porto Alegre (sud) a créé une situation d’incertitude inédite au Brésil où l’ultra favori des sondages pourrait être déclaré inéligible — mais peu de temps seulement avant le scrutin.

Sans surprise, les trois magistrats ont estimé mercredi que Lula était bien coupable de corruption passive et de blanchiment pour avoir reçu un triplex de 300 m2, dont il affirme n’avoir jamais eu les clés.

« Maintenant je veux être candidat à la présidence », a lancé un Lula défiant après le jugement qui aggrave sa peine à plus de 12 ans de prison.

Mais pour les analystes de Capital Economics, « le verdict à l’unanimité (des juges) a réduit le nombre de possibilités de recours de Lula ».

Les pro et anti-Lula, qui ont manifesté à Porto Alegre mais surtout à Sao Paulo mercredi, se déchireront toujours sur l’équité de cette décision.

Les premiers crient au complot politique et accusent la justice d’avoir été étrangement rapide dans la procédure contre la figure emblématique de la gauche, sur la foi de preuves très minces provenant d’une délation.

Les seconds estiment que Lula et son Parti des travailleurs (PT), comme toutes les formations politiques au Brésil depuis des décennies, sont totalement corrompus et qu’il mérite la prison. Lula fait l’objet de six autres procédures, essentiellement pour corruption.

« La question du triplex est loin d’être la plus grave », a même déclaré à l’AFP Leandro Paulsen, l’un des trois juges de Porto Alegre.

La perte de son appel par Lula est lourde de conséquences pour la prochaine présidentielle et sonne le début d’une bataille juridique probablement longue et filandreuse, à moins de neuf mois du scrutin dans le plus grand pays d’Amérique latine.

« C’est une situation inédite au Brésil », a souligné Fernando Schüler, de l’Institut Insper. « Lula est le favori de l’élection et sa candidature est grandement incertaine. La situation est dramatique pour la démocratie ».

– 30% de chances –

La décision des juges « complique la course de Lula vers la présidentielle, mais ne la stoppe pas net », pour Capital economics. « Il y a environ 30% de chances qu’il finisse par être dans la course ».

C’est aussi la probabilité qu’accordent les analystes d’Eurasia Group à une éligibilité de Lula. « Son pari présidentiel n’a pas été enterré (…) même si l’issue était la pire pour Lula », écrivent-ils. « Pour cette raison nous n’abaissons pas ses chances de concourir à moins de 30% ».

Ses avocats vont pouvoir saisir des instances supérieures, jusqu’à la Cour suprême.

Mais plus la justice pénale et électorale trancheront vite et plus les risques de disqualification de Lula augmenteront. Les candidats doivent se déclarer avant août, et Lula n’a aucun intérêt à ce que la justice aille trop vite.

Selon les derniers sondages, plus d’un tiers des Brésiliens sont prêts à voter en octobre pour Lula, qui distance largement son suivant, le député de l’ultra-droite Jair Bolsonaro (17%).

Le président conservateur Michel Temer, dont le mandat a été secoué par une succession de scandales, ne se représente pas et aucun candidat ne s’impose au centre de l’échiquier politique.

Cette situation dans un pays où la population est désabusée, voire écoeurée par la politique, pourrait ouvrir un boulevard à une candidature de Lula à un troisième mandat.

« Lula va probablement rester en mode campagne quelle que soit l’issue de la bataille légale », estime pour sa part Thomaz Favoro, de Control Risks. « Il continuera de faire appel jusqu’à ce que toutes les possibilités soient épuisées ».

De son côté le PT a intérêt « à continuer de remettre en question les décisions judiciaires » pour (le) faire passer pour la victime d’un procès à motivation politique », ajoute-t-il.

Ses supporters vont manifester dans les rues et « il existe un risque crédible de confrontations violentes avec les forces de sécurité ».

Mais le PT a perdu le lustre des années Lula (2003-2010) et est devenu un « tigre de papier », un « parti minoritaire au Congrès », pour Fernando Schüler.

« Le maximum qu’il pourra faire, c’est réussir à bloquer quelques routes », dit-il.

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