Gérald Papy

« Les sanctions américaines et leurs répercussions sur l’attitude des Européens vont fragiliser l’économie iranienne »

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Le phénomène est suffisamment rare dans l’histoire des relations transatlantiques pour être mis en exergue. Les Européens ont pris en l’espace de deux mois deux mesures de rétorsion à l’encontre de politiques décidées par le président des Etats-Unis.

L’une répondait en juin à l’augmentation unilatérale des taxes douanières américaines sur l’acier et l’aluminium en frappant réciproquement des biens produits dans des Etats ciblés à dominante républicaine. L’autre, la  » loi de blocage  » adoptée cette semaine, doit protéger les entreprises européennes désireuses de poursuivre leurs activités en Iran malgré l’imposition par les Etats-Unis des sanctions qui ont accompagné leur retrait unilatéral de l’accord international sur le nucléaire de 2015.

Les Européens ont pris en l’espace de deux mois deux mesures de rétorsion à l’encontre de politiques décidées par le président des Etats-Unis

La première pourrait avoir à terme des répercussions aux Etats-Unis sur la santé des entreprises des secteurs concernés et faire réfléchir Donald Trump, comme l’ont déjà anticipé certains de ses électeurs, sur l’utilité d’une guerre commerciale de longue durée. La seconde est peu susceptible de produire le moindre effet. Les géants industriels présents en Iran, tels le groupe pétrolier Total ou le constructeur automobile Renault, ne peuvent, en dépit du soutien européen, se permettre des sanctions financières américaines et ont donc été contraints de se retirer.

La stratégie du président des Etats-Unis est sévèrement questionnée à l’occasion de l’entrée en application, le 7 août, des sanctions contre Téhéran. Si l’on s’en tient à l’objectif d’endiguement de l’armement nucléaire, elle est incohérente parce qu’elle dénonce un partenaire, l’Iran, qui respectait les termes de l’arrangement qui assurait son contrôle, alors qu’elle flatte un autre, la Corée du Nord, Etat nucléaire avéré, qui rechigne à en accomplir les premières étapes malgré les promesses d’un sommet médiatique surtout profitable à Kim Jong-un.

Cyniquement, la stratégie américaine pourrait s’avérer plus pertinente si son objectif ultime était le renversement d’un régime qui, en trente-neuf ans de pouvoir, a peu oeuvré pour les libertés de ses concitoyens, peine toujours à garantir leur bien-être, ne se prive pas de s’immiscer dans les affaires intérieures de certains Etats de la région et pourchasse ses opposants jusqu’en Europe, comme semble encore l’attester la tentative d’attentat déjouée en juin à Woluwe-Saint-Pierre. Pourtant, ce pari-là apparaît encore bien illusoire. Les sanctions américaines et leurs répercussions sur l’attitude des Européens vont assurément fragiliser une économie iranienne qui n’a pas su surfer sur la fenêtre d’opportunité ouverte par l’accord sur le nucléaire. Elles vont aussi affaiblir le camp des conservateurs modérés représenté par le président Hassan Rohani qu’une majorité d’Iraniens avait encouragé dans sa volonté d’ouverture lors de sa première élection en 2013. Mais permettront-elles pour autant le renversement du pouvoir islamique ? C’est plutôt à une glaciation autour du Guide suprême de la révolution Ali Khamenei et des dirigeants les plus radicaux que se prépare l’Iran, aux dépens des démocrates. Et si l’alternative est une révolution populaire, avec son lot d’inévitables violences et drames, il n’est pas sûr que Donald Trump puisse en savourer l’accomplissement en tant que locataire de la Maison-Blanche.

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