Giuseppe Conte © Belga

Les premières sorties polémiques du nouveau gouvernement italien

Marie Gathon
Marie Gathon Journaliste Levif.be

Le nouveau gouvernement italien, composé du parti antisystème cinq étoiles (M5S) et de La Ligue, un parti d’extrême droite, a fêté son arrivée au pouvoir samedi soir à Rome. Que réserve cette coalition inédite, dans l’un des pays fondateurs de l’Union européenne et qui se sait observée de près par la communauté internationale ?

Le nouveau gouvernement italien, dirigé par Giuseppe Conte, doit encore obtenir la confiance du parlement ce mardi, un vote en principe sans danger pour la coalition Ligue-Mouvement 5 Etoiles qui a la majorité dans les deux chambres.

Conte prononcera alors son premier discours de politique générale, très attendu de la part de celui qui encore il y a quinze jours était totalement inconnu des Italiens. Il demandera la confiance du Parlement devant le Sénat, puis il remettra une copie identique de ce texte aux députés.

Le discours de M. Conte, qui appartient à la mouvance M5S, sera donc d’autant plus attendu que le mystère reste entier sur la façon dont il entend diriger le pays, entre ses deux vice-Premiers ministres, Luigi Di Maio, chef du M5S, et Matteo Salvini, leader de la Ligue, très présents, eux en revanche, sur le devant de la scène.

Matteo Salvin 45 ans, chef de la Ligue, a été nommé vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur et Luigi Di Maio (M5S), vice-Premier ministre et ministre du Développement économique et du Travail. Les deux hommes ont déjà clairement énoncé leur priorité en ce début de mandat.

Revenu de citoyenneté, une sorte de revenu d’insertion pour les plus pauvres, réduction de la fiscalité pour les entreprises, abaissement de l’âge de départ à la retraite: telles sont quelques-unes des priorités d’ores et déjà fixées.

Une ligne anti-immigration dure

L’immigration reste le cheval de bataille de Matteo Salvi qui s’est déjà déplacé en Sicile dimanche pour marteler une nouvelle fois ses intentions en matière de gestion de l’immigration.

« Le bon temps pour les clandestins, c’est fini: préparez-vous à faire les valises », avait déjà lancé samedi le chef de ce parti anti-immigré et anti-islam, au cours d’une réunion publique dans le nord de l’Italie, tout en précisant vouloir aider économiquement leurs pays d’origine.

La première étape de son voyage sicilien, à Catane, a été marquée par un bain de foule, mais aussi des contestations de la part de la gauche. M. Salvini a tenté cependant de rassurer sur ses projets: « concernant l’immigration, nous n’aurons pas une ligne dure, mais une ligne de bon sens », a-t-il dit.

« Les États doivent recommencer à faire leur travail et plus aucun passeur ne doit accoster dans les ports italiens », a-t-il aussi prévenu, dans une attaque claire contre les ONG de secours en mer, qu’il accuse régulièrement de complicité avec les réseaux de passeurs.

Luigi Di Maio, le chef de file du M5S, a lui aussi traité ces ONG de « taxis de la mer », même si le discours de son mouvement reste plus tempéré que celui de la Ligue sur l’immigration.

Pour accélérer les expulsions – il y en a eu seulement 6.500 en 2017 -, M. Salvini devra multiplier les centres de rétention et les accords avec les pays d’origine, dont beaucoup ne sont pas pressés de voir revenir leurs citoyens. Pour trouver rapidement des fonds, il réclame « un bon coup de ciseaux dans les cinq milliards d’euros » consacrés chaque année à l’accueil des demandeurs d’asile.

Priorité aux entreprises

Luigi Di Maio, vice-Premier ministre et ministre du Développement économique et du Travail, a lui annoncé samedi sur Facebook, un de ses moyens de communication préférés, que « les entrepreneurs doivent être laissés en paix ».

« L’employeur et l’employé en Italie ne doivent pas être des ennemis », a-t-il ajouté, promettant aux Italiens: « Je ne vous décevrai pas ». Dans la soirée, le M5S a organisé une grande fête dans le centre de Rome avec tous ses ministres pour célébrer « le gouvernement du changement », a lancé M. Di Maio à la foule. « À partir d’aujourd’hui, l’État c’est nous ».

Des propos anti-homosexuels

Le nouveau ministre de la Famille, Lorenzo Fontana, membre de la Ligue, proche du catholicisme intégriste et ardent adversaire du mariage homosexuel et de l’avortement, a quant à lui déclaré au Corriere della Sera : « Les familles arc-en-ciel [symbole des mouvements homosexuels] n’existent pas dans la loi italienne. »

Arrivant vendredi soir au palais du Quirinal, portant sa fille dans les bras et accompagné de sa femme, le ministre de la Famille, 38 ans, a déclaré que « les familles sont celles qui sont naturelles, où un enfant doit avoir un père et une mère ». Et d’insister : « La famille naturelle est attaquée. [Les homosexuels] veulent nous dominer et effacer notre peuple. »

Le ministre a ajouté qu’en tant que catholique il renforcerait également tous les organismes qui « tentent de dissuader les femmes d’avorter », arguant que »l’avortement est la première cause de féminicide au monde », rapporte Le Monde.

Le M5S s’est par la suite distancié de tels propos, rappelant que les dossiers des unions entre personnes de même sexe et du droit à l’avortement n’étaient pas à l’agenda de l’accord politique de ce gouvernement.

En Italie, les couples homosexuels ont obtenu le droit de se marier civilement en 2016.

La Commission européenne prudente

Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a appelé à « respecter l’Italie » et « ne pas faire la leçon » à Rome. Il avait déclaré jeudi qu’il n’acceptait « plus que tout ce qui va mal dans le sud de l’Italie, dans le Mezzogiorno, soit expliqué par le fait que l’UE ou la Commission européenne n’en ferait pas assez », appelant à « moins de corruption » dans le pays.

Semblant rectifier le tir, il a appelé à ne pas reproduire les erreurs commises avec Athènes, notamment lorsque le Premier ministre Alexis Tsipras, chef de file de la formation de gauche radicale Syriza, est arrivé au pouvoir début 2015. « La dignité du peuple grec a été foulée aux pieds. Cela ne doit pas se répéter à présent avec l’Italie », a-t-il insisté.

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