Gérald Papy

Les politiques et les migrants: « Courage, fuyons »

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

L’attitude des dirigeants politiques face à la crise de l’immigration qu’a connue l’Europe cet été aura été marquée du sceau du défaut de solidarité et du déni de responsabilité. Le diagnostic s’impose à trois niveaux.

L’Union européenne, en rejetant, en juin dernier, l’idée de quotas de répartition par pays des migrants affluant sur les côtes de la Méditerranée, a manqué à son devoir élémentaire d’entraide, fondateur de l’idée communautaire, à l’égard des pays les plus exposés à un afflux prévisible en raison de la poursuite de la guerre en Syrie et en Irak. Ce déséquilibre de traitements, la Commission européenne a à peine commencé à le résorber cette semaine en débloquant une aide de 2,4 milliards d’euros à l’Italie, Grèce et consorts. Pas de quoi occulter ce nouveau fiasco européen.

Engoncés dans leurs certitudes, la France et le Royaume-Uni peinent à mettre en oeuvre les mesures de nature à réduire l’abcès de tensions qui, dans la région de Calais, mine la possibilité du vivre ensemble. Le gouvernement socialiste français rechigne à améliorer les conditions de vie des résidents de la « jungle » tandis que l’équipe conservatrice de David Cameron refuse de voir dans ses facilités d’accès au marché du travail un adjuvant pour la traversée du Channel. A leur image, les dirigeants européens sont tétanisés par des opinions publiques d’autant plus perméables aux excès qu’elles sont privées de l’explication d’une politique claire.

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En Belgique enfin, la crisette autour de l’accueil de migrants à Tournai a ébranlé la pensée unique d’une gauche ouverte et d’une droite obtuse. En mobilisant les capacités d’accueil dans les casernes du pays, le secrétaire d’Etat à l’Asile et la Migration Theo Francken a réagi avec le pragmatisme qu’imposait l’urgence au point d’emporter l’adhésion des associations concernées. Preuve que confronté aux réalités de terrain comme aux engagements internationaux du pays, même un parti comme la N-VA arrive à adapter ses principes idéologiques aux contraintes de la bonne gouvernance d’une Belgique complexe.

Au moins Bart De Wever pourra-t-il se consoler en constatant que la polémique avec Rudy Demotte, bourgmestre empêché de Tournai et ministre-président de la Fédération Wallonie-Bruxelles, a ringardisé un peu plus encore les socialistes wallons. L’argument des responsables socialistes tournaisiens pour lesquels des structures plus légères facilitent la réussite de l’intégration peut certainement être entendu. Il s’oppose en l’occurrence aux nécessités imposées par l’urgence, l’efficacité et la compression des coûts en période de crise budgétaire. Pire, il apparaît davantage comme un simple artifice pour rejeter par principe le projet du gouvernement fédéral. Nulle part en effet dans son communiqué rageur, Rudy Demotte n’envisage les actions que sa ville pourrait mettre en oeuvre pour prévenir la « ghettoïsation de poches entières de populations au statut précaire » qu’il redoute tant.

Rudy Demotte, par sa réaction déplacée et démesurée, et le Boulevard de l’Empereur, par son absence de recadrage, ont donné du crédit au procès en conservatisme contre le PS lancé quelques jours plus tôt par la secrétaire générale de la CSC, Marie-Hélène Ska, qui fustigeait « l’intolérance » des socialistes de Charleroi et exprimait ses doutes sur leur capacité à s’amender. L’image du Parti socialiste francophone sort ainsi écornée d’un été à l’actualité politique apathique, hors tax-shift. Et ses responsables peineront cette fois-ci à n’y voir qu’une question de communication.

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