Galilée © the art archive / SM/SSPL

Les pages noires du christianisme

Le Vif

Deux mille ans d’histoire laissent des traces, certaines pour le moins contrastées. Aujourd’hui encore, l’image de marque du christianisme souffre de certains épisodes passés. Avec le recul du temps, dans un esprit de repentance, il est désormais possible de les évoquer avec lucidité.

Les croisades

En 1095, le pape Urbain II, qui souhaite tempérer l’ardeur guerrière des chevaliers et étendre son pouvoir spirituel, appelle tous les chrétiens à délivrer les lieux saints de Jérusalem, dont le tombeau du Christ, occupés par les musulmans depuis 638.

Il y eut, durant ces deux siècles, huit croisades, qui seront pour beaucoup de véritables itinéraires de pénitence. Ces expéditions seront très coûteuses en hommes. Jérusalem sera conquise dans un bain de sang en 1099, puis reprise par les Turcs.

La présence croisée en Terre sainte n’excéda pas trois générations, mais sa violence a laissé des traces profondes jusqu’à nos jours. Les relations entre chrétiens d’Orient et d’Occident, entre chrétiens et juifs, entre chrétiens et musulmans, furent envenimées pour des siècles. L’islam, notamment, vit encore intensément cette humiliation.

La croisade des Albigeois

Menée au xiiie siècle par les seigneurs du nord de la France contre les Albigeois (ou cathares) du Sud, cette guerre fut extrêmement sanglante. Pour les cathares, lointains adeptes du manichéisme, une doctrine religieuse prêchée en Perse au iiie siècle, l’homme n’est bon que dans ses aspects spirituels : sa part charnelle serait vouée au péché ; le mariage est ainsi condamné et la sexualité objet de méfiance. Cette opposition entre principes du bien et du mal apparut incompatible avec la foi chrétienne, en laquelle l’homme est sauvé corps et âme. Les derniers Albigeois furent impitoyablement pourchassés par l’Inquisition.

L’Inquisition

Vers la fin du Moyen Âge, en 1229, le pape décide de créer un tribunal pour juger les chrétiens qui sont soupçonnés de déformer la foi. Les méthodes sont brutales. Ceux qui sont reconnus coupables d’être de mauvais chrétiens sont soit excommuniés (rejetés hors de l’Église, c’est-à-dire, à l’époque, hors de la société), soit condamnés à mort et brûlés. En Espagne, l’Inquisition est particulièrement féroce envers les juifs et les musulmans. Dès la reconquête de l’Espagne en 1492, les rois catholiques décrètent l’expulsion des juifs. Des mesures semblables seront prises au Portugal.

Les affaires Copernic et Galilée

Le chanoine polonais Copernic affirme, en 1543, que la Terre n’est pas au centre du monde, mais tourne autour du Soleil. Catholiques et protestants s’inquiètent : Copernic contredit la Bible, selon laquelle « le soleil se lève et le soleil se couche ». En 1600, le moine Giordano Bruno est brûlé à Rome comme hérétique pour avoir soutenu la théorie de Copernic. Seize ans plus tard, l’Inquisition romaine condamne ces théories, reprises par Galilée. En 1633, celui-ci sera contraint à affirmer la fixité de la Terre. « Et pourtant, elle tourne ! », aurait-il déclaré, avant de mourir en résidence surveillée.

Il faudra attendre 1943 pour que l’encyclique Divino afflante spiritu de Pie XII admette la possibilité d’une critique scientifique des textes bibliques, et 1962 pour voir le concile Vatican II regretter les anciennes attitudes négatives de l’Église catholique à l’égard des sciences. En 1992, Jean-Paul II déclare : « Le douloureux malentendu entre la science et la foi appartient au passé. »

Les guerres de religion

Au xvie siècle, pendant près de cent ans, les Européens vont se déchirer pour des raisons religieuses. Princes et rois prennent parti, qui pour les catholiques, qui pour les protestants, et entraînent leurs peuples dans ces choix. Les papes demandent de lutter par la force contre les protestants, qui se battent âprement pour obtenir la liberté de conscience et la liberté de culte. Le 24 août 1572, jour de la Saint-Barthélemy, les chefs catholiques réunis à Paris pour le mariage d’Henri de Navarre, chef de file des protestants, avec la s£ur du roi Charles IX, décident de tuer tous les protestants. Jusqu’au 29 août, il y aura plusieurs milliers de morts.

En 1589, Henri de Navarre, devenu le roi Henri IV, se convertit au catholicisme et proclame l’Édit de Nantes, qui permet aux protestants de pratiquer leur religion. Moins d’un siècle plus tard, en 1685, Louis XIV révoquera cet édit et pourchassera de nouveau les protestants. En 1787, Louis XVI leur rendra leurs droits par l’Édit de Tolérance.

Le Syllabus

Depuis le siècle dit « des Lumières », qui a préparé la Révolution, la société européenne a pris de la distance par rapport aux institutions religieuses : il s’agit de s’émanciper de toute transcendance en faisant droit à l’autonomie de la raison et de l’individu. Or, l’Église catholique, attachée à une vision du monde hiérarchique et dominée par le commandement divin, a longtemps accusé les philosophies et l’autonomie de l’individu de mettre en cause l’ordre voulu par Dieu.

C’est ainsi qu’en 1864 le pape Pie IX dressa le Syllabus, une liste de quatre-vingts erreurs contemporaines à l’encontre de la doctrine catholique. Il y récuse notamment la liberté de la pensée et de la presse, le libéralisme, le progrès, l’abandon de l’État confessionnel, etc. Cette attitude marqua très fortement, à l’époque, une part importante des catholiques.

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