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Les nouvelles mesures d’Erdogan pour renforcer encore plus son pouvoir

Le Vif

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a annoncé samedi vouloir contrôler directement les services de renseignement et les chefs d’état-major de l’armée, renforçant encore son pouvoir deux semaines après un putsch raté.

« Nous allons introduire une petite réforme constitutionnelle (au Parlement) qui, si elle est approuvée, fera passer le service national de renseignement (MIT) et les chefs d’état-major (de l’armée) sous le contrôle de la présidence », a-t-il déclaré sur la chaîne de télévision A-Haber.

Pour être adoptée, cette réforme devra recueillir une majorité des deux-tiers au Parlement. Le gouvernement islamo-conservateur de l’AKP aura donc besoin du soutien de certains partis d’opposition.

Deux de ces derniers ont rencontré M. Erdogan il y a quelques jours et s’étaient dit prêts, selon le Premier ministre Binali Yildirim, à travailler sur un changement de la Constitution.

Ecoles militaires fermées

Le président turc a par ailleurs annoncé samedi son intention de fermer toutes les écoles militaires et de les remplacer par une université nationale chargée de former les forces armées.

Ces déclarations interviennent alors qu’Ankara a procédé cette semaine à un important remaniement de l’armée, dont près de la moitié des généraux (149) ont été limogés après la tentative de putsch de la nuit du 15 au 16 juillet.

Une petite partie des militaires, dont de hauts gradés, s’étaient emparés de chars, avions de chasse et hélicoptères pour renverser le pouvoir, semant la panique dans les rue des grandes villes. Environ 270 personnes avaient trouvé la mort.

Instauré peu après l’état d’urgence pourrait être prolongé, comme l’a fait la France après les attentats jihadistes, a déclaré M. Erdogan.

Depuis le 15 juillet, 18.699 personnes ont été placées en garde à vue et 10.137 d’entre elles ont été inculpées et placées en détention préventive, selon M. Erdogan.

Dix-sept journalistes sur les 21 qui ont comparu devant un tribunal d’Istanbul se sont ainsi réveillés en prison samedi, inculpés pour leurs liens présumés avec « une organisation terroriste », selon l’agence de presse officielle Anadolu.

Ankara accuse le prédicateur en exil aux Etats-Unis, Fethullah Gülen, et les partisans de son mouvement, qualifiés de « terroristes », d’avoir organisé le coup d’Etat manqué.

Parmi les journalistes enfermés derrière les barreaux figurent Nazli Ilicak, une figure des médias et ancienne députée du parti AKP de M. Erdogan, ainsi que d’anciens membres de la rédaction du quotidien Zaman, pro-Gülen jusqu’à sa reprise en main par le pouvoir en mars.

‘Ne pas répéter l’erreur’

« Ces détentions sont inacceptables », a estimé l’éditorialiste turc Mustafa Akyol dans le quotidien Hurriyet.

« Ce n’est pas normal d’arrêter des journalistes, ce pays ne devrait pas répéter ce genre d’erreurs », a dit le commentateur Bulent Mumay, un des quatre remis en liberté, cité par l’agence de presse privée Dogan.

Le chef de la diplomatie turque Mevlut Cavusoglu a estimé nécessaire de faire le tri entre les putschistes et ceux « qui font du vrai journalisme ».

Alors que plus de 2.700 juges ont été suspendus, il est « inconcevable » d’envisager des procès équitables pour les milliers de suspects, a déclaré à l’AFP le juge français Marcel Lemonde, expert pour un programme du Conseil de l’Europe pour la modernisation de la justice turque entre 2012 et 2014.

Il a dénoncé « une indépendance de la justice systématiquement battue en brèche » par le pouvoir et « un climat de terreur » qui se répand dans le système judiciaire turc depuis 2013, après une période (2002-2012) où d’importants progrès avaient été enregistrés.

Un total de 758 militaires ont par ailleurs été libérés vendredi soir dont 62 étudiants de l’Académie d’Istanbul dont certains âgés de moins de 20 ans.

Alors que des responsables européens ont critiqué l’ampleur des purges, le président Erdogan a conseillé aux Occidentaux de « se mêler de leurs affaires », dans un discours prononcé depuis son palais présidentiel vendredi soir.

« Ces pays dont les leaders ne sont pas inquiets pour la démocratie turque, ni pour la vie de nos citoyens (…) alors qu’ils sont tellement préoccupés par le sort des putschistes, ne peuvent pas être nos amis », a-t-il lancé.

Signe de la tension avec l’UE, le président de la Commission Jean-Claude Juncker a estimé que l’accord UE/Turquie pour freiner l’afflux de réfugiés en Europe occidentale risquait de capoter.

Près de 1.400 militaires limogés

Enfin, près de 1.400 militaires ont été limogés en Turquie dont le conseiller militaire le plus proche du président Recep Tayyip Erdogan, selon un décret officiel publié dimanche.

Ali Yazici, l’aide de camp du président Erdogan et son conseiller militaire le plus proche, avait été interpellé cinq jours après la tentative de coup d’Etat du 15 juillet. Dans le passé, l’homme qui occupait ce poste depuis 2015 était photographié à côté du président dans toutes les grandes manifestations.

Un groupe de militaires a tenté de s’emparer du pouvoir dans la nuit du 15 au 16 juillet. Le président Erdogan a immédiatement accusé le prédicateur Fethullah Gülen, qui vit en exil aux Etats-Unis, et ses partisans en Turquie d’avoir fomenté ce putsch avorté. Le prédicateur dément toute implication.

Selon l’agence de presse officielle turque Anadolu, les militaires ont été limogés en raison de leurs liens supposés avec le mouvement guléniste qualifié par Ankara de « terroriste ».

Un total de 1.389 militaires ont été démis de leurs fonctions dont l’aide de camp du président mais aussi Levent Turkkan, celui du chef d’état-major des armées.

La semaine dernière, 149 généraux –près de la moitié de ces hauts gradés dans l’armée turque–, 1.099 officiers et 436 officiers subalternes, avaient déjà été limogés, selon un décret officiel.

Le gouvernement a enclenché de vastes purges après le coup d’Etat raté. L’armée est une des premières visées et sera remaniée en profondeur.

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