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Les nounours de la discorde entre la Biélorussie et la Suède (Vidéo)

Rien ne va plus entre Minsk et Stockholm: les diplomates suédois ont été expulsés par la Biélorussie et l’ambassade biélorusse en Suède a été fermée, ce mercredi. L’Union européenne s’inquiète. À l’origine de ce regain de tension, un récent largage d’ours en peluche dans le ciel biélorusse. Ce n’est pas une blague. Explications.

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Qui aurait pu croire qu’un largage de nounours dans le ciel de la Biélorussie ouvrirait une période d’intense tension diplomatique entre Minsk et Stockholm? Diplomates expulsés, journaliste arrêté, ambassade fermée, généraux limogés… Ne riez pas, l’affaire est grave et elle inquiète l’Union européenne au plus haut point.
À l’origine, il y avait donc de sympathiques peluches. Un millier d’après l’agence de publicité suédoise Studio Total, qui revendique l’opération menée le 4 juillet dernier. Dans un petit avion en provenance de Lituanie, deux personnes affublées de masques d’ours ont lâché, un à un, les nounours, d’abord au-dessus de la ville d’Ivianiec, puis dans la banlieue sud de Minsk.

Le but: faire parler de l’opération relayée sur Facebook, bien sûr, et par ricochet attirer l’attention médiatique sur le sort des militants des droits de l’homme dans ce pays dirigé par le très autoritaire Alexandre Loukachenko. Les oursons portaient d’ailleurs des messages de protestation contre les violations des libertés en Biélorussie.

Limogeages et arrestations en série

La première réaction du régime face à cette « provocation » a d’ailleurs été répressive. Faute de pouvoir atteindre les deux Suédois responsables du largage, il a jeté son dévolu sur un jeune journaliste indépendant, Anton Suryapin, arrêté pour avoir posté des photos d’ours en peluche sur site web personnel, raconte notamment la BBC. Un agent immobilier a également été inquiété par les autorités après avoir voulu héberger les Suédois dans un appartement. « Les deux hommes ont été accusés d’avoir contribué à une violation du territoire biélorusse et risquent jusqu’à sept ans de prison », ajoute le Huffington Post.

Autre cible de l’ire de l’autocrate en place depuis 1994 et dont la réélection en 2010 a été entachée de fraudes: son armée et ses ministres. « C’est la première fois que des ours en peluche battent des généraux », lit-on sur le Huffington Post… Fin juillet, le « dernier dictateur d’Europe » a limogé deux généraux pour avoir « échoué à arrêter ce vol ». « Le chef du Comité national du contrôle à la frontière, le major-général Rachkovsky Igor et le commandant de l’armée de l’Air, le major-général Dmitry Pakhmelkin sont démis de leurs fonctions pour manquement à leur devoir », a annoncé son service de presse. Alexandre Loukachenko a aussi donné des avertissements à cinq autres haut fonctionnaires, dont son ministre de la Défense Yury Zhadobin.

Représailles diplomatiques contre la Suède

Dans la foulée, le régime biélorusse a ouvert les hostilités à l’égard de Stockholm. La Suède était déjà l’un des pays européens les plus actifs en faveur de la démocratie dans ce pays, bien avant ce largage d’ours en peluche. A tel point que le chef de la diplomatie britannique William Hague qualifiait récemment la Suède de « hérault des droits de l’homme » dans ce pays, rien de moins.

Vendredi dernier, soit un mois après « l’opération nounours », Minsk a expulsé l’ambassadeur suédois en Biélorussie, en poste depuis 2008. Cet ambassadeur, Stefan Eriksson, a été accusé par le régime d’avoir consacré son temps « à la destruction des relations entre le Bélarus et la Suède ». Selon Stockholm, il lui est surtout reproché d’avoir rencontré des membres de l’opposition. Immédiatement, la Suède a déclaré persona non grata un ambassadeur que le Bélarus avait nommé mais qui n’avait pas encore pris son poste.

Dernière étape de cette escalade, ce mercredi, Minsk annonce son intention de fermer son ambassade à Stockholm et de rappeler « l’ensemble de ses diplomates de Suède ». En outre, elle « propose à la Suède de rappeler l’ensemble de ses diplomates de la Biélorussie d’ici au 30 août 2012 », invoquant le « principe de réciprocité ». Le Biélorussie souligne toutefois qu' »il ne s’agit pas de rompre les relations diplomatiques » entre les deux pays. Pas de rupture donc, mais un coup de froid radical en tout cas.

L’escalade ne fait pas rire l’Union européenne

Le président Loukachenko « se comporte comme le petit voyou qu’il est ». Ce jugement émane du chef de la diplomatie suédoise Carl Bildt qui ne mâche pas ses mots en répondant à l’agence de presse suédoise TT. Il ne les mâche pas plus sur son compte Twitter, où il ajoute que « la peur [de Loukachenko] des droits de l’homme atteint de nouveaux sommets ». Il a aussi ajouté, au nom de son pays: « Nous restons fermement dévoués en faveur de la liberté de la Biélorussie et de tous ces citoyens. Ils méritent les libertés et les droits du reste de l’Europe ».

L’Union européenne, qui impose déjà des sanctions à la Biélorussie à cause de la répression politique, menace désormais Minsk de prendre « des mesures appropriées ». Catherine Ashton, chef de la diplomatie européenne, a exprimé sa « profonde préoccupation » au sujet de la tension diplomatique croissante entre la Suède et la Biélorussie, membre du « Partenariat oriental », un forum créé en 2009 pour rapprocher les 27 pays de l’UE et six Etats de l’ex-URSS (Bélarus, Ukraine, Moldavie, Géorgie, Arménie et Azerbaïdjan).

Les ambassadeurs des 27 pays de l’UE tiendront une réunion extraordinaire vendredi prochain à Bruxelles pour examiner les mesures à envisager, a indiqué mercredi une source européenne, sous couvert de l’anonymat. Vu de Minsk, c’est la Suède qui « a choisi l’aggravation des tensions ». Pas sûr que l’UE, qui avait déjà rappelé à l’ordre la Biélorussie le 23 juillet dernier, partage cette vision particulière des choses.

Par Marie Simon, L’Express

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