Artur Mas et Raul Romeva fêtent la victoire des indépendantistes. © AFP/Lluis Gene

Les indépendantistes catalans fêtent leur victoire

Le Vif

Les partis indépendantistes ont remporté dimanche la majorité absolue des sièges aux élections régionales en Catalogne, un succès qu’ils présentent comme un mandat pour mener cette riche région d’Espagne vers la sécession.

Mais leurs adversaires ont refusé de reconnaître leur victoire, soulignant qu’ils n’avaient pas recueilli la majorité des voix.

Après le dépouillement de 97% des bulletins, la liste « Ensemble pour le oui », principale coalition indépendantiste, obtient 62 sièges. L’autre liste indépendantiste, d’extrême gauche, Candidature d’unité populaire (CUP), en obtient 10. Ensemble, leurs 72 sièges dépassent la majorité absolue à 68 sièges sur 135. En pourcentage, elles ont recueilli 47,8% des suffrages, selon ces résultats.

Le président indépendantiste sortant Artur Mas a revendiqué la victoire. « Le oui a gagné, la démocratie a gagné », a-t-il lancé devant un écran géant installé sur une place face au siège de la coalition. « Nous avons un mandat démocratique (…) nous avons une énorme légitimité pour aller de l’avant avec notre projet ». Artur Mas a promis qu’en cas de victoire, lui et ses alliés mèneraient la Catalogne vers l’indépendance, en 2017 au plus tard.

Ses partisans, portant les couleurs rouge, or et bleu du drapeau indépendantiste, criaient leur joie. « C’est génial, indescriptible, sublime, c’est très motivant, cela donne plein d’espoir car cela démontre que le peuple de Catalogne veut l’indépendance », s’est extasié Arnau Font, un étudiant en publicité de 18 ans. « A l’Etat espagnol, sans rancoeur, adieu », a lancé sur son compte twitter Antonio Baños, chef de la CUP.

Les partis coalisés avec Artur Mas au sein d' »Ensemble pour le oui » devront toutefois encore s’entendre avec la CUP pour gouverner. Or celle-ci ne veut pas non plus reconduire au pouvoir le conservateur Artur Mas, auquel elle reproche sa politique d’austérité.

Participation exceptionnelle

La participation exceptionnelle a atteint 77%, dépassant de 10 points celle du dernier scrutin régional en 2012, un record pour ce genre de scrutin dans la région. Artur Mas s’est donc targué d’être parvenu à transformer ce vote en plébiscite. Mais ses adversaires répliquent qu’il avait perdu le plébiscite, faute de la majorité des voix.

Le Parti populaire (PP, droite), au pouvoir en Espagne, a affirmé à Madrid que « la majorité des Catalans a rejeté l’indépendance ». « Nous allons continuer à défendre l’unité de l’Espagne », a déclaré le porte-parole du PP, Pablo Casado.

« Les Catalans leur ont tourné le dos », a lancé Ines Arrimada, tête de liste de Ciudadanos, parti libéral anti-indépendantiste. En passant de neuf à 25 sièges, Ciudadanos est devenu le second parti de Catalogne. « Ceux qui ont gagné en sièges n’ont pas gagné en voix, en conséquence, ils ont perdu le plébiscite » qu’ils se proposaient d’organiser, a dit Pedro Sanchez, le chef du Parti socialiste (opposition) qui a recueilli 16 sièges.

« Il y a une majorité de Catalans qui ne veulent pas l’indépendance mais qui veulent ouvrir une époque de coexistence et de dialogue », a estimé Pedro Sanchez, qui propose une réforme de la Constitution accordant plus d’autonomie à la Catalogne.

Depuis trois ans, Artur Mas n’avait cessé d’exiger un référendum d’autodétermination semblable à celui organisé en Ecosse il y a un an, où le non l’avait emporté. Mais Madrid a toujours refusé, arguant de son inconstitutionnalité. A la faveur de la crise et de médiocres relations avec le pouvoir central, le nationalisme de nombreux Catalans fiers de leur culture a viré à l’indépendantisme.

Le chef du gouvernement conservateur, Mariano Rajoy, s’était impliqué personnellement dans la campagne, plaidant pour une « Espagne unie », et avertissant les Catalans qu’en cas d’indépendance unilatérale ils risquaient l’exclusion de l’Union européenne, une explosion du chômage, et l’effondrement des retraites. Malgré ses efforts, son Parti Populaire a perdu huit sièges, tombant de 19 à 11.

Les autres votes se sont portés sur une coalition de gauche radicale rassemblée autour de Podemos, nouveau parti anticapitaliste allié du grec Syriza, qui a emporté 11 sièges. Son chef Pablo Iglesias a reconnu que ce résultat était « décevant ».

Si la Catalogne s’en allait, elle emporterait avec elle un cinquième du PIB de l’Espagne, quatrième économie de la zone euro, et un quart de ses exportations. L’éventualité a inquiété banquiers et entrepreneurs, qui ont invité Madrid et Barcelone a reprendre le dialogue.

Barack Obama, David Cameron et Angela Merkel ont également souhaité le maintien de l’unité.

Quel que soit l’interprétation du résultat, ce scrutin fait entrer l’Espagne dans une zone de fortes turbulences, à trois mois des élections législatives. D’autant que le gouvernement a prévenu qu’il agirait contre tout acte « illégal » du gouvernemen régional.

« Invincibles, invincibles! »

« Je ne peux pas y croire, j’ai le coeur qui bat à 100 à l’heure! », s’émeut Claudia Cardona quand est annoncé la victoire des partis indépendantistes catalans aux élections régionales sur un écran géant installé dans le centre de Barcelone.

Arborant un T-shirt orné du drapeau catalan, rouge et or frappé d’une étoile blanche sur un triangle bleu, cette jeune étudiante en traduction d’à peine 18 ans a voté pour la première fois.

Elle a donné sa voix à la coalition « Ensemble pour le oui », portée par le président sortant du gouvernement de cette riche région d’Espagne, Artur Mas. Il a transformé le renouvellement du Parlement régional en un plébiscite en faveur de la sécession.

« Avec ce résultat, nous allons pouvoir lancer un processus (…) qui débouche sur un Etat catalan en 2017 », affirme-t-elle avec émotion. C’était la promesse d’Artur Mas au cas où les listes indépendandistes remporteraient la majorité des sièges au parlement régional, un pari réussi.

« Indépendance, indépendance, indépendance! », crie la foule réunie sur la place du Commerce, face au marché del Born, où la coalition « Ensemble pour le oui » a organisé sa soirée électorale.

« Président, président, président! », hurlent en choeur des milliers de personnes quand Artur Mas monte sur l’estrade à côté des autres têtes de liste pour célébrer ce qu’il a qualifié de « victoire du oui et victoire de la démocratie ». Les personnes présentent dansent, en liesse, tandis que les haut-parleurs crachent à plein volume: « Invincibles, invincibles! »

Un moment historique

« C’est génial, indescriptible, sublime »: Arnau Font, étudiant en publicité de 18 ans, venu exprès pour l’occasion de Gérone, à 100 km au nord de Barcelone, ne trouve plus de mots pour décrire sa joie. « C’est très motivant, porteur d’espoir car ça montre clairement que le peuple deCatalogne veut l’indépendance », ajoute-t-il, après avoir repris ses esprits.

« Je veux que nous nous séparions de l’Espagne car depuis que je suis en âge de penser, je vois que tout ce que nous recevons, ce sont des attaques, des menaces, comme les dernières sur une sortie (de la Catalogne) de l’euro ou sur la fuite des banques », explique-t-il.

Une marée de drapeaux catalans de toutes tailles flotte autour de lui. S’y mêlent les bannières d’autres régions où existent des aspirations indépendantistes aussi bien en Espagne, comme le pays basque et la Galice, qu’à l’étranger, avec le Québec et la Bretagne.

D’un coup, un grand silence se fait et la foule, dont certaines personnes en larmes, entame l’hymne national catalan, « Les Moissonneurs ». Parmi eux se trouvent des couples de personnes âgées, des amis venus en groupes, des familles avec leurs enfants, portant tout l’attirail indépendantiste.

Boucles d’oreilles, collier, bracelet, montre, chapeau: Loli Dominguez décline les couleurs catalanes sous toutes les formes, même un parapluie pour faire face à une éventuelle averse qui ne viendra jamais.

« L’indépendance, ce sont les gens de Catalogne qui la feront, que Madrid le reconnaisse ou pas », assure cette femme de ménage de 52 ans. Elle est arrivée de son Estrémadure natale, dans l’ouest de l’Espagne, il y a plus de 30 ans.

« C’est un processus, un chemin et il n’y a pas de retour en arrière », certifie son mari, Albert Llorenç, un chauffeur de taxi de 51 ans, tout sourire sous sa coiffe traditionnelle catalane, un long bonnet rouge.

« In, indé, indépendance! », reprennent les manifestants. Ils ne cessent de se prendre en photo avec leurs téléphones portables pour les mettre immédiatement en ligne sur les réseaux sociaux, conscients de vivre un « moment historique ».

Pour le Parti populaire, « la majorité des Catalans a rejeté l’indépendance »

Le porte-parole du Parti populaire (PP), au pouvoir en Espagne, a affirmé dimanche soir à Madrid que les Catalans avaient rejeté l’indépendance, les deux listes indépendantistes ayant remporté la majorité au parlement régional avec moins de la moitié des voix.

« La majorité des Catalans a rejeté l’indépendance » et « nous allons continuer à garantir la légalité, nous allons continuité à défendre l’unité de l’Espagne », a déclaré le porte-parole du PP, Pablo Casado, au siège du parti à Madrid.

« Évidemment, demain, tout continue comme avant, en Catalogne », a-t-il dit, avant d’affirmer: « Ce que le gouvernement (régional) doit commencer à faire, c’est gouverner pour tous les Catalans et arrêter les débats indépendantistes et identitaires qui ont échoué ».

Le président sortant de la Catalogne, L’indépendantiste Artur « Mas a échoué », a-t-il dit. « C’est la première fois que CDC et ERC n’ont pas la majorité absolue ». Ces deux partis catalans ont formé ensemble la liste « Ensemble pour le oui » qui revendique la victoire.

A une journaliste qui lui faisait remarquer qu’ensemble les indépendantistes avaient bien obtenu une majorité absolue en sièges au parlement régional et se sentaient légitimes pour lancer un processus de sécession, Pablo Casado a répondu: « Evidemment, cette légitimation, ils ne l’ont pas ».

Le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy (conservateur) et président du PP, n’a pas souhaité s’exprimer dimanche soir. Il doit réunir les instances de son parti lundi après-midi.

En Catalogne, le PP a perdu huit députés, passant de 19 en 2012 à 11 ce dimanche. Il n’arrive qu’en 4e position des partis (avec 11 sièges), à égalité avec la gauche radicale alliée à Podemos.

La coalition indépendantiste dont M. Mas est la figure de proue est arrivée en tête avec 62 sièges et pourrait s’allier avec la liste indépendantiste d’extrême gauche de la CUP (10), obtenant ainsi une majorité absolue de 72 sièges sur 135 sièges. Le parti libéral anti-indépendantiste Ciudadanos est arrivé à la seconde place (25), le Parti socialiste à la troisième (16).

Un des partis indépendantistes appelle à la « désobéissance »

Le parti indépendantiste de gauche radicale catalan CUP (Candidature d’unité populaire) a appelé dimanche à la « désobéissance » après la victoire du camp séparatiste aux élections régionales en Catalogne. « La souveraineté catalane a été claire », a déclaré son dirigeant Antonio Baños lors d’une soirée avec des militants de son parti, organisée dans un quartier de Barcelone, Poblenou.

Avec près de 99% des bulletins dépouillés, la coalition indépendantiste Junts pel Si – composée d’un parti de droite, d’une formation de gauche républicaine et des associations indépendantistes – est arrivée en tête, en obtenant 62 sièges au parlement. Avec les dix sièges de la CUP, qui multiplie son score par trois par rapport aux précédentes élections, le camp indépendantiste est majoritaire au parlement (72 sièges sur 135).

La CUP est cependant très loin idéologiquement d’Artur Mas, figure de proue de Junts pel Si, un conservateur. Elle a annoncé à plusieurs reprises qu’elle refuserait de l’investir président. Par ailleurs, elle a demandé un « plan d’urgence social ». « A partir de demain, la législation peut et doit être désobéie par les Catalans », a déclaré Antonio Baños, en appelant les habitants de la région à ne pas appliquer « les lois injustes pour les classes sociales catalanes ».

« Il faut que tous les Catalans et toutes les Catalanes puissent avoir trois repas part jour », a-t-il encore déclaré, dans une critique des politiques d’austérité mises en place par Madrid, mais aussi par le gouvernement régional d’Artur Mas. « Aujourd’hui naît la république », a-t-il lancé, en défendant une « république digne » et « inaliénable ».

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