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Les Etats-Unis toujours dans l’accord de Paris, mais plus pour longtemps

Le Vif

Deux ans et demi après avoir annoncé qu’il voulait déchirer l’accord de Paris sur le climat, Donald Trump va enfin pouvoir le dénoncer formellement lundi. Mais ses diplomates prendront encore une part aux négociations pendant un an.

C’est le paradoxe américain: à la Maison Blanche, le président Trump ignore l’accord et démolit la politique environnementale de son prédécesseur, Barack Obama. Et discrètement, en coulisses, les Etats-Unis contribuent aux discussions techniques pour préparer le terrain au cas où, un jour, le pays réintégrerait l’accord. En raison du rôle traditionnellement joué par les Etats-Unis dans des sujets techniques comme la transparence des comptabilités carbone, « les autres gouvernements continuent de les écouter et de leur donner de l’importance », explique à l’AFP David Waskow, expert des négociations climatiques au World Resources Institute, à Washington.

Une délégation américaine participera au prochain grand sommet climat de l’ONU, à Madrid en décembre, la Conférence des Parties numéro 25 ou « COP 25″… comme à toutes les réunions climat depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump. La raison pour laquelle les Etats-Unis toujours un siège à la table des négociations est inscrite dans l’article 28 du texte. Il y est stipulé qu’un pays peut dénoncer l’accord à partir de trois ans après son entrée en vigueur le 4 novembre 2016, c’est-à-dire à partir de lundi.

Une fois la dénonciation envoyée, le retrait prend effet un an plus tard. Ce qui reporterait la sortie effective au 4 novembre 2020. Coïncidence, ce sera le lendemain de l’élection présidentielle américaine. Concrètement, l’envoi attendu de la lettre, possible à compter de lundi, n’aura donc pas d’effet. Mais l’annonce sera symbolique pour le président républicain, en pleine campagne pour sa réélection. « Cela ne peut que renforcer sa position », dit David Waskow. « Cela ne m’étonnerait pas qu’il exploite cela politiquement ».

Après Trump

En creux, le retrait américain révèle toutefois la relative vigueur de l’accord de Paris, car aucun autre pays n’a suivi les Etats-Unis. Le Brésil est resté membre malgré l’élection du climatosceptique Jair Bolsonaro, et les grands pays émergents émetteurs de gaz à effet de serre, Chine, Inde ou encore Afrique du Sud, ont maintenu le processus, même si leurs plans climat sont jugés insuffisants pour l’instant. Même la Russie a finalisé son adhésion en septembre.

Le nihilisme climatique de Donald Trump a aussi eu comme effet inattendu de doper les acteurs américains non fédéraux. « Des Etats, des villes et des entreprises représentant plus de la moitié de l’économie et de la population se sont engagés à tenir les objectifs de l’accord de Paris », fait valoir Alden Meyer, expert des négociations climat à l’Union of Concerned Scientists, à Washington. Ces initiatives au niveau local peuvent être vues comme un verre à moitié plein ou à moitié vide. Les efforts de la Californie, de New York ou de multinationales ne sont pas négligeables, mais ils seront loin de compenser l’inaction fédérale. Par exemple, Barack Obama voulait fortement resserrer les normes écologiques pour les voitures, mais Donald Trump fait marche arrière.

L’objectif modeste fixé par M. Obama pour 2030 (au moins 26% de baisse des émissions par rapport à 2005) sera manqué d’environ un tiers, selon une estimation du groupe America’s Pledge publiée l’an dernier, et qui sera actualisée en décembre. Le vrai test de la solidité de l’accord de Paris aura lieu à la COP 26, en novembre 2020 à Glasgow au Royaume-Uni. Tous les pays sont censés revoir d’ici là leurs engagements, afin de faire infléchir la courbe des émissions et parvenir à zéro émission nette en 2050, seul moyen selon les scientifiques de limiter le réchauffement de la planète à +1,5°C par rapport à la fin du XIXe siècle.

L’élection américaine se sera tenue juste avant la COP, et dira si les pays interlocuteurs des Etats-Unis ont eu raison de ne pas rompre le dialogue technique avec Washington. Tous les opposants démocrates potentiels à Donald Trump se sont en effet engagés à faire revenir les Etats-Unis dans l’accord.

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