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Les États-Unis préparent leur première exécution fédérale depuis 2003

Mailys Chavagne
Mailys Chavagne Journaliste Web

Ce lundi 13 juillet 2020, Daniel Lewis Lee, 47 ans, recevra une injection létale dans le pénitencier de Terre-Haute, dans l’Indiana. Sauf si la justice lui accorde un sursis à la dernière minute…

Aux États-Unis, la plupart des crimes sont jugés au niveau des Etats, mais la justice fédérale peut se saisir des actes les plus graves (attentats, crimes racistes…) ou commis sur des bases militaires, entre plusieurs Etats ou dans des réserves amérindiennes.

Au cours des 45 dernières années, seules trois personnes ont été exécutées au niveau fédéral, dont Timothy McVeigh en 2001, le responsable de l’attentat d’Oklahoma City (168 morts en 1995). La dernière exécution fédérale remonte à 2003.

Depuis, plus aucune exécution fédérale n’a été organisée aux États-Unis. Et pour causes : les méthodes d’injection létale ont non seulement été sujettes à de nombreuses contestations judiciaires, mais une pénurie du médicament régulièrement utilisé pour effectuer ces exécutions a également forcé l’interruption de cette procédure.

En 2014, à la suite d’une exécution ratée en Oklahoma, le président Barack Obama avait même ordonné au ministère de la Justice de procéder à un large examen de la peine capitale et des questions entourant les drogues utilisées pour ces injections mortelles.

Malgré tout, en juillet dernier, le procureur général William Barr a annoncé son intention de reprendre les exécutions interrompues. Mais alors que le gouvernement de Donald Trump misait sur la Cour suprême des États-Unis pour lever les veto émis par plusieurs tribunaux et ainsi reprendre cette procédure, la plus haute juridiction américaine a pris la décision de bloquer temporairement son accord afin de mener un examen plus approfondi de la situation. Une décision qui n’aura finalement donné qu’un an de répit aux prisonniers enfermés dans le couloir de la mort…

La peine de mort aux USA

Si la peine de mort est encore largement pratiquée aux USA – en particulier au Texas, en Oklahoma, au Missouri, en Virginie ou encore en Floride -, le soutien des Américains à cette pratique s’est peu à peu érodé au fil des années. Ainsi, selon un sondage Gallup réalisé en 2019, 60 % des sondés sont pour des peines à perpétuité et 36 % pour la peine de mort. En 2014, 50 % des sondés étaient favorables à la peine de mort contre 45 % qui préféraient la prison à vie. Le soutien pour la peine de mort reste fort chez les électeurs républicains, qui sont 77% à y être favorables pour les meurtriers.

Aujourd’hui, 22 États fédérés ont aboli cette pratique. On compte également plusieurs États où la peine de mort est toujours en vigueur, mais où elle n’a plus été officiellement appliquée depuis au moins dix ans. C’est ce que l’on appelle un hiatus de facto.

Situation de la peine de mort aux Etats-Unis.
Situation de la peine de mort aux Etats-Unis.© peinedemort.org

Première injection létale depuis 2003

Finalement, 17 ans après la dernière exécution en date, le gouvernement américain prévoit ce lundi 13 juillet à 16h (heure locale) de procéder à la première exécution fédérale. Daniel Lewis Lee – ancien partisan de la suprématie blanche – doit mourir par injection létale dans une prison fédérale de l’Indiana. Il a été reconnu coupable et condamné en 1999 à la peine capitale pour le meurtre du couple Mueller, marchand d’armes à feu, et de leur fillette de huit ans.

Disant « agir au nom du public et des familles », l’administration républicaine a programmé deux autres exécutions cette semaine, et une quatrième le 28 août. Toutes concernent des hommes condamnés à la peine de mort par des tribunaux fédéraux pour le meurtre d’enfants.

Une décision dangereuse et politique

L’exécution de Daniel Lee intervient malgré les objections de la famille des victimes et après une multitude de poursuites judiciaires concernant les risques causés par la pandémie de coronavirus. Les plaignants ont expliqué être devant un choix impossible, entre leur droit d’assister aux derniers moments du condamné et les inquiétudes pour leur santé en cas de rassemblement.

La famille doit en effet parcourir des milliers de kilomètres et assister à cette exécution dans une petite pièce où la distanciation sociale est pratiquement impossible. Une situation qui inquiète, d’autant que le système carcéral fédéral a eu du mal ces derniers mois à contenir l’explosion du nombre de cas de coronavirus dans les prisons.

Outre les proches des victimes, une exécution implique de nombreuses personnes: « le personnel pénitencier, des avocats, des proches des accusés, des journalistes, un aumônier… », énumère Robert Dunham, le directeur du Centre d’information sur la peine de mort (DPIC) qui fait référence sur le sujet. C’est « irresponsable de vouloir mener autant d’exécutions en si peu de temps » dans ce contexte de crise sanitaire, ajoute-t-il, en dénonçant une « instrumentalisation politique de la peine capitale. »

Bref, cette décision a été jugée à la fois de dangereuse, mais aussi politique. Certains groupes de défense des droits civiques soutiennent que le gouvernement crée une urgence inutile et fabriquée autour d’un sujet qui n’est pas en haut de la liste des préoccupations des Américains pendant la pandémie.

Seule une décision de dernière minute pourrait encore sauver le condamné. À l’heure où de nombreux citoyens appellent le Président à se « concentrer sur la protection de la vie et non sur les exécutions » en ces temps de coronavirus, Donald Trump reviendra-t-il sur sa décision et fera-t-il preuve de clémence ? Réponse dans quelques heures…

Avec AFP

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