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 » Les Démocrates n’ont pas été complètement balayés « 

Pour le professeur de l’UCL, Amine Aït-Chaalal, le revers est cependant sévère pour Barack Obama. Mais les Républicains, obligés de « cogérer » et de composer avec les ultraconservateurs du Tea Party, affrontent une situation moins confortable qu’avant.

Amine Aït-Chaalal, professeur en Relations internationales à l’UCL et spécialiste de la politique américaine, livre son commentaire sur les élections parlementaires de mi-mandat aux Etats-Unis.

Le Vif.be : Les Démocrates ont-ils « limité les dégâts » en conservant leur majorité au Sénat ou l’ampleur de la victoire des Républicains à la Chambre des Représentants est-elle telle que la défaite est cuisante pour Barack Obama ?

Amine Aït Chaalal : Oui et non. La conservation de la majorité démocrate au Sénat est politiquement importante parce c’est au Sénat que se règlent les questions de politique étrangère et les nominations. Et que les deux chambres législatives ne basculent pas dans le même camp est un point important. Cela dit, ce n’est pas un grand titre de gloire d’avoir sauvé le Sénat quand on voit le revers subi par les Démocrates à la Chambre des Représentants. Mais, il est vrai que les Démocrates n’ont pas été complètement balayé. En ce sens, le résultat des élections est ambivalent. C’est la richesse du système électoral américain mais aussi peut-être sa faiblesse. Le système a peut-être atteint ses limites. Avec des élections tous les deux ans qui n’offrent pas une grande lisibilité politique. Mais c’est aux Américains de lancer éventuellement la réflexion sur ce thème.

Quelles seront les conséquences de la victoire des Républicains ?

D’abord, la percée des membres du mouvement ultraconservateur du Tea Party va sans doute pousser les Républicains à ne pas faire de cadeaux au président Barack Obama. Du reste, ils ne lui en ont pas faits pendant les deux premières années de son mandat; il n’y a pas de raisons qu’ils lui en fassent maintenant qu’ils sont majoritaires à la Chambre des Représentants. C’est une situation particulière que Bill Clinton a connue en 1994. Mais la situation des Républicains sera moins confortable aussi. Ils ne pourront plus se figer dans la posture de la critique. D’une culture d’opposition, ils vont devoir adopter une culture de la cogestion. Les Américains vont réclamer qu’ils soient constructifs. Et ils ne pourront pas pour autant imposer des politiques puisque tout projet devra avoir l’aval du Sénat et du Président lui-même.

Dans quelle mesure la percée du Tea Party va-t-elle influencer l’attitude des Républicains ?

Comment le Parti républicain va-t-il gérer les membres du Tea Party ? Soit il les intégre; soit il sera débordé par ceux-ci. Parce que dans la perspective de l’élection présidentielle de 2012, il est évident que des leaders de ce groupe, et une en particulier (NDLR. : Sarah Palin), vont être candidats à la candidature républicaine. C’est une équation à multiples inconnues. Les Républicains ont deux ans pour la résoudre. C’est un défi tout à fait considérable. Soit ils se tournent vers le centre et ils risquent de perdre cet électorat ultraconservateur, soit ils le ménage et ils se privent de regagner des voix centristes. C’est une équation très acrobatique. Et ce n’est pas fait pour déplaire à Barack Obama. Car pour 2012, le jeu reste très ouvert…

Comment expliquer le camouflet infligé aux Démocrates et à Barack Obama ?

Premier élément : en 2008, Barack Obama a été élu avec quelque 53 % des voix. il ne s’agissait pas d’une élection massive. Le point de départ de son mandat n’était pas très puissant.

Deuxième élément : le déficit sur la forme. Le candidat Obama était en phase avec la population. Le président Obama ne l’a plus été. L’usure et l’isolement du pouvoir l’ont éloigné de la population américaine. Barack Obama est un intellectuel.

Troisième élément : la peur, la colère et la déception. La peur chez l’électorat plutôt républicain par rapport à la situation économique et à l’évolution de l’image des Etats-Unis, d’une société plus métissée. Pour certains électeurs blancs, Barack Obama n’a pas la légitimité d’un président américain. La colère également dans le rang des électeurs pro-républicains par rapport au gouvernement et à la situation économique qui s’est dégradée. Cette colère s’est exprimée à travers l’émergence du mouvement ultraconservateur Tea Party et de façon spectaculaire lors du débat sur la réforme du système de santé. L’opinion publique y était plutôt favorable au départ. Mais le Tea Party a réussi à faire changer l’opinion en convainquant une partie des Américains, parfois par des moyens douteux, que la réforme avait des aspects négatifs.

La déception enfin, dans le chef des électeurs démocrates; certains ont jugé que Barack Obama menait une politique trop centriste et qu’il cherchait trop le consensus avec les Républicains alors que ceux-ci, de toute façon, n’en voulaient pas.

Quatrième élément : la crise économique et la crise des surprimes qui ont continué à produire leurs effets. Il a été reproché à Barack Obama de consacrer trop de temps à s’occuper d’autres dossiers.

Entretien : Gérald Papy

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