On prête au ministre démissionnaire des Affaires étrangères Boris Johnson l'ambition de briguer le poste de Theresa May. © Toby Melville/reuters

Les Bad Boys de Theresa May qui mettent la Première ministre en état de survie politique

Christian Makarian

Deux ans après avoir été adopté par référendum, le 23 juin 2016, et alors qu’il a été officiellement programmé pour le 29 mars 2019, le Brexit continue de diviser en profondeur le Royaume-Uni, jusqu’à fracturer son gouvernement.

Deux jours après un séminaire consacré à ce sujet brûlant, à Chequers, réunion supposée resserrer les rangs, le ministre expressément chargé du dossier Brexit, David Davis a brusquement démissionné en adressant à Theresa May un véritable camouflet.  » Je ne peux pas défendre, a- t-il déclaré, une forme de Brexit à laquelle je ne crois pas.  » Le lendemain, le 9 juin, le tonitruant Boris Johnson, ministre des Affaires étrangères, a claqué sa démission à son tour, créant un miniséisme politique. Il a été remplacé par son collègue de la Santé Jeremy Hunt.

La guerre est repartie. En l’occurrence contre Theresa May, accusée par David Davis de faire tout ce qui est en son pouvoir pour entretenir avec l’Union des relations commerciales aussi étroites que possible. Ses positions jugées trop conciliantes à l’égard de Bruxelles diminuent notamment la marge de manoeuvre dont rêvaient les conservateurs pour fixer librement les droits de douane.  » Au mieux, a ajouté David Davis, nous serons dans une position de faiblesse pour négocier.  »

Boris Johnson a pour sa part traîné dans la boue le plan de sortie de l’Union proposé par Mrs May. Conscient des menaces que celle-ci lui avait préalablement adressées et très critiqué par les milieux d’affaires, inquiets de son jusqu’au-boutisme anti-Brexit, il a franchi la ligne rouge en connaissance de cause. Il paraîtrait que Johnson, dont l’ambition est dévorante, briguerait le 10 Downing Street, mais en a-t-il seulement l’étoffe et ses amis conservateurs seraient-ils prêts à le suivre ? L’ambiance à Londres devient irrationnelle. Nigel Farage, le plus excité des brexiters, qui demande un second référendum pour faire taire ses adversaires, s’est même offert une saillie lamentable :  » Pour que le Brexit réussisse, nous devons nous débarrasser de cette épouvantable et fourbe Première ministre.  »

Dans l’opposition, c’est à peine mieux : les travaillistes demandent aussi le départ de Theresa May, mais pour des raisons inverses. Selon eux, cette dernière est coupable d’un manque criant d’autorité, ce qui la disqualifie pour mener à bien un Brexit qui sauverait l’essentiel des liens avec l’Europe unie. Les ténors du Labour se réjouissent de voir les brexiters conservateurs se déchaîner contre Theresa May.

Deux femmes

Obligée de naviguer de Charybde en Scylla, la Première ministre devient une équilibriste de la survie politique. Elle a convaincu un poids lourd du gouvernement, Michael Gove, ancien allié de Boris Johnson, de soutenir sa position au nom du  » réalisme « . Elle peut encore s’appuyer sur une équipe dans laquelle figurent de nombreux ministres anti-Brexit. Son poste serait toutefois menacé si 48 députés conservateurs demandaient un vote de confiance – qui devrait encore être adopté à la majorité. Theresa May peut tomber ; comme elle peut se féliciter de s’être débarrassée des pires gêneurs. Quitte ou double. La Première ministre a en tout cas les nerfs solides, car elle ne compte plus ses  » meilleurs ennemis « …

On peut se perdre dans les méandres des mesures techniques, on peut spéculer sur les multiples conséquences économiques, le point essentiel demeure : la sortie de l’Union européenne est pour le Royaume-Uni une question de politique avant tout. C’est bien pourquoi le Brexit apparaît comme un déchirement à épisodes. A Londres, comme à Berlin, l’Europe voit son avenir conditionné par le courage et la résistance de deux femmes, toutes deux menacées sur leur droite.

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