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Les Algériens restent mobilisés un mois après le début de la contestation

Le Vif

Les Algériens entendent rester mobilisés avec de nouvelles manifestations vendredi, un mois jour pour jour après le début de la contestation, pour réclamer le départ du président Abdelaziz Bouteflika, au pouvoir depuis 20 ans et dont le camp se fissure.

Les deux précédents vendredis ont vu une mobilisation record. Le 15 mars, des manifestations ont été enregistrés dans 40 des 48 préfectures du pays, selon des sources sécuritaires, et des diplomates ont évoqué « des millions » d’Algériens dans les rues.

Sur les réseaux sociaux, les appels à la mobilisation se sont poursuivis autour des mots-dièses « Mouvement_du_22_mars », « Partez tous! », du slogan « Nous sommes unis, ils sont finis » et du conseil de ne pas oublier son parapluie, la météo prévoyant de la pluie.

Mais la bruine n’a pas découragé des milliers d’Algériens -hommes, femmes et enfants- de commencer à se rassembler sur un carrefour à Alger, avant le coup d’envoi des manifestations, laissant à nouveau prévoir une importante mobilisation.

Accessoire désormais indispensable du manifestant algérien, le drapeau national -vert et blanc frappé de l’étoile et du croissant rouges-, est partout, dans les mains ou sur les épaules, comme aux balcons des immeubles.

Zineb, 59 ans, fonctionnaire à la retraite, assure qu’elle « marchera chaque vendredi qu’il pleuve ou qu’il neige, jusqu’à ce que ce régime pourri tombe ».

Comme les semaines précédentes, de nombreux Algériens sont arrivés de province la veille. « Je marcherai chaque vendredi, jusqu’à ce qu’il y ait un changement radical (…) de système », assure Younès Laroussi, chômeur de 24 ans venu de Tiaret, à 270 km d’Alger.

A l’exception de heurts isolés en marge du cortège à Alger, les manifestations, sans précédent dans ce pays pétrolier depuis l’élection de M. Bouteflika en 1999, ont été pacifiques.

Coup de pinceau

Sur un trottoir du carrefour de la Grande-Poste, point de rendez-vous des manifestants à Alger, Hamid Sbaa, artiste peintre de 54 ans a posé un chevalet et une toile, sur laquelle les passants sont invités à apposer un coup de pinceau.

La toile s’intitule Silmiya (« pacifique » en arabe), explique-t-il. « Je me suis demandé ce que je pouvais apporter en tant qu’artiste peintre et j’ai pensé à une toile commune faite par de nombreux Algériens. Chacun une touche ».

L’un trace un V de la victoire, un autre le symbole kabyle, il y a des coeurs, des mots « paix » ou « peace »… Autour, chacun réclame le pinceau.

Comme Naima, fonctionnaire de 50 ans, tous les manifestants interrogés par l’AFP assurent être prêts à marcher le temps « qu’il faudra » pour que M. Bouteflika, son entourage et le « système » s’en aillent.

Mais M. Bouteflika, 82 ans, affaibli par les séquelles d’un AVC qui depuis 2013 l’empêchent de s’adresser de vive voix aux Algériens et rendent rares ses apparitions publiques, refuse de céder le pouvoir.

Face à la contestation déclenchée le 22 février par l’annonce de sa candidature à un 5e mandat à la présidentielle du 18 avril, il a finalement renoncé. Mais il a reporté le scrutin à après une conférence nationale chargée -à une date non précisée- de réformer le pays et de le doter d’une nouvelle Constitution, prolongeant d’autorité son mandat actuel au-delà de son expiration constitutionnelle le 28 avril.

Lors d’une tournée à Rome, Moscou et Berlin, le nouveau vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères algérien Ramtane Lamamra a répété que M. Bouteflika remettrait ses fonctions à un successeur élu lors de cette future présidentielle, une échéance pour l’heure incertaine.

Fissures

Avant le rassemblement de vendredi, étudiants, professeurs, professionnels de santé, avocats et magistrats ont tour à tour entretenu la mobilisation en manifestant cette semaine.

Côté pouvoir, les efforts du nouveau Premier ministre Noureddine Bedoui, pour former le gouvernement rajeuni de « technocrates » promis aux protestataires, semblent toujours stériles, dix jours après sa nomination.

Et le camp présidentiel apparaît plus divisé que jamais.

Mercredi, le patron de la formation de M. Bouteflika, le Front de libération nationale (FLN), a assuré que l’ancien parti unique, au pouvoir depuis 1962, « soutient le mouvement » de contestation, tout en prônant le « dialogue » proposé par le chef de l’Etat.

Du côté du principal allié, le porte-parole du Rassemblement national démocratique (RND), Seddik Chihab, a affirmé que le parti s’était « trompé » en soutenant la candidature de M. Bouteflika à un 5e mandat.

Plus grave, il a accusé des « forces non constitutionnelles » de diriger le pays, disant ne pas savoir qui décide « réellement » à la présidence.

Le RND, parti de l’ex-Premier ministre Ahmed Ouyahia, récemment sacrifié à la colère populaire, a eu beau se démarquer des déclarations de son porte-parole, les protestataires voient dans l’apparent délitement du « système » un encouragement à poursuivre la mobilisation.

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