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Les 70 ans de l’Otan assombris par les dissensions et la colère de Trump

Le Vif

Entre des dissensions exposées au grand jour et des moqueries qui ont piqué au vif Donald Trump, les 29 membres de l’Otan ont peiné mercredi à afficher leur cohésion face aux défis qui émergent trois décennies après la fin de la Guerre froide.

Sommet de l’Otan: Trump annule sa conférence de presse

Le président américain Donald Trump a annoncé mercredi qu’il annulait sa conférence de presse prévue à l’issue du sommet du 70e anniversaire de l’Otan à Watford, près de Londres.

« Je vais annuler la conférence de presse », a déclaré le locataire de la Maison Blanche à l’occasion d’un déjeuner de travail rassemblant les pays membres de l’Otan ayant rempli leurs obligations financières vis-à-vis de l’Alliance.

Défis posés par le terrorisme, la Chine et la Russie, intervention turque en Syrie lancée sans concertation avec les alliés, insistance américaine à partager davantage le financement de la sécurité collective: les sujets difficiles ne manquaient pas pour la réunion organisée sur un golf de luxe à Watford, dans la banlieue de Londres.

Au final, c’est une vidéo dans laquelle le Premier ministre canadien Justin Trudeau semble se moquer avec Emmanuel Macron de Donald Trump lors de la réception donnée mardi soir à Buckingham Palace qui a déclenché l’ire américaine. « Il est hypocrite », a lâché le milliardaire républicain, qui avait déjà eu des échanges difficiles avec M. Trudeau après le G7 de 2018, avant d’annuler sa conférence de presse finale.

Donald Trump s’est en fait longuement exprimé à plusieurs reprises devant les journalistes lors de ses entretiens bilatéraux mardi avant le début du sommet. Il avait aussitôt donné le ton d’un sommet difficile en qualifiant de « très insultants » les déclarations d’Emmanuel Macron jugeant l’Otan en « mort cérébrale ».

Arrivant à Watford mardi matin, le président français a répété « assumer totalement » ses propos très critiqués par ses alliés. « Ils ont permis de soulever un débat qui était indispensable », a-t-il insisté. « Je pense que notre responsabilité était de soulever les ambiguïtés qui pouvaient être nuisibles et d’assumer un vrai débat stratégique. »

– « Défi » chinois –

L’Organisation née en 1949 se trouve confrontée à des défis considérables 30 ans après la chute du mur de Berlin. Dans sa déclaration finale adoptée mercredi, elle reconnaît pour la première fois l’influence croissante et les politiques internationales de la Chine comme « des opportunités et des défis ».

Elle dénonce par ailleurs les actions agressives de la Russie et avertit qu’elle restera une alliance nucléaire aussi longtemps qu’il y aura des armes nucléaires.

Angela Merkel a jugé la réunion « très constructive » malgré les dissensions: « Nous avons convenu aujourd’hui que le terrorisme est le principal ennemi ».

« Bien sûr qu’il y a des différences, cela serait très étrange autrement », a concédé le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, à la fin de la réunion, qui s’est employé au cours de ces deux jours de défendre le rôle de l’Alliance. « Nous avons toujours réussi à surmonter ces différences et à nous unir autour de notre objectif clé qui est de nous défendre. »

M. Stoltenberg s’est vu confier une mission de réflexion sur les missions de l’Otan à l’issue de la réunion.

L’entente de façade a failli être remise en cause par la Turquie, qui bloquait l’adoption des nouveaux plans de défense pour les Etats Baltes et la Pologne et menaçait de ne pas donner son accord à la déclaration commune après les protestations contre son intervention militaire dans le nord-est de la Syrie contre les forces kurdes considérées comme terroristes.

La tension est montée entre Ankara et Paris et a tourné à l’incident diplomatique la semaine dernière lorsque Recep Tayyip Erdogan a jugé Emmanuel Macron en « mort cérébrale ».

Avant le sommet de l’Otan, le président français est revenu à la charge, accusant Ankara de « parfois travailler avec des intermédiaires » du groupe jihadiste Etat islamique et estimant que les deux pays n’avaient « pas la même définition » du terrorisme.

Une réunion mardi avec le président français, Angela Merkel et Boris Johnson n’a pas apporté les « clarifications » attendues, selon le chef de l’Etat français.

Emmanuel Macron a affirmé ne « pas voir de consensus possible » avec la Turquie sur la définition du terrorisme.

Mais le président Erdogan ne s’est finalement pas opposé à l’adoption de la déclaration de l’Otan, car le texte condamne le terrorisme « sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations » et le considère comme « une menace persistante pour nous tous », a expliqué M. Stoltenberg.

Les nouveaux défis et menaces d’une Otan septuagénaire

Les dirigeants de l’Otan ont dressé mercredi le bilan de 70 années d’existence de l’Alliance et identifié dans une déclaration commune les nouveaux défis que représentent l’essor de la Chine, le « terrorisme » et les cyberattaques.

« L’Otan reste le fondement de notre défense collective et le forum essentiel pour les consultations et la prise de décision en matière de sécurité entre Alliés », affirme la déclaration commune.

Voici les principaux défis et menaces identifiés par une Alliance née il y a 70 ans pour protéger l’Amérique du Nord et l’Europe de l’ex-Union soviétique.

– Russie

« Les actions agressives de la Russie constituent une menace pour la sécurité euro-atlantique », soutiennent les dirigeants de l’Otan. Mais ils se déclarent « ouverts au dialogue, et à la perspective d’établir une relation constructive avec la Russie lorsque les actions de cette dernière le permettront. »

Les Alliés soulignent qu’ils resteront « une alliance nucléaire tant que des armes nucléaires existeront ».

– Chine

Les Alliés reconnaissent pour la première fois les « opportunités et les défis » posés par la Chine, puissance économique dont les capacités militaires et technologiques augmentent, notamment en ce qui concerne les infrastructures 5G.

Les dirigeants insistent sur la nécessité de systèmes de communication « sécurisés et résilients », notamment pour la 5G.

Les pays de l’Otan et les pays occidentaux sont préoccupés par le rôle des entreprises chinoises, en particulier Huawei, dans la construction des réseaux nécessaires pour la prochaine génération de communications sans fil. Washington exhorte l’Europe à exclure Huawei du développement de ces réseaux 5G à cause de ses liens étroits avec le gouvernement chinois. Washington considère que les équipements pourraient être utilisés par Pékin pour espionner.

– Terrorisme

« Le terrorisme sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations demeure une menace persistante pour nous tous », affirment les Alliés.

– Espace

« L’espace devient un domaine opérationnel pour l’Otan, important pour notre sécurité », annonce la déclaration. Cibles potentielles d’attaques, les satellites des pays de l’Alliance, très vulnérables, pourront ainsi être protégées. Mais il n’est pas question pour l’Otan de militariser l’espace.

L’espace devient le cinquième domaine d’opération avec l’air, la terre, la mer et le cyberespace.

« Nous augmentons nos outils pour répondre aux cyberattaques et renforçons notre capacité à nous préparer, à dissuader et à nous défendre contre les tactiques hybrides qui visent à saper notre sécurité et nos sociétés », ajoute la déclaration.

– Dépenses militaires

Les Alliés réitèrent leur engagement de consacrer 2% de leur PIB national aux dépenses militaires d’ici 2024. Donald Trump à fait du respect de cet engagement une de ses priorités depuis son arrivée au pouvoir en 2016 et le sujet est à l’ordre du jour de toutes les réunions ministérielles de l’Alliance.

« Les dépenses de défense non américaines ont augmenté pendant cinq années consécutives. Plus de 130 milliards de dollars américains supplémentaires sont investis dans la défense », souligne la déclaration.

« Nous faisons de bons progrès. Nous devons en faire plus et nous le ferons », assurent les Alliés.

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