Activistes protestants contre le traité transatlantique, ou Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement (TTIP) © Reuters

Le TTIP pourrait voler en éclats

Stagiaire Le Vif

Selon un article de Politico, il se pourrait que le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement soit menacé de report, voire d’abandon total. L’accord devait à la base se faire avant la fin du mandat d’Obama. Les  » anti-TTIP « , de plus en plus en nombreux en France et en Allemagne, ne font pas non plus les affaires des partisans de ce pacte, dont on ne connaît toujours pas le contenu complet.

Les défenseurs du Traité transatlantique se font de plus en plus de soucis quant à l’aboutissement et la conclusion de leur accord. Si celui-ci n’est pas entériné avant 2017, il pourrait bien être compromis par la fin de la Présidence de Barack Obama, le changement de l’administration qui en découlera. De plus, les deux plus importantes économies européennes, l’Allemagne et la France, comptent de plus en plus d’eurosceptiques. Les politiciens risquent du coup de profiter de la méfiance publique pour en faire un thème de campagne.

Le 24 avril prochain, Barack Obama, le représentant du commerce américain Michael Froman, la chancelière allemande Angela Merkel et la commissaire européenne au Commerce Cecilia Malmström doivent se rencontrer à Hanovre pour discuter de l’accord. Cette rencontre a été à plusieurs reprises qualifiée de celle « de la dernière chance » d’entériner le Traité avant que la Maison-Blanche ne change de main. Une importante réunion doit aussi se tenir à New York le lendemain.

L’ambassadeur américain en Allemagne, John Emerson, a confié à Politico que s’ils voulaient vraiment l’instauration du TTIP, les négociateurs du Traité doivent impérativement le conclure durant cette Présidence. Selon lui, il y aura un impact certain sur les négociations du Traité, et ce, peu importe qui gagne la Présidence en novembre prochain.

De son côté, Angela Merkel a mis la pression sur les négociateurs la semaine dernière. Dans un communiqué commun, rédigé avec les principaux leaders économiques mondiaux (l’OMC, le FMI et la Banque Mondiale), elle a déclaré « qu’elle s’attend à des progrès significatifs des négociations sur le TTIP en 2016 ».

Aux États-Unis, tant les candidats républicains que démocrates ont critiqué vivement la politique économique et commerciale de Barack Obama. Bien que leurs critiques actuelles soient plutôt dirigées vers le partenariat transpacifique, il est fort probable que la campagne présidentielle vienne aussi entraver les négociations sur le TTIP.

Pour Hosuk Lee-Makiyama, le directeur du Centre européen pour la politique économique internationale (Bruxelles), si l’accord n’est pas entériné cette année, il est irréaliste de penser qu’il sera conclu avant 2018, voire 2019.

Une menace pour la démocratie

À l’heure actuelle, de nombreux chapitres du « deal » sont encore en train d’être débattus, même les sujets les « moins controversés », déclare Lee-Makiyama. « Il y a encore des négociations sur l’agriculture ou les services, qui normalement sont terminées après 4 ou 5 réunions ».

Erik Paulsen, du parti républicain, membre du Congrès américain, demande de la patience : « Les négociations commerciales sont toujours difficiles, ça prend du temps. Nous devons tenter de le conclure cette année. Si nous n’y arrivons pas, il vaut mieux qu’on prenne notre temps ».

La Commission européenne pense également qu’il vaille mieux prendre son temps. « Nous nous sommes engagés à faire le plus de progrès possible en 2016 », a déclaré un porte-parole européen. « Le but est d’arriver à un accord ambitieux et équilibré ».

Même si le prochain Président des États-Unis décidait de soutenir le TTIP en 2017, le paysage politique européen de l’année prochaine est aussi fait de nombreuses incertitudes. Il y aura des votes importants dans les deux plus grandes puissances économiques de l’Union européenne. En France, les élections présidentielles auront lieu en avril et les législatives en juin. En Allemagne, le Parlement doit être renouvelé et un chancelier doit être désigné au printemps. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que les partis « populistes » (et anti-TTIP) gonflent de plus en plus.

Étant donné que les négociations sur le TTIP sont secrètes et attirent de plus en plus les foudres de la population, il semble évident que les candidats aux élections de ces deux pays vont être réticents à s’engager concrètement en faveur de celui-ci.

L’Allemagne et la France pourraient ralentir les négociations

C’est en Allemagne que l’on compte le plus de « TTIP-sceptiques ». Selon une étude européenne conduite l’année dernière, seulement 27 % des Allemands se disent favorables au Traité, tandis que la moyenne européenne est de 53 %.

« Les Allemands ne sont pas contre le commerce de manière générale, mais sont opposés aux restrictions qu’impose le TTIP et qui pourraient porter atteinte à la démocratie », explique Sven Giegold, un parlementaire allemand des « Verts ». « Nous voyons le Traité, dans son état actuel, comme une atteinte à nos modèles de sociétés », ajoute-t-il. « S’ils ne changent pas leur approche, ça deviendra réellement un problème durant les élections en Allemagne, mais aussi dans les autres pays européens ».

Du côté de l’extrême droite allemande « Alternative pour l’Allemagne », qui a fait une percée impressionnante le mois dernier lors des élections régionales, les critiques fusent envers Angela Merkel et son ministre de l’Économie, Sigmar Gabriel. Le parti leur reproche d’avoir été trop loin dans les négociations du TTIP. Le « deal » transatlantique sera évidemment un de leurs thèmes de campagne.

En France, le public n’a pas prêté plus attention que ça aux négociations sur le TTIP. « Mais c’est sur le point de changer. Ça va devenir un problème important en France, c’est certain », déclare le député socialiste Emmanuel Maurel.

La semaine dernière, 60 parlementaires avaient signé une lettre ouverte publiée dans Le Monde pour critiquer le manque de transparence des pourparlers concernant le TTIP et ont promis qu’ils ne laisseraient pas l’Union européenne « réduire le parlement français au silence ».

Le ministre français du Commerce extérieur, Matthias Fekl, a appelé les États-Unis à s’accorder sur plus de transparence des négociations en cours. Il a également appuyé la création d’un tribunal pour résoudre les litiges entre les investisseurs américains et les gouvernements européens.

Le TTIP sera également un thème de campagne de la candidate frontiste à l’élection présidentielle, Marine Le Pen.

Pour rappel, le Traité transatlantique est un accord commercial dont le but est de créer une énorme zone de libre-échange entre les États-Unis et l’Union européenne. Cela devrait représenter 46 % du PIB mondial. Les défenseurs du projet affirment qu’il dopera la croissance, l’économie et l’emploi. Ses détracteurs par contre, s’insurgent contre le manque de transparence de l’accord, le fait que les entreprises auraient un pouvoir accru face aux États et les standards et modèles européens, notamment en ce qui concerne les normes (sanitaires et environnementales notamment), qui disparaîtraient purement et simplement.

Maxime Defays

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