Aicha Bacha

Le terrorisme est incolore et inodore

Aicha Bacha Doctorante en Sciences Sociales et Politiques à l'ULB

En pleine réflexion suite à une semaine pleine d’activités et d’événements sur la journée mondiale de la femme, et sur l’impact de l’islam politique sur l’immigration en Europe, la mauvaise nouvelle est tombée en Nouvelle-Zélande.

A Christchurch : un carnage est commis par un Australien se présentant comme un « fasciste ». Pas moins de 72 heures après, c’est la même communauté qui est touchée aux Pays-Bas.

Après un moment de choc, et de chagrin, j’ai recommencé à réfléchir : que faire? Rédiger un texte de compassion où j’exprime mon amertume, ma colère et mon indignation? J’en ai écrit 3 cette année, sans que cela ne change quoi que ce soit. Crier à la victime sur les réseaux sociaux et mettre en cause les actes islamophobes que nous subissons? Cela n’aidera, non plus, à rien. Pleurer en toute discrétion ces morts et aller se recueillir avec un bouquet de fleurs devant l’ambassade de la Nouvelle-Zélande, comme ce que j’ai déjà fait à Malbeeck? Ceci ne me suffira pas et n’éteindra pas l’éruption volcanique de colère qui brûle mon âme. C’est pour cela que j’ai décidé d’écrire quelques lignes, tout en espérant qu’elles me permettront de faire mon deuil.

Face à ces actes abominables, la réponse de l’humanité et surtout des musulmans doivent être impitoyables, à la hauteur des attaques subies. Cette réponse doit être double : d’abord à l’intérieur de leur communauté même, mais aussi dans leur relation avec l’autre.

Musulmans du monde, répondez au terrorisme en vous unissant entre vous

Je parle ici du paysage musulman belge, des dizaines d’organisations, prétendant représenter notre communauté, se bagarrent entre elles. Chacune veut prendre le contrôle de la grande mosquée. Les membres de ces organisations n’ont pas besoin d’ennemis non-musulmans : ils se partagent en plusieurs camps, l’un étant l’ennemi de l’autre, et ils dépensent beaucoup d’argent. Au lieu de se cotiser et d’investir dans la création d’instituts d’enseignement et de recherche du « savoir », ils investissent pour nous imposer leur « manière de croire » qui peut prendre plusieurs nationalités, tantôt golfienne ( mais celle de l’Arabie saoudite et des Emirats Arabes Unis… n’étant plus celle du Qatar), et tantôt turque, marocaine ou iranienne. Force est d’admettre que toutes ces manifestations du « croire » musulman ne sont vraisemblablement pas celles que défendent les musulmans de Belgique. Cette fragmentation idéologique et théologique du paysage musulman en Belgique reflète la division et l’absence du consensus entre les musulmans dans le monde. Et je ne vais pas parler, non plus, de comment certains membres de notre communauté taxent celui qui perçoit les choses différemment, ni comment ils combattent ceux qui réussissent. Unissons-nous et contrôlons notre égo narcissique. Interrogeons-nous sur l’image que nous véhiculons à l’autre.

Nous lançons un appel ouvert aux scientifiques, intellectuels, hommes politiques, juristes, professionnels des médias, religieux et économistes de culture et/ou de religion musulmane, à s’organiser et à ouvrir des ateliers de travail sur la situation de la communauté musulmane afin de proposer des solutions aux problèmes vécus en respectant les lois internationales. Faites des pays qui vous accueillent vos patries et de la société où vous grandissez votre famille (comme disait Khalil Jibrane).

Politiciens, arrêtez de promouvoir le chauvinisme et la théorie du grand remplacement de Renaud Camus.

  • Parce que la menace terroriste visant la communauté musulmane est à un niveau sans précédent, et le plus inquiétant est l’apparition de groupuscules obscurantistes la visant, il faut mettre en évidence des mesures de surveillance nouvelles pour les lieux du culte là où il y a des menaces.
  • Parallèlement, engager un chantier législatif pour institutionnaliser les métiers des religieux musulmans, comme tout métier, afin de les libérer de toute dépendance extérieure et pour les motiver à faire plus d’efforts de réflexion (l’ijtihâd) par rapport à plusieurs sujets (l’héritage de la femme, la citoyenneté, la définition de l’occidental…etc).
  • Adopter des lois criminalisant la description des migrants par les journalistes, politiques…etc. comme des envahisseurs.
  • Augmenter l’éducation pour lutter contre les théories du complot comme celle du grand remplacement.

Humanistes du monde, le 22 mai 2014, c’était notre peuple qui était endeuillé lors de l’attaque terroriste du musée juif. Le 27 décembre 2017, c’était l’Egypte qui était victime de la haine vis-à-vis de ses Coptes. Le 15 mars 2019, c’est le peuple néo-zélandais qui a été visé à travers l’attaque de sa communauté musulmane. Le 18 mars 2019, c’est le peuple néerlandais qui en est la victime. Qui sait qui sera le suivant de la liste ?

Nous concluons en disant que la mémoire des victimes innocentes d’Utricht, de Christchurch, du Caire, de Bruxelles, de Paris, de Madrid, de Copenhague… restera vivante dans la conscience de la nation.

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