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« Le risque d’une nouvelle guerre entre la Chine et le Japon est réel »

La Chine et le Japon attisent leur conflit autour de quelques îles désertes, mais stratégiques dans la Mer de Chine orientale.

Les Chinois les appellent Diaoyu, les Japonais Senkaku. Ces cinq îles inhabitées et trois rochers de la Mer de Chine orientale opposent les deux pays depuis plus de 40 ans. Et quelques démarches récentes de la part de Pékin et de Tokyo ont ravivé les tensions au point que le premier ministre japonais Shinzo Abe a comparé la question à l’éclatement de la Première Guerre mondiale au Forum économique mondial de Davos.

Symbolique et stratégique

Pourquoi ces îles, également revendiquées par Taiwan, sont-elles si importantes? « D’une part, elles incarnent une grande valeur symbolique », explique Jonathan Holslag, professeur en relations internationales à la VUB et spécialiste du continent asiatique.

« Pour les deux gouvernements, il s’agit de défendre leur statut. Si l’un des deux leaders, soit le président Xi Jinping pour la Chine, soit Abe pour la Japon, cède sur un point, il perdra la face dans son pays ».

D’autre part – et surtout – il y a l’intérêt stratégique de l’archipel. Les Mers de Chine orientale et méridionale servent de plus en de plus de décor à un jeu de pouvoir géopolitique. « Le territoire est surtout important pour ses possibilités d’exploitation (ses réserves de gaz) et les itinéraires de navigation internationaux. En outre, ces îles permettraient à la Chine d’écarter les navires de guerre japonais et américains de ses eaux » ajoute Holslag. « Mais c’est parole contre parole, car le droit international n’est pas clair à ce sujet ».

Incertitudes

Au Japon et en Chine, les esprits s’échauffent de plus en plus. En novembre dernier, le gouvernement chinois a établi une zone de défense aérienne au-dessus de la zone immédiatement ignorée par le Japon et la Corée du Sud.

Aussi, ce conflit pourrait dégénérer en guerre entre les deux puissances mondiales. Holslag ne l’exclut pas, même s’il faut prendre différents facteurs en compte.

Il souligne que la Chine et le Japon (respectivement la deuxième et la troisième économie mondiale, NDLR) sont très dépendants économiquement. « Un conflit militaire pourrait mettre en péril leur prospérité économique. Toujours est-il qu’il y a beaucoup d’incertitudes dans cette histoire ».

« Premièrement, le temps presse pour le Japon. Si la Chine continue à investir dans l’extension de ses capacités militaires, les Japonais devront se résigner à accepter la souveraineté des Chinois. Pour Tokyo, il s’agit donc d’engager la lutte ou de vivre sous la domination de Pékin. En outre, le risque d’escalade n’est jamais loin : le plus petit conflit sur mer ou dans les airs peut rapidement faire dégénérer la situation. En outre, autant le président Xi en Chine que le premier ministre Abe au Japon durcissent leur attitude l’un envers l’autre ».

États-Unis

Selon Holslag, le rôle des États-Unis pourrait également être surestimé. « Le Japon s’inquiète de la fiabilité du partenaire américain. Pour Washington le Japon ne revêt pas suffisamment d’importance pour se mêler à un conflit militaire avec la Chine ».
« Pour l’instant, la présence et donc la dominance des États-Unis sont encore trop grandes » explique Holslag. « La Chine a besoin de quelques années encore pour briser cette prépondérance américaine ».

Risque de guerre

Le professeur Holslag n’exclut pas de guerre entre la Chine et le Japon dans les années à venir. « Le conflit ne s’apaisera sûrement pas et si l’incertitude économique augmente, le risque d’un conflit armé en Asie est certainement réel ».

« De ce point de vue là, la comparaison d’Abe avec l’éclatement de la Première Guerre mondiale n’est pas si tirée par les cheveux : à cette époque aussi, la prospérité économique baissait et la nervosité sur le renversement des rapports de force était grande ».

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